Entre les règnes de Louis XIV et de Louis XVI, Versailles puis Paris se disputent le titre de capitale de la mode. L’étiquette et le cérémonial de cour amènent le Roi-Soleil et son entourage à rivaliser dans l’art du paraître et de la coquetterie. C’est le constat de la directrice du Musée du Domaine royal de Marly, Karen Chastagnol, dans le catalogue Séduction et Pouvoir. L’art de paraître à la cour (Amazon.fr), publié à l’occasion de l’exposition du même nom présentée au Musée du Domaine royal de Marly du 14 avril au 27 août 2023.
Karen Chastagnol souligne qui la cour de France est le creuset de la création de normes vestimentaires singulières, caractérisées par le luxe et l’expression de la hiérarchie des rangs.
Chaque accessoire, chaque geste, chaque attitude répond à des codes qui ne cessent de changer, accompagnant ainsi les modes et les mœurs. Cette construction de l’apparence requiert de connaître les usages et les règles et de s’y conformer pour bénéficier de la faveur royale et pour attester de son identité sociale.
Karen Chastagnol explique que le corps, dans une intention performative, est paré de divers artifices: perruques, maquillage, bijoux, parfums, dentelles, objets de poche et de galanterie. Les costumes sont complétés par différents atours: broderies, dentelles, rubans qui rivalisent de sophistication et de raffinement. L’aristocratie, à la suite du roi et de ses proches, tient à marquer son rang et sa spécificité en adoptant un dress code commun qui lui permet de signifier à l’extérieur son statut social.
Le catalogue et l’exposition du Musée du Domaine royal de Marly retracent les usages de ces objets, de la tête aux pieds: coiffes, perruques, maquillage, parfums, ornements du vêtement, bijoux, objets de galanterie, chaussures.
La cour est un théâtre. Des femmes et des hommes nobles y présentent des accessoires de mode, des produits de beauté et des parfums qui servent au jeu de la séduction et du pouvoir à la cour. Ces armes de séduction servent l’esprit d’une société élitiste où se mêlent des enjeux amoureux, politiques et religieux. L’usage de la parure et l’envie d’embellir le corps s’accompagne sous le Roi-Soleil d’une véritable stratégie d’affirmation du pouvoir motivée par la centralisation politique, note Karen Chastagnol.
Cette culture du paraître s’accompagne d’une parfaite maîtrise de soi et des expressions du visage: fards, poudres, mouches et parfums concourent à une monotonie d’apparence.
Karen Chastagnol écrit qu’à la fin du XVIIe et au XVIIIe siècle se développe un intérêt pour la galanterie de poche, qui réunit de petits objets précieux tels que tabatières, éventails, carnets et autres, que l’on porte sur soi et qui peuvent être de véritables bijoux ou œuvres d’art. Les objets de galanterie – à la fois décoratifs et fonctionnels – peuvent être de toutes sortes: bijoux, horloges de poche, flacons de parfum, tabatière, boussoles ou loupes, miroirs de poche, éventails, ou tout accessoire raffiné que l’on gardait sur soi, dans sa poche, ou à portée de main.
Karen Chastagnols explique que ces objects ont en commun des motifs décoratifs complexes et l’usage de matériaux précieux, comme l’or, l’argent, l’ivoire, les pierres précieuses et les perles. Ces accessoires sont autant portés par les hommes que par les femmes et seuls leurs formes et leurs décors les distinguent parfois d’un usage commun aux deux genres comme c’est le cas pour les tabatières. Ces objets révèlent le statut social et l’importance d’une personne.
Karen Chastgnol note que, sous le règne de Louis XV, la mode évolue vers une plus grande simplicité et une plus grande élégance, avec des lignes plus fluides et des formes plus naturelles.
Le règne de Louis XVI est marqué par le style de Marie-Antoinette, qui ne manifeste aucun intérêt pour la parure, les bijoux, la coiffure, les chaussures ou les accessoires jusqu’à sa rencontre en 1774 avec Rose Bertin, marchande de mode propriétaire de la mythique enseigne Le Grand Mogol, qui lui fournit les tenues et accessoires les plus variés.
Karen Chastagnol écrit que Rose Bertin, après l’arrêt de la famille royale, fournit à Marie-Antoinette des vêtements d’une plus grande simplicité. Après l’exécution de la reine, Rose Bertin s’exile à Londres puis revient en France en 1795, date à laquelle la mode rejette toute référence aux fastes royaux et fait table rase des accessoires et autres parures ostentatoires symboles d’une royauté déchue.
Le catalogue (Amazon.fr) contient une série de contributions au sujet des bijoux et montres portés pour briller à la cour, des boucles, dentelles, bonnets et édifices de la mode capillaire, de la galanterie de poche, du rôle essentiel du soulier, etc.
Alice Camus souligne dans son essai au sujet de l’apparat olfactif du courtisan que, jusqu’au début du règne de Louis XIV, c’est davantage la parfumerie italienne qui fait référence sur le marché européen. Le contexte social d’italophobie et la politique colbertiste, visant à développer l’indépendance économique du royaume, contribuent à accroître une production nationale de la parfumerie.
Alice Camus explique que, sous l’Ancien Régime, les eaux de senteur ne sont pas les produits parfumés les plus vendus. Au contraire. Les gantiers-parfumeurs proposent avant tout des gants parfumés et toute une gamme de cosmétiques et de produits odoriférants: pommades, poudres, fards, rouges, savonnettes, pâtes pour les mains, mouches, pots-pourris, sachets de senteur, pastilles à brûler et eaux de senteur.
Quant à la grande majorité des eaux fabriquées et vendues, il s’agit d’eaux simples, au sens où elles ne sont composées que d’une seule matière odorante: citron, jasmin, fleur d’oranger, lavande, tubéreuse, bergamote, cédrat, limette, thym, ambre, rose ou iris. Leur consommation n’est pas genrée, hommes et femmes recourent aux mêmes parfums.
Alice Camus note, qu’au XVIIIe siècle, les eaux florales sont les plus consommées, comme l’eau de rose et l’eau de lavande. Cette évolution s’insère dans un changement culturel plus large qui promeut la beauté de la nature, une hygiène corporelle plus présente et une sensibilité accrue à l’environnement olfactif.
Ce ne sont que quelques détails tirés d’un catalogue (richement illustré) qui vaut la découverte.
Anne Camilli, Karen Chastagnol, Alice Camus et al.: Séduction et Pouvoir. L’art de paraître à la cour présentée au Musée du Domaine royal de Marly, in fine éditions d’art, avril 2023, 104 pages avec 100 illustrations, 19 x 26,5 cm. Commandez ce catalogue d’exposition chez Amazon.fr.
Marly-le-Roi se trouve à sept kilomètres de Versailles. L’exposition est présentée au Musée du Domaine royal de Marly du 14 avril au 27 août 2023.
Pour faciliter la lecture, les citations et citations partielles dans cette critique de livre ne se trouvent pas entre guillemets.
Critique de livre /catalogue ajouté le 7 juin 2023 à 17:45 heure de Paris.