Josette Elayi : L’Empire babylonien

Mai 22, 2024 at 08:49 351

Après L’Empire assyrien, Josette Elayi nous racconte la suite de l’histoire dans L’Empire babylonien car l’Empire babylonien a conquis et anéanti le précédent, tout en le prolongeant par certains aspects.

Josette Elayi: L’Empire babylonien. Entre haine et fascination. Perrin, février 2024, 368 pages. Commandez ce livre (acceptez les cookies – nous recevons une commission) chez Amazon.fr.

Josette Elayi écrit que l’Empire babylonien n’a duré que 87 ans si l’on considère qu’il a commencé en 626 avant notre ère, avec la prise de pouvoir par Nabopolassar, son fondateur qui, de 626 à 610, a initié la première phase de construction de l’Empire babylonien, qui s’est achevé avec la création d’un Etat indépendent et la fin de l’Empire assyrien en 610. L’Empire babylonien, quant à lui, s’est achevé en 539, avec la capture de Babylone par Cyrus, le roi des Perses, inaugurant ainsi le début de l’Empire perse.

Josette Elayi souligne que, toutefois, cette chronologie conventionnelle s’appuie sur des critères militaires et politiques, et ne reflète pas le temps long des évolutions de la société. Les historiens spécialistes de l’économie préfèrent définir cette période comme un «long sixième siècle», du dernier quart du VIIe siècle jusqu’au début du Ve siècle.

Josette Elayi centre son livre sur l’histoire politique et socio-économique de l’Empire babylonien. Mais elle n’exclut pas l’étude des phénomènes de longue durée, ainsi que des structures sous-jacentes comme la nature de la royauté, l’organisation de l’armée et la diplomatie. Elle nous rappelle le contexte de la formation de l’Empire babylonien, bâti sur une longue histoire en lien avec celle de l’Assyrie, et sur la destruction de l’Empire assyrien. Elle analyse son développement, son apogée et sa brutale disparition face à l’armée perse de Cyrus. Josette Elayi nous présente la ville de Babylone, la religion et la culture ainsi que les rois babyloniens et bâtisseurs d’empire Nabopolassar, Nabuchodonosor II et leurs successeurs, Amêl-Marduk, Nériglissar, Lâbâshi-Marduk et Nabonide.

L’historienne nous rappelle que l’Empire babylonien est parfois nommé l’«Empire chaldéen» d’après les sources bibliques et classiques quia ppelaient la Babylonie «Chaldée», peut-être parce que Nabopolassar était un possible descendant de Merodach-baladan II, chef d’une tribu chaldéenne.

Contrairement à la Grèce antique, à Rome ou à l’Égypte, la Babylonie est étrangère à notre culture. Cependant, deux aspects de l’Empire babylonien ont remarquablement survécu dans l’imaginaire collectif : la cité de Babylone et le roi Nabuchodonosor. Josette Elayi cite notamment les livres bibliques des Rois, de Jérémie et de Daniel, Les Juives, tragédie de Robert Garnier, et Nabucco, opéra de Verdi, ont contribué à préserver leur mémoire.

Josette Elayi souligne, qu’après l’Empire assyrien, l’Empire babylonien est, par ordre chronologique, le deuxième de l’Antiquité à être aussi vaste et structuré. Les deux peuvent être qualifiés d’«universels» dans la mesure où ils prétendent dominer la totalité du monde connu à leur époque. A son apogée, l’Empire babylonien comprend la Babylonie, le «Pays de la mer» jusqu’au golfe Persique/Arabique, l’Elam et une partie du Zagros, l’Assyrie, la Syrie, la Cilicie au sud de la Turquie, toute la zone occidentale d’Israël, de la Palestine et du Liban sauf les îles phéniciennes de Tyr et d’Arwad, l’est de l’Egypte (Sinaï) et une partie du désert syro-arabique avec plusieurs oasis, dont celle de Tayma (à voir la carte à la pae 296 de l’Empire babylonien vers 550 avant notre ère).

Josette Elayi écrit que le nom de la Babylonie vient de la cité de Babylone, tout comme celui de l’Assyrie vient de la cité d’Assur. «Babylone» provient du grec, qui est lui-même dérivé de l’akkadien: l’étymologie populaire du nom, Bâb-ilî, est «Porte des dieux». Selon Josette Elayi, ce nom pourrait évoquer la justice qui était rendue à la porte du palais royal ou du temple de la divinité principale. L’historienne souligne que la cité de Babylone a porté différents noms au cours de son histoire. Dans les inscriptions royales et les textes historiques, le terme traditionnel est «pays d’Akkad». Sous les Cassites, on emploie le terme de «(pays de) Karduniash» et, dans la Bible, le terme de «(pays de) Shinear», dont la signification est inconnue. Le nom « TIN.TIR » («siège de vie» ou «d’abondance») est attesté au début du IIe millénaire, et le nom «Shuanna» («sa puissance est exaltée») à la fin de ce millénaire. Les auteurs grecs classiques désignent la Babylonie comme la «Chaldée», d’après le nom des tribus qui s’y sont installées au début du Ier millénaire et qui l’ont parfois gouvernée.

Comme l’Assyrie, sa voisine du nord, la Babylonie dépend des deux fleuves qui coulent à l’est et à l’ouest: le Tigre et l’Euphrate. Pour cette raison, les Grecs ont appelé cette plaine située entre les deux fleuves la «Mésopotamie», c’est-à-dire «entre les fleuves». La ville de Babylone a été contruite au bord de l’Euphrate (Purattu). Long de 2 850 kilomètres, il prend sa source dans les montagnes d’Arménie.

Josette Elayi nous rappelle que les Babyloniens jouissent d’une réputation exécrable de férocité et de débauche, qui leur a valu au cours de l’histoire de violentes critiques, mais aussi une indéniable fascination, peut-être la fascination du mal.

Cette réputation trouve principalement son origine dans la Bible, car les Judéens sont fortement marqués par la défaite que leur inflige le roi Nabuchodonosor et par leur exil à Babylone qui s’ensuit. Les prophètes bibliques maudissent cette ville cosmopolite et idolâtre. En même temps, les élites judéennes sont impres-sionnées par la culture babylonienne et s’en nourrissent. Josette Elayi note que, depuis la seconde moitié du IIe millénaire, la culture babylonienne s’impose comme la grande référence pour tout le Proche-Orient et le monde méditerranéen.

L’historienne souligne que des auteurs grecs comme Aristote, Ctésias ou Hérodote ont également contribuer à forger la légende dorée et la légende noire de Babylone. Hérodote décrit avec émerveillement cette cité fastueuse et immense par rapport aux cités grecques ,mais en même temps il attribue aux femmes babyloniennes des mœurs barbares. De manière paradoxale, pour les Grecs, Babylone est à la fois la capitale de la culture dans l’Antiquité, et en même temps celle du rejet de cette culture et de la pratique de la débauche. Athénée, à la fin du IIe siècle de notre ère, brosse le portrait type du roi oriental: efféminé, oisif et débauché, vivant au milieu de son harem, de ses concubines et de ses eunuques. En réalité, les auteurs bibliques qui fustigent Babylone s’inspirent de la littérature babylonienne elle-même.

Josette Elayi souligne, qu’au XVIIIe siècle de notre ère, avec la critique de la Bible et de l’Eglise, le portrait négatif de Babylone et de l’Orient antique devient plus nuancé. L’historienne mentionne Sémiramis, la pièce de théâtre de Voltaire. Au XIXe siècle, lorsque débutent les fouilles en Irak, le romantisme des ruines apporte une image plutôt positive du mythe de Babylone avec la création de Nabucco, l’opéra de Verdi

Cependant, la légende noire de Babylone persiste. Elle réapparaît en force lors de la découverte des atrocités commises par les rois babyloniens, décrites dans certaines inscriptions cunéiformes. Josette Elayi mentionne, qu’au XXe siècle, les vieux clichés du despote oriental reviennent à la surface avec l’avènement du fascisme et du nazisme. Quant aux conflits du XXIe siècle au Proche-Orient, ils n’aident pas à propager une image positive et sereine des Babyloniens. En dernier lieu, Babylon, le film de Damien Chazelle, sorti en 2023, décrit le luxe et la débauche des débuts d’Hollywood, selon la légende noire de Babylone. Selon l’histoirenne, la seule image positive qui émerge aujourd’hui est celle de Gilgamesh, ce roi d’Uruk puissant et sage, qui se trouve confronté à l’expérience universelle de la mort, et dont les aventures héroïques (Epopée de Gilgamesh), élaborées au IIIe millénaire avant notre ère et transmises à l’Empire babylonien, sont restées vivantes jusqu’à nos jours. Cet ouvrage contient évidemment également des informations au sujet de cette époque paléo-babylonienne.

Contrairement à l’Empire assyrien, l’Empire babylonien n’a pas subi, lors de sa chute, de destructions ou de massacres. Il a donc été transmis quasiment intact aux Perses et, de ce fait, il a survécu plus facilement dans le temps.

La Babylone du roi Nabuchodonosor est la première mégapole antique, la plus puissamment fortifiée, regorgeant de fabuleuses richesses, capitale du luxe, débordante d’activités, centre multiculturel, artistique et scientifique. Josette Elayi conclut à la fin de son livre que la légende de l’Empire babylonien, élaborée dès l’Antiquité, s’est prolongée jusqu’à nos jours: une légende contradictoire, entre haine et fascination.

Ce ne sont que quelques informations tirées du dernier ouvrage de Josette Elayi: L’Empire babylonien. Entre haine et fascination. Perrin, février 2024, 368 pages. Commandez ce livre (acceptez les cookies – nous recevons une commission) chez Amazon.fr.

Historienne de l’Antiquité, diplômée de latin, de grec, d’hébreu, d’araméen et d’akkadien, spécialiste de la Phénicie, Josette Elayi a enseigné aux universités de Beyrouth et de Bagdad avant de poursuivre ses recherches (CNRS) à Paris au Collège de France. A ce jour, elle a publié quelques 40 livres.

Pour faciliter la lecture, les citations et citations partielles dans cette critique du livre L’Empire assyrien ne se trouvent pas entre guillemets.

Critique de livre ajouté le 22 mai 2024 à 08:49 heure de Paris.