Christophe Moret

Fév 19, 2017 at 11:52 13417

Philosophie de cuisine, photos, critique d'un dîner chez le Chef. La philosophie de cuisine de Christophe Moret, le Chef doublement étoilé du restaurant L'Abeille au Shangri-La Hotel, Paris.

Dans son restaurant gastronomique L’Abeille au Shangri-La Hotel Paris, le Chef doublement étoilé Christophe Moret se base sur l’ADN de la cuisine française, en gardant les fondements et les qualités traditionnelles, pour la rendre contemporaine. Pour préserver la cuisine française, il faut la moderniser, la mettre au goût du jour.

Il met l’accent sur la diversité des approvisionnements, en entretenant des relations privilégiées avec une quarantaine de fournisseurs, pour que leur savoir-faire unique ne disparaisse pas. Comme exemple, il cite les cochons de la ferme de Kervilavel, en Bretagne.

Lors de notre entretien, Christophe Moret souligne l’importance de la diversité des terroirs de la France. Il mentionne comme légumes les petits pois, dont on trouve les premiers en avril sur la Côte d’Azur, plus tard à Valence et Lyon et puis à Paris.

Quant à l’influence d’Alain Ducasse, pour qui il a travaillé de nombreuses années, notamment au Plaza Athénée (voir la biographie anglaise de Christophe Moret pour plus de détails), il cite l’importance des sources : les jus, les sauces, l’exactitude, la rigueur et la curiosité.

Christophe Moret insiste sur le fait de rester curieux en tant que Chef pour ainsi pouvoir surprendre ses clients. Il se nourrit de ses voyages, notamment quatre au Japon, d’où il a intégré des produits et des techniques dans sa cuisine française, ainsi enrichie d’une touche unique. Il cite par exemple les flans chawanmushi.

Christophe Moret insiste sur une cuisine réfléchie qui évite les produits issus de l’agro-alimentaire, qui ne peuvent être ni aussi sains ni aussi bons que ceux de ses fournisseurs privilégiés.

Il mentionne encore comme exemples les betteraves de Carrières-sur-Seine dans les Yvelines et le lait de soja de Monsieur Suzuki, qui sert de base au tofu que Christophe Moret fait lui-même à L’Abeille.

Christophe Moret est non seulement responsable du restaurant L’Abeille au Shangri-La Hotel, Paris, mais également du restaurant La Bauhinia, du fameux Afternoon Tea 100% Vegan et du  B-Green, détox.

Quant au repas végétarien et végétalien en général, Christophe Moret en a déjà été un des précurseurs au restaurant Spoon avec Alain Ducasse à partir de 1998.

Christophe Moret. Photo © Shangri-La Hotel Paris.

Critique d’un dîner au restaurant gastronomique L’Abeille 
Testé par Fabio et Louis en janvier 2017

Nous avons débuté notre dîner à L’Abeille avec un excellent verre de Veuve Clicquot Vintage 2008 (12%), un Champagne frais, pétillant et aux notes d’agrumes.

Christophe Moret a fait servir à chacun de nous des amuse-bouches différents, notamment des créations à la truffe noire, des chips et une émulsion au céleri, un barbagiuan monégasque, des micro-beignets avec des pommes de terre cuits à deux températures différentes ainsi qu’un amuse-bouche au potiron. L’objectif, atteint, consistait à nous ouvrir l’appétit pour la suite.

Le dîner végétarien de Louis a commencé avec des ravioles de cresson et de truffes blanches d’Alba, toujours excellentes à mi-janvier 2017 selon le Chef. Jugement approuvé dans ce cas spécifique.

Une betterave golden d’Elise, remplie du tofu fait par le Chef lui-même sur la base d’un lait de soja de Monsieur Suzuki du Japon, cuite au foin, pousses et herbes du potager (coriandre, persil, estragon, etc.), du jus de mûres et une goutte de gin, servie avec une vinaigrette d’un bortsch ainsi qu’une salade assortie à côté avec notamment du rampon. La betterave a été accompagnée d’un Riesling Grand Cru “Zinnkoepflé” d’Agathe Bursin. Il s’agit du Grand Cru cultivé le plus au Sud de l’Alsace. Il a des notes de fruits jaunes bien mûrs et minérales, certes, mais pas dans le sens des meilleurs Rieslings minéraux de l’Allemagne. Le Zinnkoepflé était un peu trop fruité et salin au final pour mon goût. Le sommelier avait essayé de trouver dans sa cave ce qui correspondait le plus à mon goût. Mais c’était le seul bémol de toute la soirée et n’avait rien à voir avec la cuisine de Christophe Moret.

Louis a ensuite goûté un Römertopf de nos maraîchers. Ce plat alsacien aux fruits et légumes a été affiné grâce aux truffes noires ; une salade a été servie à côté pour un peu de fraîcheur. Ce plat d’une grande finesse a été accompagné d’un Condrieu “La Petite Côte” 2015 du domaine d’Yves Cuilleron. Le gras du Condrieu s’est bien marié avec le sucre des légumes confits du plat.

Comme souvent, Louis a également goûté un sorbet pour la bonne digestion ; un sorbet au citron vert et jaune avec un peu de Luxardo Limoncello.

Avant le Römertopf, Louis avait encore des pommes de terre soufflées avec une marmelade de truffe à la cuillère, un plat qui a également été servi à Fabio. Les truffes noires (tuber melanosporum) étaient du Vaucluse de l’ancien cuisinier Jérôme Galis et elles étaient cuites dans deux bains d’huile différents. La subtilité complexe du plat s’est révélée en mangeant. Les pommes de terre soufflées ont été accompagnées par un 2014 Grüner Veltliner “Ried Renner” du domaine Schloss Gobelsburg au Kamptal en Autriche aux notes de fruits exotiques, avec une touche de poivre, un vin puissant avec de la fraîcheur.

Le dîner carnivore de Fabio a commencé avec du caviar et oursin en délicate royale. La suite a consisté d’une araignée de mer du Cotentin, rafraîchie, carottes “o” gingembre et sabayon coraillé. C’était un plat très frais à l’émulsion aux agrumes, accompagné d’un Riesling à l’entrée fraîche et minérale, un “Schlossberg” d’Albert Mann de l’Alsace.

L’araignée de mer a été suivi par une sole de petit bateau avec tuber melanosporum, cuisinée au vin de Château-Chalon. Donc du poisson avec des truffes noires ! Une combinaison inattendue mais réussie. Ce plat a été accompagné par un verre d’un Chassagne-Montrachet Les Chaumées 1er Cru 2012, un chardonnay à la texture fine et délicate du domaine de Michel Niellon en Bourgogne.

La suite du dîner a été la même pour nous deux :

D’une sélection de fromages affinés de chez maîtres Bernard et Jean-François Antony. Fabio a choisi un Gaperon de la Basse-Auvergne, une fromage au lait de vache et à l’ail, ainsi qu’un Livarot, un fromage au lait de vache de Normandie à la pâte molle ; Louis a goûté un Comté fruité (de lait de vache de la Franche-Comté, affiné pendant 36 mois) ainsi que ce recommandable Livarot. Les fromages ont été excellemment accompagnés d’un Vintage Port 1987 de la maison Niepoort, doux, élégant et riche.

Comme dessert, le Chef Pâtissier Michaël Bartocetti préparé d’excellents coings sauvages des Hautes-Alpes, nourris de vanille, avec un sablé châtaigne. Les coings ont été servis avec un 2013 Passito di Noto “Scaramazzo” de la maison Feudo Rudini de la province de Syracuse en Sicile, au goût de fruits mûrs, une combinaison convaincante.

Un miel de maquis corse givré au parfum de citron et d’eucalyptus a conclut notre excellent souper, accompagné d’une infusion à la menthe et d’un thé blanc (silver tip).

C’est toujours un plaisir de dîner chez Christophe Moret (et son Chef Pâtissier Michaël Bartocetti), qui mérite bien ces deux macarons Michelin.

Une dernière remarque : Le restaurant gastronomique s’appelle “L’Abeille” en hommage à Napoléon car le Shangri-La Hotel, Paris se trouve être l’ancienne demeure du Prince Roland Bonaparte, petit-neveu de l’empereur ; par conséquent, des représentations d’abeilles se retrouvent dans les salons historiques du palais. Quant à Napoléon, il n’a pas inventé mais “volé” le symbole de l’abeille aux pharaons égyptiens.

[Ajouté le 8 septembre 2021 : depuis juin 2020, le restaurant L’Abeille est fermée]

Une table au restaurant L’Abeille. Photographie © Shangri-La Hotel Paris.

Une table avec sofa à L’Abeille, le restaurant gastronomique doublement étoilé à Paris. Photo © Shangri-La Hotel Paris.