En tant qu’interprète du ministère allemand des Affaires étrangères, situé dans la fameuse Wilhelmstrasse, Paul-Otto Schmidt a été un figurant, mais un observateur perspicace et témoin privilégié sur la scène internationale. Dans les années 1920, il a notamment été l’interprète de Streseman et Briand, a souvent travaillé à la Société des Nations à Genève et publié un livre à ce sujet. Dans la publication qui nous intéresse ici (Amazon.fr), il relate les années 1933 à 1945. Pendant cette période, il a servi Ribbentrop et Hitler, mais également Goering, Goebbels, Himmler, Mussolini, Franco, Daladier, Laval, Pétain, Molotov et bien d’autres.
Paul-Otto Schmidt fut parfois même l’unique témoin d’entretiens de portée européenne, voire mondiale, à l’exemple de ceux qui mirent Hitler et Chamberlain face à face en septembre 1938 au Berghof, puis à Bad Godesberg.
L’interprète est en fait présent au Berghof chaque fois que Hitler y reçoit des hôtes. Il se rend également souvent à la « Tanière du Loup ». Et il accompagne le Führer dans tous ses déplacements à l’étranger. Les rencontres avec Mussolini et sont ministre des Affaires étrangères, Ciano, sont innombrables.
Paul-Otto Schmidt accompagne Ribbentrop durant les journées qui précèdent l’invasion de la Pologne et les déclarations de guerre à la Pologne. Il est présent lors des entretiens décisifs avec Molotov en novembre 1940.
Pour se tenir à jour, Paul-Otto Schmidt écoute régulièrement les radios anglaises et françaises, y compris pendant la guerre. Et il se familiarise avec le vocabulaire technique correspondant à ses dossiers, notamment le vocabulaire militaire. En vrai professionnel, il est attentif aux regards, gestes et mimiques de ses interlocuteurs. Par conséquent, dans son livre Sur la scène internationale avec Hitler (Amazon.fr), il arrive à dresser des portraits saisissants des personnages pour lesquels il travaille.
Selon l’avant-propos de l’historien français Jean-Paul Bled, à aucun momment, Paul-Otto Schmidt ne succombe au mirage de la propagande nazi. Il repousse son adhésion au NSDAP jusqu’en 1943, date à laquelle il finit par s’y résoudre sur le conseil pressant d’amis bien intentionnés.
Paul-Otto Schmidt montre bien que la modération montrée par Hitler dans ses premières années au pouvoir n’est qu’apparente. Il sait qu’il sera vulnérable aussi longtemps que l’Allemagne n’aura pas suffisamment avancé son programme de réarmement. Lors de la négociation aboutissant à l’accord naval de juin 1935 avec Londres, mécontentant Paris, Paul-Otto Schmidt observe bien les différends entre les Anglais sir John Simon et Anthony Eden.
Dans son livre Sur la scène internationale avec Hitler (Amazon.fr), Paul-Otto Schmidt ne laisse planer aucun doute sur le fait que les responsabilités dans l’éclatement de la guerre incombent entièrement à Hitler.
Sa longue fréquentation du dictateur avait appris à Paul-Otto Schmidt que Hitler ne détestait rien tant que d’avoir à entrer dans les détails. Pour l’éviter, il se lançait dans d’interminables tirades restant dans le registre des idées générales. Ainsi, il pouvait espérer ne pas devoir s’engager sur des points précis.
Avec le temps, des inflexions apparaissent dans le discours du Führer. Mais, sur le fond, rien ne change vraiment. Les propos de Hitler ressemblent de plus en plus à un phonographe qui répète infatigablement le même air. Sauf que le fossé entre ne cesse de se creuser entre la dure réalité et le monde imaginaire dans lequel le dictateur tend à s’enfermer.
Le 20 juillet 1944, Paul-Otto Schmidt est convoqué à la « Tanière du Loup » pour la dernière visite du Duce. Il y trouve un quartier général en plein émoi. L’attentat (manqué) du comte von Stauffenberg contre le Führer vient d’y être perpétré. L’entretien avec le Duce est court. Mais Hitler tient néanmoins à montrer à son hôte la salle où la bombe a explosé. L’interprète décrit la scène : Hitler assis sur une caisse conversant avec Mussolini, qui, pour siège, n’a trouvé qu’une chaise branlante. Dans cet instantané s’annonce l’inéluctable fin des deux hommes et de leur pouvoir.
Paul-Otto Schmidt conclut à la fin de la guerre : « Les fanatiques, à quelque race ou nationalité qu’ils appartiennent, sont les véritables ennemis de l’humanité. »
Livre de poche : Paul-Otto Schmidt : Sur la scène internationale avec Hitler. Présentation de Jean-Paul Bled. Tempus, 2018, 528 pages. Commandez le livre chez Amazon.fr.
Livre broché : Paul-Otto Schmidt : Sur la scène internationale avec Hitler. Présentation de Jean-Paul Bled. Perrin, 2014. Commandez ce livre chez Amazon.fr.
Le titre original du livre : Statist auf Diplomatischer Bühne, Athenäum Verlag, Bonn, 1949.
L’avant-propos de Jean-Paul Bled du livre présenté ici est la source principale pour cet article. Pour faciliter la lecture, les citations et citations partielles ne se trouvent pas entre guillemets.
Article ajouté le 24 janvier 2019 à 15:40 heure d’Odessa, Ukraine
