Critique du livre du professeur émérite Jean-Paul Cointet
Le professeur émérite Jean-Paul Cointet se penche dans son livre Hitler et la France sur la vision de la France chez Hitler. Il examine le regard et la pratique hitlériens. Son livre repose notamment sur des documents de la main d’Hitler et de son entourage. L’auteur souligne qu’il s’appuie largement sur des sources de langue allemande et s’attache à montrer Hitler en concepteur et acteur au gré des évènements.
Jean-Paul Cointet mentionne comme guide précieux le livre de 1968 d’Eberhard Jäckel, La France dans l’Europe d’Hitler, soulignant toutefois qu’il néglige toute la période antérieure à 1939, indispensable pour la compréhension de la suite. Quant à La France de Vichy (1973) de Robert Paxton, selon Cointet, il met en scène avant tout la France occupée.
Pour Jean-Paul Cointet, Adolf Hitler est clairement le chef absolu, pas seulement un arbitre ou symbole du régime nazi. Il est un grand idéologue, voilà pourquoi l’auteur examine bien le livre Mein Kampf. L’antisémitisme est le fondement même du régime, souligne Cointet.
Jean-Paul Cointet est d’accord avec Eberhard Jäckel qui, dans son livre Hitler idéologue (1973), conclut qu’il y avait hélas dans l’idéologie hitlérienne une construction certes effarante mais un mécanisme. Il partage également l’avis de l’historien Hugh Trevor-Roper : C’est une erreur de conclure de la bassesse morale à un bas niveau intellectuel.
Jean-Paul Cointet analyse les approches, les méthodes et les finalités d’un projet hitlérien (selon lui) minutieusement élaboré et appliquées à la France. Selon l’auteur, du fond des idées hitlériennes résulte directement la façon dans dont le IIIe Reich traita la France dans tous les domaines à partir de 1940.
Pour dissimuler ses plans pour la France, Hitler va jusqu’à s’opposer à la traduction en français de Mein Kampf qui contient des passages haineux à l’égard de la France. L’Hexagone y est décrit comme l’ennemi éternel du peuple allemand. Le plan d’Hitler fonctionne. Selon Jean-Paul Cointet, le grand public en France, s’il connaissait l’existence de Mein Kampf, il ignorait à peu près tout de son contenu précis relatif à la France.
Les deux volumes de Mein Kampf sont écrits de 1924 à 1926 (Cointet mentionne erronément 1928 comme date pour le Deuxième Livre). Selon l’historien Werner Maser, cité par Cointet, Hitler n’a jamais varié dans son hostilité envers la France au fil des rééditions (de 1930 à 1943) de ses deux tomes.
Jean-Paul Cointet : Hitler et la France. Perrin / tempus, juin 2017, 480 pages (édition revue ; 1ère édition: Perrin, 2014). Commandez ce livre de poche chez Amazon.fr ou Amazon.de.
L’auteur note que, dans le schéma d’Hitler, la France fait figure d’obstacle à renverser plus que de but de guerre en soi. Terrasser l’ennemi héréditaire devient le prélude nécessaire à la conquête des terres de l’est de l’Europe et de la Russie (la politique du Lebensraum), nourrie par l’anticommunisme, l’antislavisme et l’antisémitisme d’Hitler.
Jean-Paul Cointet met en avant le fait que, ne disposant que de forces d’occupation limitées en effectifs, l’Allemagne nazie ne pouvait que s’appuyer largement sur le maintien d’une administration française et sur certaines coopérations internes. Ce qui confère au cas français une originalité propre par rapport aux autres modes d’occupation en Europe.
Selon l’auteur, hormis au plan économique et à celui des des besoins en travailleurs, Hitler ne recherchait pas la collaboration. Seulement sur la fin de la guerre, et mettant de côté un régime au bout de souffle, il mettra en avant les plus déterminés des collaborationnistes français. Il n’est jamais venu à l’esprit de Führer de faire de la France de Vichy un Etat associé.
Quant aux résistants à l’occupation, Hitler n’aura vu en eux que des terroristes, bolchéviques set assassins, comme incapable de concevoir pour autrui ce que lui-même avait reconnu à l’Allemagne en matière de patriotisme.
Jean-Paul Cointet note dans son introduction qu’avec son livre, il veut éveiller et nourrir la réflexion sur ce que peut apporter l’histoire de ce passé sur nos jugements politiques et éthiques d’aujourd’hui. Dans ce contexte, une remarque sur François Mitterrand manque. Il fit la première fois déposer une gerbe pour Pétain en 1984 (à lire à ce sujet: Bénédicte Vergez-Chaignon : Pétain). Maréchaliste un jour, maréchaliste toujours.
Quant aux personnages clefs, ils y figurent évidemment dans le livre de Cointet. Du côté allemand on rencontre Otto Abetz, Joachim von Ribbentrop, Josef Goebbels, Hermann Goering, etc. Du côté français on y trouve Philippe Pétain, Pierre Laval, François Darlan, Jacques Doriot, Marcel Déat, Fernand de Brinand, Joseph Darnand et bien d’autres.
Quant au fameux ordre d’Hitler de brûler Paris, Jean-Paul Cointet y émet des doutes car le gouverneur militaire de Paris, Dietrich von Choltitz, ne disposait pas des explosifs en quantité suffisante pour assurer fût-ce un début de destruction ; ce faisant, il aurait fait obstacle au passage des troupes allemandes en retraite.
Bref, sur 480 pages, Jean-Paul Cointet offre une nouvelle perspective sur une période noire de l’histoire de la France.
Jean-Paul Cointet : Hitler et la France. Perrin / tempus, juin 2017, 480 pages (édition revue ; 1ère édition: Perrin, 2014). Commandez ce livre de poche (2017) chez Amazon.fr ou Amazon.de.
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