Une France sous influence

Déc 09, 2014 at 09:29 2745

Critique du livre de Vanessa Ratignier et Pierre Péan au sujet de l'influence du Qatar en France.

Le livre de Vanessa Ratignier, Une France sous influence : Quand le Qatar fait de notre pays son terrain de jeu (Amazon.fr), écrit avec l’aide de Pierre Péan, au sujet de la relation entre le Qatar et la France, nous offre de nombreux détails qui choquent parfois. Les auteurs se consacrent avant tout aux années de la présidence de Nicolas Sarkozy de 2007 à 2012.

Le livre commence avec le supposé témoignage de l’ancien émir du Qatar, Cheikh Hamad bin Khalifa Al-Thani, à Anis Naccache: “Sarkozy pleurait presque. Il m’a raconté que sa femme Cécilia lui demandait 3 millions d’euros pour divorcer. C’est moi qui ai payé …”

Anis Naccache est un ancien activiste déçu pour le Fatah, qui rejoint la résistance iranienne en 1978 et qui célèbre l’instauration du régime de Khomeiny à Téhéran l’année suivante. Le 18 juillet 1980, à la tête d’un commando terroriste, il essaie d’assassiner l’ancien et dernier premier ministre du shah d’Iran réfugié en France, Chapour Bakhtiar. Naccache est arrêté à Paris et condamné en 1982 à la réclusion perpétuelle pour cette tentative d’assassinat qui s’est soldée par deux morts. En 1988, il sert de monnaie d’échange pour la libération de trois otages français au Liban. François Mitterrand le gracie et le libère deux ans plus tard. Depuis, ce Libanais de confession chiite est devenu un personnage important au Moyen-Orient. Selon Vanessa Ratignier, Naccahe a l’oreille de Mahmoud Ahmadinejad, Bachar el-Assad et soit voit courtisé par Hamad Al-Thani. “L’amitié” entre l’émir et Naccache aurait brutalement pris fin avant que le Qatar décide de renverser le dictateur syrien.

En 2008 encore, l’émir Hamad Al-Thani aurait parlé à Anis Naccache non seulement du divorce de Sarkozy, mais également de son intention de faire pression sur le président français pour qu’il aille à Damas car, aux ceux de l’émir, la réconciliation entre Sarkozy et el-Assad est cruciale dans sa stratégie qu’il mène alors et qui vise à installer le Qatar comme un acteur diplomatique de premier plan.

Pourquoi commence Vanessa Ratignier avec ce “témoignage” recueillit par Pierre Péan à Beyrouth en 2013? Evidemment pour montrer que Nicolas Sarkozy est totalement pourri et que la diplomatie française à sous lui opéré un total revirement par rapport à la ligne imprimée par Jacques Chirac à la politique arabe de la France.

Il est indéniable que ce revirement a eu lieu. Par contre, il est moins sûr que l’émir ait payé les €3 millions pour le divorce de Sarkozy. En tout cas, il manque la preuve. Il aurait donc été plus intelligent de mettre en avant le revirement et de mentionner le supposé payement comme une allégation non-prouvée plus bas dans le texte.

Retour au faits: Vanessa Ratignier mentionne que la rupture entre Paris et Damas a eu lieu après l’assassinat de Premier ministre du Liban, Rafic Hariri, en 2005, car celui-ci a été un ami intime de Jacques Chirac. Jusqu’à aujourd’hui, les deux familles restent très liées. Selon Vanessa Ratignier, l’appartement dans lequel vit l’ancien président à Paris appartient à la famille Hariri. Accusant Bachar el-Assad d’être le commanditaire de l’assassinat de Rafic Hariri, Jacques Chirac a aussitôt coupé toutes les relations avec le régime syrien.

Selon Vanessa Ratignier, après l’élection de Nicolas Sarkoz en 2007, Jacques Chirac aurait choisi de garder le silence sur les choix de son successeur, sauf à propos du Liban et de la Syrie. Dès le 10 mai 2007, il conseille au nouveau président de rencontrer Saad Hariri, fils de son ami assassiné et chef de la majorité soutenant le gouvernement du Liban. Dans le même temps, Nicolas Sarkozy charge Claude Guéant, promu secrétaire général de l’Elysée, de reprendre langue en catimini avec le régime syrien, notamment par l’intermédiaire libanais Ziad Takieddine, un homme d’affaires libanais mêlé à de nombreuses affaires politico-financières, un autre personnage central du livre de Vanessa Ratignier. Selon elle, Jacques Chirac a senti venir le revirement.

L’émir du Qatar et son cousin, le Premier ministre et diplomate en chef, Hamad bin Jassem bin Jaber al-Thani, dit HBJ, œuvrent en faveur d’un rapprochement entre la France et la Syrie. Le 12 juillet 2008, entouré de l’émir du Qatar et des Présidents de la Syrie et du Liban, Nicolas Sarkozy annonce comme “un progrès historique” l’ouverture prochaine de relations diplomatiques entre la Syrie et le Liban.

Dans le domaine Faraghi, surplombant la mer, depuis devenu la propriété des Bruni-Tedeschi, Jacques Chirac prévient son successeur, Nicolas Sarkozy, qu’il fait fausse route, ce qu’il confie quelque trois semaines plus tard à Paris à Pierre Péan. Jacques Chirac raconte comment le président syrien lui aurait demandé de lui fournir cinq noms parmi lesquels il choisirait le futur président du Liban. Chirac dit que, “manque de chance”, ‘il avait “mis le nom d’Emile Lahoud, qui n’est pas un type bien… mais il n’avait rien à y redire. Bachar n’est pas intelligent, il est très riche. Il est très lié à HBJ…”; Emile Lahoud a été président du Liban de 1998 à 2007. Chirac aurait dit à Sarkozy que HBJ “a tenté de me corrompre. Il a osé amener une valise de billets à l’Elysée à l’occasion d’une audience que je lui avais accordée ! …”

Vanessa Ratignier cite plus tard un témoignage d’une source non-identifié dans le texte qui affirme que: “Le Qatar est la pompe à fric de Sarko… ” Pour continuer: “Est-ce pour autant vrai ? Rien ne le garantit à ce jour.” Elle continue tout de suite avec une information publiée dans le Financial Times (FT)s en 2013 selon laquelle les Qataris étaient disposées à investir €250 millions dans un fonds d’investissements (Columbia Investments) piloté par Nicolas Sarkozy après sa défaite contre François Hollande en mai 2012. Sarkozy et son équipe auraient reçu plus de €3 millions par an selon le FT. Vanessa Ratignier termine son premier chapitre avec les mots: “Affirmation qui soulève de nombreuses questions… ”

Le ton est donné. Les hommes politiques français mélangent leurs intérêts personnels et l’intérêt de la France. En 26 chapitres et quelque 480 pages, Vanessa Ratignier et Pierre Péan dressent un portrait peu flatteur de la relation entre la France et le Qatar. Pour eux, “c’est tout un système qui est perverti.” Ils attribuent ce constat à la “domination croissante des marchés, instaurée par les dérégulations décidées à l’aube des années 1980” qui auraient “progressivement déplacé le pouvoir du politique vers la finance.” Pour eux, la Qatar n’est rien d’autre que “le fruit de cette nouvelle donne ultralibérale.”

Cela me paraît contestable. Le problème de la France, ce n’est pas l’ultralibéralisme, mais le manque de libéralisme. Ils sont plus proches de la vérité lorsqu’ils constatent que “le Qatar nous apprend beaucoup sur la façon dont nos dirigeants politiques – de droite comme de gauche – en viennent à voir éclore dans ce micro-pays les bourgeons de la démocratie alors que l’émir est un potentat absolu, qu’il pratique de manière institutionnelle la préférence nationale et que sa machine économique tourne avec une main d’œuvre étrangère exploitée et privée de droits.”

Il faudrait dans ce contexte ajouté que, depuis 2013, l’émir, Hamad bin Khalifa al-Thani (*1952), a abdiqué en faveur de son fils, Tamim bin Hamad al-Thani (*1980). Ce jeune monarque représente une nouvelle génération et des choses pourraient bien changer.

Les auteurs ont raison de souligner que les élites françaises adorent le Qatar parce qu’il n’est pas avare et distribuent des décorations, invitations et autres faveurs. Parmi les heureux les auteurs nomment non seulement Nicolas Sarkozy, mais également Elisabeth Guigou, Edith Cresson, Dominique de Villepin, Ségolène Royal, Najat Vallaud-Belkacem et bien d’autres ainsi que le fait que les politiques français sont très gourmands. Par exemple au Forum de Doha, édition 2008, les auteurs ont compté 57 Français sur 494 participants et, pour l’édition de 2013, 83 Français sur 632 invités.

Vanessa Ratignier cite un expert selon lequel les recettes annuelles du Qatar se situent autour de $100 milliards. Ils proviennent du pétrole et des troisièmes réserves mondiales de gaz. En 2012, le revenu moyen par habitant se situait autour de $104 756.

Selon Vanessa Ratignier, Président Sarkozy “pulvérise la convention fiscale signée entre les deux pays et exempte l’émirat de la taxation sur les plus-values immobilières, privant d’autant de recettes fiscales un budget national plus que mal en point.” Aux yeux des auteurs du livre Une France sous influence, “tout l’appareil d’Etat … s’est mis au service des intérêts de la famille Al-Thani. La France est devenue leur immense Meccano où diplomatie, alliance militaire, investissements industriels, acquisitions prestigieuses et symboliques s’entrelacent dans une funeste confusion des genre.”

Les auteurs racontent l’histoire du Qatar. Ils signalent notamment que le début de l’histoire entre la France et la famille Al-Thani commence avec la découverte du pétrole dans les années 1930. Au début des années 1980, sous Président Mitterrand, “la France bénéficie … d’une sorte de quasi-exclusivité au Qatar. L’émir prend ses distances avec le Royaume-Uni tandis que ses relations … avec les Etats-Unis sont affectées par un différend qui va s’envenimer au fil des années 1980.” Lorsque l’émir Khalifa al-Thani se fait renverser par son fils Hamad en 1995, il vient en avion à Paris chez son ami Jacques Chirac. Le président français prend du temps pour reconnaître la légitimité du putschiste, ce qui vaut presque crime de lèse-majesté. C’est une bévue difficile à rattraper. A l’époque, le golfe arabo-persique représente le marché d’armement le plus important de la France. 80% de l’équipement militaire du Qatar sont français. Paris va donc “tout faire pour reconquérir les faveurs de l’émirat.”

Vanessa Ratignier explique comment le nouvel émir de 1995 change de politique. Il nourrit de grandes ambitions. Sa référence, c’était Singapour. Le Qatar reste comme les autres pays du Golfe une société clanique, mais il se projette à l’extérieur.

Riyad constituait le principal obstacle au putsch de l’émir Hamad et de son cousin HBJ. Ils ont réussi à gagner le soutien de Bill Clinton et ainsi pu accéder au pouvoir. La France de Chirac a pris du temps pour rétablir de bonnes relations avec le Diwan à Doha. C’est notamment grâce au litige du Qatar avec le Bahreïn au sujet des îles Hawar que le rapprochement à pu se faire. Jacques Chirac connaissait depuis longtemps le président de la Cour internationale de justice saisie du litige: Gilbert Guillaume. Un diplomate anonyme confirme: “On a fait en sorte de faciliter une formule qui ne fasse pas perdre la face au Qatar. Le Qatar nous en a été reconnaissant et les grands contrats on repris.”

Certains des autres chapitres évoquent notamment la guerre de George W. Bush contre Saddam Hussein en 2003, la création de la chaîne télévisée Al Jazeera et son idéologue islamiste originaire de l’Egypte, Youssef al-Qaradawi et la campagne présidentielle 2007 en France. Selon les auteurs, le vrai changement des relations franco-qataries a eu lieu le 30 mai 2007 avec l’achat de 80 Airbus A350 par le Qatar après l’élection de Nicolas Sarkozy. Ils ont même intitulé ce chapitre “Le règne du tout-s’achète”.

Selon Vanessa Ratignier, “Doha influence la politique arabe de la France.” Sarkozy rompt avec la politique de Chirac et procède à un rapprochement avec Kadhafi, qui va jusqu’à planter sa tente à Paris. Les auteurs écrivent de la duplicité de la politique du Qatar lorsque Sarkozy décide à faire de ce pays le pivot de sa politique arabe. Cependant, un critique devrait également noter la duplicité de la France et d’autres pays occidentaux face à de nombreux pays musulmans.

Une France sous influence évoque évidemment à de multiples reprises la rivalité entre les familles Saoud et Al-Thani. Le livre analyse les investissement du Qatar en France. Il attaque le système de travail de l’émirat. Le kafala “désigne un système ségrégationniste dans lequel tout travailleur étranger doit disposer d’un <parrain>, généralement son employeur … Si la kafala est répandue dans toute la région, c’est au Qatar – et en Arabie saoudite – qu’elle est la plus dure. L’étranger y est totalement livré au bon vouloir de son employeur.” Cela touche avant tout les travailleurs des pays pauvres, qui travaillent largement pour une misère. Le livre raconte plusieurs cas choquants de ce type. Il mentionne en plus quatre cas touchant des ressortissants français qui ont eu beaucoup de peine de sortir du pays après des années de calvaires.

Les auteurs mentionnent, qu’en mai 2014, le directeur du département des droits de l’homme au ministère de l’Intérieur du Qatar a annoncé des amendements visant l’abolition de la kafala. 94% de la main-d’œuvre sont des travailleurs immigrés souvent “traités comme des esclaves”.

Vanessa Ratignier semble ignorer que des efforts sérieux pour améliorer les conditions de travail ont déjà été entrepris en 2014. Cependant, selon Human Rights Watch, ces réformes ne vont pas encore assez loin. La pression restera sur le pays jusqu’à la Coupe du monde de football en 2022. Vanessa Ratignier elle-même cite une voix qui pense que la Coupe du Monde “peut être un bon levier pour changer la donne.”

La Coupe du monde a probablement été attribué au Qatar grâce à des décideurs corrompus. N’oublions non plus que, par le passé, des Jeux olympiques et autres Coupes du monde ont été achetés (par exemple Salt Lake City aux Etats-Unis) et que la dictature chinoise a pu organiser des jeux malgré toutes sortes de violations de Droits de l’homme. Le Qatar se trouve donc en “bonne” compagnie.

Le Qatar, bien qu’il soit le principal coupable, n’est pas le seul quant il s’agit du droit des travailleurs. Vanessa Ratignier cite elle-même des entreprises françaises (et autres) qui ne font pas mieux que certains Qatari. Ce qui choque les auteurs, c’est la collusion entre politiciens et entreprises français d’un côté et les Qatari de l’autre.

Vanessa Ratignier et Pierre Péan écrivent qu’il y a eu “un véritable troc” en 2010 lorsque Sarkozy a arrangé “les petites affaires de ses amis en ralliant Michel Platini à la candidature de l’émirat au Mondial 2022, tout en organisant l’entrée du Qatar dans le foot français. Il donne ainsi un coup de main à son ami Sébastien Bazin, qui souhaite vendre le PSG…” En présence de Michel Platini, membre de la FIFA, qui peut apporter une voix décisive à l’émirat dans l’attribution du Mondial, Sarkozy insiste auprès de Tamim al-Thani, qui dirige Qatar Sports Investments (QSI), d’acheter le PSG.

A côté des histoires de foot, les auteurs racontent comment “Total perd un contrat en Libye pour avoir cherché à satisfaire les ambitions du Qatar”. Ils mentionnent la guerre contre Kadhafi. Le Qatar livre des armes qui échappent au circuit mis en place par les rebelles. Ils fournissent des armes aux islamistes. Puis ils s’attardent un petit moment sur l’affaire du prétendu financement de la campagne présidentielle de Sarkozy par Kadhafi, sans pouvoir apporter des preuves nouvelles.

Ils ont des mots durs quant à l’inconscience des politiques quant il s’agit de vendre des parts des entreprises des armements (EADS) et du nucléaire (Areva) au Qatar, des secteurs “sympoliques de la souveraineté d’une nation”. Ici comme ailleurs ils évoquent de Gaulle. Notons simplement que le grand Charles a en partie mené une politique coloniale (comme d’ailleurs Winston Churchill), mais cette une autre histoire.

Le livre évoque la controverse du “fonds banlieues” du Qatar en France. C’est une initiative dont il n’est pas à l’origine, constatent les auteurs. Il témoigne de l’opportunisme du Qatar, qui “a beau réprimer les libertés sur son sol, il ne s’en fait pas moins le héraut de la démocratie au-delà de ses frontières.” Ils soulignent que la loi française de séparation des Eglises et de l’Etat prohibe le financement des lieux du culte par l’Etat. Le Qatar s’y lance tout de même. Son rival, l’Arabie saoudite y est déjà bien active en France. Les auteurs voient Nicolas Sarkozy et plus tard François Hollande au banc des accusés.

Quant au nouveau président, les auteurs constatent ses belles paroles en 2012: “Il ne veut plus de réseaux occultes ni d’intermédiaires se promenant…”. Il dit: “La relation franco-qatarie sera déterminée en fonction de nos intérêts et des attentes du Qatar. Mis de façon transparente et clair.” Quant a Vanessa Ratignier et Pierre Péan, leur titre de ce chapitre dit tout: “On continue comme avant.”

Quant à Manuel Valls, il a également été au Forum de Doha sur la démocratie en 2009, puis il a eu l’honneur de rencontrer l’émir Hamad al-Thani en décembre 2013. Ensemble avec l’ambassadeur influent du Qatar à Paris, Kuwari, Manuel Valls organise en janvier 2012 un entretien entre François Hollande et HBJ, “loin des regards”, selon les auteurs.

La guerre civile en Syrie change la donne. Les intimes de Bachar el-Assad, l’émir Hamad et son homme fort HBJ, se retournent soudainement contre lui. Al Jazeera bascule dans le soutien inconditionnel à la révolution. Selon le journaliste Rovert Fisk, cités par les auteurs, l’émir du Qatar était déjà furieux contre el-Assad à cause du non-respect de leur accord visant à autoriser les Frères musulmans à revenir en Syrie. Le Qatar se soucie peu des destinataires de son soutien en Syrie. Ce qui leur importe, c’est de faire tomber le régime Assad.

Dans la guerre au Mali, les auteurs voient une “explosion des contradictions”. Ils oublient de noter que la France – bien qu’elle soit pour une fois réellement bienvenue par la population – n’est pas aussi altruiste que cela: elle produit la moitié du yellowcake pour ces centrales nucléaires dans le pays limitrophe. Et les employés d’Areva ont déjà été victimes d’actes terroristes; il existe même un bon film documentaire à ce sujet, tourné avant les évènements au Mali.

Le PSG et la chaîne de sport télévisée dans les mains du Qatar, BeIN Sports, font partie des interrogations des auteurs. Ils voient des soupçons de corruption dans le rachat de l’enseigne Le Printemps. Ici comme ailleurs, on peut se demander si le Qatar est toujours le méchant ou si les Qatari se sont faits avoir plus qu’une fois.

Pour Vanessa Ratignier et Pierre Péan, “la France sacrifie ses principes pour être agréable à l’émir.” Quant à l’émir et la cheikha Moza, ils concèdent tout de même que, dans ce pays wahhabite, ils “¨cherchent à instaurer un certain modernisme.” Mais ils seraient“trop <progressiste> pour la société qatarie, ultraconservatrice…”

François Hollande affirme en janvier 2013 qu’il ne veut pas choisir un pays pivot au Moyen-Orient, mais qu’il veut renforcer les relations de la France avec tous les pays importants dans la région. Mais selon nos auteurs, il ne voulait pas que les droits de l’homme gâchent la relation entre le Qatar et la France.

Quant au nouveau émir, Tamim Al-Thani, au lendemain de son accession au pouvoir, il nomme un nouveau premier ministre; il entretenait des “relations exécrables” avec HBJ, l’homme à tout faire de son père, un homme décrit comme brillant et affairiste. Les auteurs n’en disent rien, mais il est bien possible que le Qatar se modernise sous le nouvel émir. Le temps nous le dira.

Les auteurs notent à la fin du livre, que Tamim n’a eu que huit jours de grâce : le 3 juillet 2013, le président égyptiens des Frères musulmans, soutenus par le Qatar, Mohamed Morsi, se fait renverser. Il sera remplacé par Abdel Fattah al-Sisi. Cinq jours après la chute de Morsi, Ahmad Assi Jarba, candidat des Saoudiens, prend la tête de la Coalition nationale syrienne en lutte contre Bachar el-Assad.

Quant au futur de la relation entre la France et le Qatar, les auteurs notent que Paris espère vendre 36 Rafale à Doha, qui veut équiper son armée de l’air de 72 appareils de combats. Dassault n’est pas encore arrivé à vendre son Rafale à l’export. Affaire à suivre.

Quant au bilan de Vanessa Ratignier et Pierre Péan, il est sombre. “L’émirat fait miroir. Il nous révèle une France sous influence.” Pour les élites de l’hexagone, leur nation est vieille, “encore quelque peu <attractive>, certes, mais dont il faut tirer le plus rapidement possible ce qui peut l’être avant que tout le patrimoine exploitable ou cessible ait disparu.” Pour les deux auteurs, il serait temps pour la France “de penser et d’agir à long terme, et de renouer avec la grande politique.”

Pierre Péan est l’auteur de plus de 30 livres, dont Une jeunesse française au sujet de la vie de François Mitterrand de 1934 à 1947 et sa relation avec Pétain.

Vanessa Ratignier avec Pierre Péan : Une France sous influence : Quand le Qatar fait de notre pays son terrain de jeu. Fayard, Septembre 2014, 482 pages. Commandez ce livre chez Amazon.fr. Des livres au sujet du Qatar chez Amazon.fr et Amazon.de.

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