Du 30 octobre 2022 jusqu’au 30 janvier 2022, l’exposition monographique Bonnard présentée par le musée de Grenoble – en partenariat avec le musée d’Orsay à Paris – avait rassemblée plus de 75 peintures et une quarantaine de travaux sur papier (dessins, affiches, photographies). Le catalogue reste disponible (Amazon.fr) est – comme l’exposition – embrasse la totalité de son œuvre avec, comme file rouge, le thème de la lumière et les différentes couleurs et nuances qu’elle revêtit au cours de sa vie et selon les lieux où il séjourna.
Pierre Bonnard (1867-1947) ne cherche pas à reproduire la réalité du monde mais à traduire les éléments fugitifs qui la traversent. Il ne peigne pas dans la nature, directement sur le motifs comme le firent les impressionnistes, mais de mémoire dans son atelier, en se fondant sur des notes et des esquisses.
En 1940, Pierre Bonnard écrit à Henri Matisse: «Comme vision je vois chaque jour des choses diférentes, le ciel, les objets, tout change continuellement, on peut se noyer là-dedans. Mais cela fait vivre.» Il y laisse transparaître sa conception de l’art, placée sous le signe de la subjectivité et de l’éternel changeant – c’est-à-dire de la vie.
Christophe Leribault, Président du musée d’Orsay et du musée de l’Orangerie, note que Bonnard projette la lumière sur les objets et les corps qui peuplent son univers. Plutôt que de la décrire, il la ressent et l’interprète ; plutôt que de la transcrire, il la transpose souvent, la transforme parfois.
L’exposition a été organisé en six sections illustrant chacune un thème représentatif des différentes périodes de sa création. Deux salles étaient intercalées dans ce cheminement : une première dédiée à la photographie, que l’artiste pratiqua surtout dans le cercle familial des années 1890 aux années 1910, et une seconde aux arts graphiques avec notamment des dessins témoignant de la vitalité et de la précision de son trait. L’exposition s’était achevée par un contre-point contemporain avec une série inédite de photographies de Bernard Plossu réalisées récemment dans la maison du peintre au Cannet (Alpes-Maritimes).
La partie catalogue du livre est (comme l’exposition) divisée en: Le Grand-Lemps. Vert paradis (Sophie Bernard), Paris Ville Lumière. Bonnard et son Kodak. Le «charme de l’instantané» (Sophie Bernard), Lumières normandes. Entre ombre et lumière. «Le dessin, c’est la sensation» (Leïla Jarbouai), Reflets. Sous le soleil du Midi. Bonnard au Cannet, la prégnance des lieux (Véronique Serrano) ainsi que les photos par Bernard Plossu: La maison de Bonnard au Cannet. Portfolio de photographies.
Le catalogue contient des essais au sujet de Bonnard, entre espace et temps (Guy Tosatto), Les objets dans la peinture de Bonnard «un arrêt du temps» (Isabelle Cahn), Pierre Bonnard, peintre du jaune ou l’art du paradoxe (Sophie Bernard), La soumission au tableau et non à la nature (Georges Roque), «Je ne veux pas être touché par ce qu’il fait» (Philippe Lançon) ainsi que Le feu des solitudes charnelles (Yannick Haenel).
Dans la chronologie de Sophie Bernard à la fin du livre, on apprend entre autre que Pierre Bonnard naît le 3 octobre 1867 à Fontenay-aux-Roses. Son père Eugène Bonnard est dauphinois, sa mère, Elisabeth Mertzdorf, est d’origine alsacienne. Pierre est le cadet de la famille. Il a un frère et une sœur. Chef de bureau au ministère de la Guerre, le père de Bonnard partage sa vie entre sa bibliothèque et son jardin. Sa vie durant, il conserve la maison familiale du «Clos», dans le village isérois du Grand-Lemps où son propre père vécut de sa ferme et du commerce du grain. Chaque été, la famille Bonnard séjourne au Grand-Lemps. Les vacances en Isère perdureront jusqu’à la vente de la propriété en 1928.
En 1885 à Paris, soucieux de ne pas froisser son père, Pierre Bonnard s’inscrit en faculté de droit. En 1887, il poursuit ses études de droit, mais s’inscrit également à l’académie Julian, pour préparer l’Ecole des beaux-arts. Il est fortement influencé par Paul Gauguin et la peinture japonaise. En 1888, Pierre Bonnard obtient sa licence de droit mais échoue au concours de l’Enregistrement. Passionné par la peinture, il préfère brosser ses premiers tableaux dans la propriété familiale du Grand-Lemps.
La même année, Bonnard fréquente avec Paul Sérusier, Maurice Denis, Paul-Élie Ranson et Henri-Gabriel Ibels le restaurant du passage Brady «L’Os à moelle». Ensemble, ils fondent le mouvement que Sérusier baptisera du nom de Nabi (de l’hébreu nebiim, prophète).
Malade, alité, Bonnard demandera à son neveu Charles de retoucher son dernier tableau L’Amandier et d’y ajouter une touche de jaune. Il meurt le 23 janvier 1947. Il est enterré au Cannet aux côtés de sa femme Marthe au cimetière Notre-Dame-des-Anges. Fidèle ami de Picasso, Christian Zervos publie alors, dans le numéro 22 de la revue des Cahiers d’art (1947), un article polémique intitulé «Bonnard est-il un grand peintre?». Henri Matisse annote dans la marge de son propre numéro: «Oui, je certifie que Bonnard est un grand peintre pour aujourd’hui et sûrement pour l’avenir».
En octobre-novembre 1947, la rétrospective d’hommage à l’Orangerie des Tuileries célèbre l’artiste comme le peintre de la joie, tandis qu’une grande rétrospective avec plus de 150 travaux lui est consacrée au MoMA de New York à partir d’octobre 1947, initialement conçue pour célébrer son 80ème anniversaire.
Vous aimeriez savoir ce qui s’est passé entre 1888 et 1947? Lisez le livre!
Sous la direction de Sophie Bernard, Isabelle Cahn et Guy Tosatto, avec des contributions par huit spécialistes: Bonnard. Les couleurs de la lumière, in fine éditions d’art, octobre, 2021, 328 pages, 175 illustrations, 22 x 28 cm, cartonné contrecollé. Commandez le catalogue chez Amazon.fr.
Pour faciliter la lecture, les citations et citations partielles ne se trouvent pas entre guillemets.
Critique de l’exposition / du catalogue du 1er février 2022, ajouté à 09:24 heure de Paris.