Sous la direction de Marie-Madeleine de Cevins, 96 historiens ont écrit sur 992 pages l’histoire d’une région et d’une période peu connue: Démystifier l’Europe centrale : Bohême, Hongrie et Pologne du VIIe au XVIe siècle (Amazon.fr).
Longtemps avant l’élection d’un Donald Trump à la présidence des États‑Unis, Hongrie, Pologne et Slovaquie ont connu la fin des idéologies socialistes, mais aussi la résurgence du populisme et du nationalisme. L’Europe centrale serait ainsi un précurseur à l’échelle européenne, voire mondiale. Marie-Madeleine de Cevins souligne que, pour l’immense majorité des Français, cette vaste région demeure ce qu’elle était aux yeux de Charlemagne: une terra incognita. L’élan d’enthousiasme qui avait entouré les révolutions successives de 1989 et le premier élargissement européen (2004) a fait place depuis une quinzaine d’années à une défiance réciproque, érigeant un mur d’incompréhension là où s’élevait antérieurement le «rideau de fer». Plus les médias et les intellectuels de l’Hexagone reprochent à Viktor Orbán ses déclarations tonitruantes et ses mesures liberticides, plus la foule des partisans tacites ou déclarés du chef du gouvernement hongrois a le sentiment d’être victime, comme jadis, de l’ingérence de puissances étrangères cherchant à l’enfermer dans une minorité et une marginalité infantilisantes.
Selon, Marie-Madeleine de Cevins, le deuxième constat qui a motivé l’écriture de ce livre est l’exploitation intensive que font les dirigeants centre‑européens actuels d’un certain Moyen Âge. Ils présentent volontiers celui‑ci comme un âge d’or national et régional, une période de grandeur et de prospérité. Engloutie par les drames qui l’ont suivie – l’occupation ottomane (en Hongrie), la déréliction du pouvoir et la partition du royaume (en Hongrie et en Pologne), la domination des Habsbourg, le morcellement confessionnel, puis les amputations territoriales, les guerres déportations et génocides du xxe siècle –, elle n’attendrait qu’à être restaurée.
Dans ce livre (Amazon.fr), neufs chapitres introductifs éclairent les principales facettes de cet espace-temps que constitue l’Europe centrale du VIIe au XVIe siècle. Près de 500 notices alphabétiques font ensuite le point, à la lumière des dernières recherches historiques, sur les notions, les courants idéologiques, les symboles, les processus, les événements, les groupes et les personnages réels ou mythiques qui le caratérisent ou lui sont associés.
Les scientifiques ne masquent pas les zones d’ombres. Même la question des contours de cette macro-région aux dénominations fluctuantes s’avère insoluble. L’appellation « Europe centrale » est relativement récente. La région n’est pas monolithique. Les auteurs entendent par « Europe centrale » les territoires placés sous l’autorité des rois de Bohême, de Hongrie et de Pologne autour de l’an 1500. Ils englobent, dans la géographie politique contemporaine, la République tchèque, la Hongrie, la Slovaquie, la Croatie et la Pologne, et débordent plus au moins largement sur l’Autriche, la Biélorussie, la Bosnie, la Roumanie, la Serbie, la Slovénie et l’Ukraine. Les auteurs touchent également l’histoire de la Lituanie, de la Lettonie, de l’Estonie, de la Moldavie et d’autres pays et régions. Ces frontières ne sont ni figées ni étanches.
J’ajouterais que le contexte actuel le prouve une fois encore. Pour Poutine, la Biélorussie, l’Ukraine, mais probablement également la Moldavie, la Serbie et d’autres pays encore appartiennent à la sphère d’influence de la Russie voire à la Russie tout-court. Ce livre est donc utile pour comprendre non seulement l’histoire lointaine, mais également l’histoire immédiate c’est-à-dire le présent.
Parmi les 500 notices alphabétiques on trouve notamment des informations sur Vlad III l’Empaleur, voïvode de Valachie, qui est entré dans la légende par le livre de Bram Stoker: Dracula. Le terme « voïvode » est aussi bien explique comme le sujet des « vampires et revenants ». Un peu plus loin, on rencontre le sculpteur, peintre, graveur et architecte Veit Stoss, une figure majeure du gothique tardif et de la Renaissance en Pologne et de l’Empire germanique. Bref, ce livre offre des informations pour tous les goûts, bien que l’accent est avant tout mis sur les faits et personnages historiques.
Marie-Madeleine de Cevins: Démystifier l’Europe centrale : Bohême, Hongrie et Pologne du VIIe au XVIe siècle, Humensis / Passés composés, 3021, 992 pages. Commandez ce livre chez Amazon.fr.
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Critique de livre ajouté le 6 mars 2022 à 21:57 heure de Paris.