La chancelière allemande est considérée comme un génie politique et un ancre de stabilité tandis qu’en réalité, les politiques qu’elle a poursuivies ont eu ou auront des effets désastreux. La reine est nue.
Le résultat électoral de 2017 a été catastrophique pour son parti (CDU), qui a perdu 8,6% par rapport à 2013 pour finir avec 32,9%, le pire résultat depuis 1949 (31%). Pourtant, personne d’important dans la CDU n’a remis en question la direction du pays par Angela Merkel.
Et entre nous, moins 8,6% (de 41,5% à 32,9%) veut en réalité dire que la CDU a perdu un quart de ses électeurs. Il s’agit d’un véritablement tremblement de terre politique, surtout considérant que les partenaires gouvernementaux de Merkel, l’Union chrétienne-sociale en Bavière (CSU) et le Parti social-démocrate d’Allemagne (SPD) ont également perdu massivement. Les deux membres de la coalition de Merkel ont perdu 10,5%, le pire résultat d’après-guerre pour la CSU avec 38,8% en Bavière, respectivement moins 5,2% pour la SPD qui, avec 20,5%, comptabilise également sont pire résultat d’après-guerre.
Depuis des années, Angela Merkel a négligé l’aile droite, conservateur de son parti. La CDU est devenue un parti quasiment social-démocrate, ce qui a permis à l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) de surgir sur sa droite. L’AfD a été créé par des professeurs d’économie critique de la politique de Merkel en ce qui concerne la crise de la dette dans la zone euro. Ils ont notamment et à juste titre souligné que la clause de non-sauvetage (no-bailout clause) du Traité de Maastricht a été violée. Ce parti, au début économiquement libéral (en partie, en tout cas), a par la suite viré à droite dans la crise migratoire (refugiés et autres immigrants) en 2015, adoptant largement une rhétorique xénophobe, islamophobe et même néo-nazie, une position intolérable il y a quelques années encore. L’ancienne dirigeante du AfD, qui se positionne maintenant, sans aucune crédibilité, comme une force modérée, a suggéré de réintroduire le terme “völkisch” dans le vocabulaire allemand. Bien que ce terme aurait surgi autour de 1870 déjà, il est aujourd’hui presque entièrement lié au régime nazi. C’était donc un signe clair à l’extrême droite pour indirectement dire “vous êtes bien venus chez nous”. Quant à Alexander Gauland, qui a fait le pas de l’aile droite de la CDU vers l’AfD, il a dit devant des sympathisants de l’AfD que les Allemands auraient tout le droit d’être fier des services rendus des soldats allemands dans les deux Guerres mondiales. La liste des dérapages des membres de première file de l’AfD est évidemment plus longue encore.
Angela Merkel n’a pas tenu compte des critiques venues de l’aile droite de son parti. Elle a publiquement répudié toute critique de son management des crises de la dette et de la migration bien, qu’en réalité, adoptant plusieurs de leurs positions.
Selon un sondage de l’institut Infratest dimap pour la première chaîne de télévision allemande (ARD), la CDU aurait avant tout perdu des électeurs en faveur des Libéraux (FDP; 1,36 million de voix) et de l’AfD (0,98 million de voix).
Angela Merkel n’est pas du tout la femme politique solide qu’elle se proclame être. Au contraire, elle se tourne selon le vent. La femme qui a obtenu un doctorat en chimie quantique en 1986 a été en faveur de l’énergie nucléaire jusqu’à la catastrophe nucléaire de Fukushima. Avec des élections fédérales allemandes s’approchant, elle se savait vulnérable sur le dossier nucléaire et a donc fait un virage brusque vers l’anti-nucléaire.
Pire encore, toute sa politique énergétique manque de crédibilité. L’Allemagne reste la productrice mondiale numéro 1 de lignite (Braunkohle). Les subsides de l’énergie solaire et éolienne ne fonctionnent pas vraiment, car tout subside fausse le marché. Merkel aurait dû au contraire soutenir la recherche fondamentale pour que des entreprises allemandes puissent un jour bénéficier des résultats ainsi obtenus pour créer de l’énergie et des produits énergétiques alternatives aux énergies fossiles et nucléaires. De surcroît, la chancelière a évidemment fermé les yeux sur le scandale des voitures polluantes, étant donné que l’industrie de l’automobile est un secteur clef de l’économie allemande. Juste avant l’adoption de normes européennes d’émissions plus strictes pour les voitures, sur interventions du lobby automobile, Merkel a rétropédalé et ainsi rendu impossible l’adoption de normes plus strictes qu’elle avait pourtant auparavant demandé.
La liste de positions conservatrices que Merkel a abandonnées durant son mandat est longue. Parfois, ces changements de positions ont en effet été justifiés et, parfois, ils ont été lpurement opportuniste, parfois les conséquences ont été ou seront catastrophiques. Merkel a fait adopté le salaire minimum en Allemagne. Pourtant, pendant de longues années, elle s’y était opposée (avec de bons arguments). Elle a soudainement accepté des quotas de femmes dans les conseils d’administrations des grandes entreprises en Allemagne, elle a soutenu le passage d’une armée de citoyens vers une armée professionnelle, etc.
La politique extérieure et militaire d’Angela Merkel est catastrophique. L’Allemagne n’a pas d’armée digne de ce nom. L’Otan repose presque entièrement sur le pilier américain, c’est-à-dire sans les Etats-Unis, l’Otan n’est qu’un tigre de papier. Les dépenses militaires de l’Allemagne n’atteignent que 1,23% du PIB, loin des 2% que l’Otan s’est fixé pour ses Etats membres. L’union de CDU et CSU soutient officiellement cette politique, mais dans les faits (comme pour le nucléaire, la politique énergétique, etc.), rien ne bouge vraiment. La future coalition en Allemagne sera probablement composée de l’Union de CDU et CSU, du FDP et des Verts. Les Verts sont opposés à l’objectif de 2% de dépenses militaires. L’Union et le FDP sont en principe pour cette objectif, mais ne veulent pas l’atteindre à tout prix jusqu’en 2024, la date que les membres de l’Otan se sont fixés eux-mêmes.
L’Allemagne comme première puissance économique de l’UE devrait montrer l’exemple. C’est d’autant plus grave que les Etats-Unis d’Obama et puis de Trump ont abandonné la position de policier du monde des Etats-Unis et que la Méditerranée est le mare nostrum. Il serait à l’UE d’y agir comme force stabilisatrice. Donc l’Allemagne, l’UE et les Etats-Unis ont créé un vacuum de pouvoir que des forces telles que l’IS ainsi que de nombreux dictateurs et autocrates ont utilisé en leur faveur.
Durant les années pendant lesquelles Erdogan se dirigeait en direction d’un rapprochement avec l’UE et ses normes, Merkel avait négligé la Turquie. Pendant la crise migratoire, elle a soudainement découvert son amour pour Erdogan et s’y est rendu peu de temps avant les élections cruciales qui ont permis à Erdogan de revenir au pouvoir et de s’y installer définitivement comme autocrate.
Dans la crise migratoire, Merkel s’est montrée accueillante envers les réfugiés, bien qu’auparavant, la crise des réfugiés arrivant en Italie et en Grèce ne l’intéressait point. Elle se cachait derrière le principe que ces migrants devaient rester dans le premier Etat membre de l’UE où entre un demandeur d’asile, ce qui n’était évidemment presque jamais l’Allemagne. Puis elle a pris la décision unilatérale d’accueillir des centaines de milliers de réfugiés en Allemagne, sans consultation préalable avec les autres Etats membres de l’UE. Ensuite, Merkel a demandé la solidarité des autres membres de l’UE — en effet, un million de réfugiés et autres migrants dispersées dans toute l’Europe n’aurait pas demandé un effort surhumain. Cependant, l’Allemagne était isolée. Au début encore, la Suède avait accueilli des réfugiés pour vite arriver à la conclusion que c’était impossible de continuer cette politique. Donc 27 pays de l’UE était contre l’Allemagne qui, elle réclamait de la solidarité. Quant à la suite de la crise migratoire, Merkel n’a jamais publiquement regretté sa position, mais dans les faits, elle a tout de suite fait des voyages pour rencontrer des autocrates et autres régimes peu recommandables pour négocier le retour de migrants dans ces pays et pour éviter qu’ils puissent se diriger vers l’Allemagne. De surcroît, elle a laissé le sale boulot aux Autrichiens, Hongrois et pays du Balkan de fermer les frontières. N’oublions pas non plus qu’avant l’éclatement de la crise migratoire, l’Allemagne — comme bien d’autres pays — avait réduit l’aide aux réfugiés dans les camps au Liban, en Jordanie et ailleurs.
Economiquement, l’Allemagne semble bien placée. Cependant, la situation actuelle est exceptionnelle. Le prix du pétrole est extrêmement bas, l’euro est trop faible pour l’Allemagne et quelques autres pays du Nord, mais trop fort pour les pays du “Club Méd” et, enfin, Mario Draghi et la BCE inondent l’eurozone avec de l’argent, ce qui fait que l’Allemagne et tous les autres pays de l’eurozone paient des intérêts ridiculement bas sur leurs dettes publiques; cette politique expansive conduit également à des taux d’intérêts bas dans le secteur privé, avec des conséquences néfastes à long terme, car le taux d’intérêt devrait refléter le risque qui se cache derrière. Avec des taux extrêmement bas, plus personne ne sait où se cachent les risques.
Quant à la politique économique de l’Allemagne, les réformes du chancelier Schröder avec des emplois à 1 euro et à 400 euro par exemple, ont des effets pervers. De tels emplois ne devraient pas exister. Il s’agit de subsides aux entreprises. De surcroît, une telle politique n’est ni chrétienne, ni sociale ni soutenable dans la durée (nicht nachhaltig). Pendant toute ces années au pouvoir, Merkel n’a quasiment rien fait pour corriger le tir. Ainsi, une sous-classe économique a été créé, renforcée et cimentée.
La liste des erreurs politiques de Merkel et de ses gouvernements est encore très longue. Cependant, aux yeux de beaucoup d’observateurs, Angela Merkel semble être un grand leader. Evidemment, si l’on a Sarkozy et Hollande en France, Poutine en Russie, Orban en Hongrie, George W. Bush, Obama et Trump aux Etats-Unis, et d’autres encore, Merkel semble être un génie politique. En réalité, au royaume des aveugles, la chancelière borgne est reine. Sa politique est un désastre. Bref, il est grand temps que Merkel parte.
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Article du 3 novembre 2017. Ajouté à 05:48 heure de Paris.
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