Henri Cartier-Bresson en Chine

Nov 06, 2019 at 22:55 1670

Du 15 octobre 2019 au 9 février 2020, la Fondation Henri Cartier-Bresson à Paris montre l’exposition Henri Cartier-Bresson : Chine 1948-1949 | 1958 et publie un livre du même titre. Le catalogue officiel par Michel Frizot et Yi-lung Su est la source principale pour notre article.

Cette exposition est né d’un livre un peu oublié de Cartier-Bresson, D’une Chine à l’autre, publié par Delpire en 1954. Elle présente deux événements clés de l’histoire de Chine dont HCB fut témoin : la chute du gouvernement nationaliste du Kuomintang et l’instauration du régime communiste de la République populaire de Chine (1948-1949), et le « Grand Bond en avant » de Mao Zedong (1958).

Il s’agit d’un moment majeur de la photographie documentaire. Inédite, l’exposition regroupe 114 tirages originaux de 1948-1949, 40 tirages de 1958, et de nombreux documents d’archives. Dont le livre, les auteurs mentionnent deux portfolios, respectivement de 112 et 39 photographies pour 1948-1949 et 1958 qui, conformes à la légende esthétique de Cartier-Bresson, montrent à la fois des séries attachées à un lieu ou un événement, et des images que le photographe concevait comme « uniques » ou « isolées » au sens où elles se suffisaient à elles-mêmes.

Suite à une commande de Life Magazine, et peu après la création de l’agence coopérative Magnum, HCB réalise le premier voyage de décembre 1948 à septembre 1949 au moment de la transition entre le régime nationaliste de Chiang Kaï-shek et la création du régime communiste de Mao Zedong. Plus que des photographies dites « de reportage », les images qui en résultent, dont certaines sont restées parmi ses plus célèbres, témoignent d’événements marquants, de circonstances sociales et de modes de vie qui vont disparaître, et surtout retiennent l’attention par leurs qualités empathiques et poétiques.

Ces témoignages de HCB rencontrent un grand succès dans les meilleurs magazines d’actualité de l’époque dont Life, Illustrated et Paris Match, et marquent un moment majeur de l’histoire du photojournalisme.

Henri Cartier-Bresson doit sa notoriété artistique à une exposition au MoMA de New York en 1947, mais il n’est pas encore reconnu pleinement comme un photojournaliste. Le magazine international Life, qui lui commande la story initiale sur Pékin, soutient de longue date les nationalistes du Kuomintang, à l’opposé des engagements plutôt communistes de Henri Cartier Bresson. Après Pékin, HCB visite également Tsingtao, Hangzhou, Nankin et Shanghai. Passionné par la culture chinoise, il se fera bouddhiste.

Toutes ces circonstances singulières constituent un moment d’acmé de sa carrière, au cours duquel il élabore (à quarante ans) une pratique photojournalistique toute personnelle dont il ne se départira plus pendant les vingt années suivantes.

Marqué par le pays et sa culture, comme par les mutations politiques de l’époque, HCB retournera en Chine en 1958 pour un séjour de quatre mois sous le contrôle d’un guide-interprète communiste. Ce deuxième voyage se produit en plein « Grand Bond en avant » proclamé par Mao Zedong qui, en réalité, fut un Grand Bond en arrière. Le photographe constatera les effets du changement de régime. Il parcourt des milliers de kilomètres. Il visite un grand barrage en aciérie, de nouveau puits de pétrole, une école maternelle, un village paysan et une commune collective. Il documente tout avec sa gestique furtive. Elargissant le propos du livre, ce second séjour vient ici compléter le premier, à la fois en résonance et en contraste.

L’ouvrage – dont la sélection photographique a été réalisée en étroite collaboration avec la Fondation HCB par les auteurs, Michel Frizot et Ying-lung Su – analyse et organise un corpus photographique, documentaire et historique inédit, d’une ampleur exceptionnelle, grâce auquel on accède à la pratique, aux intentions et aux audaces d’une figure majeure de la photographie. Au moment et dans les circonstances qui vont faire de lui une référence et une célébrité du photoreportage.

Un premier essai du catalogue présente le reportage selon Cartier-Bresson dont le contexte historique de la Guerre froide. Il est suivi par le portfolio. Ensuite, dans un deuxième essai, les auteurs examinent l’ensemble des quelques 5000 photographies produites par HCB au cours de son premier séjour en Chine de près de dix mois, qui constitue certainement le meilleur de son œuvre de photojournaliste selon eux. Ils essaient de constituer la cohérence d’une démarche qui installe ce photographe comme l’un des plus célèbres reporters du XXe siècle. Ensuite, Michel Frizot et Yi-lung Su se penchent sur les publications des photos du voyage de 1948 et 1949. Après deux chronologies en parallèle (la vie de HCB et l’histoire de la Chine), ils analysent le deuxième séjour en Chine du 16 juin au 23 octobre 1958, suivi par le deuxième portfolio.

Ses notices-légendes à l’intention de Magnum, et sa correspondance, laissaient percer son espoir (initial) que le nouveau régime (communiste) résolve les problèmes sociaux et économiques flagrants dont il avait été témoin en 1948/49. Pourtant, en 1961, HCB, l’homme de gauche, arriva au constat un peu plus réaliste que : « China is sacrificing the present to the future – which is most unpleasant for those who have to live with it. And there is all the time propaganda. The people have not a moment’s peace. It is a regimented world, and it can be very tedious. But I believe we mustn’t look at it emotionally. That does not help us to understand. For China is a country which the Western world cannot ignore. »

Michel Frizot et Yi-lung Su : Henri Cartier-Bresson : Chine 1948-1949 | 1958. Delpire, 2019, 288 pages. Commandez le catalogue officiel de l’exposition chez Amazon.fr ou chez Amazon.de.

L’exposition Henri Cartier-Bresson : Chine 1948-1949 | 1958 à la Fondation HCB dure du 15 octobre 2019 au 9 février 2020. Adresse: 79, rue des Archives, 75003 Paris.

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Article du 6 novembre 2019. Ajouté à 22:55 heure de Paris. Changé le 8 janvier 2020 : l’expo a été prolongé (fin original le 2 février) jusqu’au 9 février.