Le nouveaux gouvernement de transition
Depuis la perte de la majorité au parlement lors des élections du 7 juin 2015, le Président Erdogan joue un jeu dangereux avec le nationalisme en Turquie.
Parce que le HDP, une union de quelques 20 partis et mouvements de gauche et pro-Kurdes, a franchit la barre des 10% et est ainsi entrée au parlement, l’AKP a perdu sa majorité absolue. Au lieu donc de continuer sa démarche de réconciliation avec la population kurde en Turquie, le président Erdogan a fait un revirement total et essaie de présenter le HDP comme l’aile politique de l’organisation terroriste PKK qui, elle, est en effet également considérée comme telle (terroriste) par les EU et l’UE.
Il n’est pas sûr que ce jeu dangereux amènera le résultat souhaité par Erdogan, c’est-à-dire de pousser le HDP sous la barre des 10%. Par contre, une autonomie accrue pour les Kurdes et les autres minorités en Turquie reste une nécessité dans la quête de la société turque vers plus de démocratie. Déjà dans le Traité de Sèvres de 1920, non-ratifiée par la Turquie, les puissances occidentales avaient promis aux minorités kurdes et arméniens en Turquie plus d’autonomie, ce qui ne s’est toujours pas réalisée.
Les sources varient beaucoup, mais la Turquie compte quelques 14 à 25 millions d’habitants kurdes, soit 15% à 30% de la population. Même si le chiffre bas semble plus réaliste, Istanbul est de toute façon la première ville kurde du monde. Il n’est donc pas très sage de vouloir dépeindre la plus grande minorité du pays comme un danger pour la nation.
Plusieurs sources et plusieurs de mes amis turcs sont de l’avis que par exemple l’attentat sur une manifestation électorale dans la ville de Diyarbakir en juin 2015, qui a causé la mort de quatre personnes et des centaines de blessés, avaient été une action des services secrets turcs (et non pas de l’Etat islamique) pour provoquer une réaction violente de la part de la PKK. Quoi qu’il en soit, il est évident que, par le passé, l’Etat turc n’a rien ou très peu fait pour arrêter le flux de terroristes de l’Etat islamique vers la Syrie et l’Iraq. Par contre, les Turcs ont continué à combattre le PKK et les organisations kurdes (PYD et autres) en Syrie et en Iraq. L’Etat islamique et d’autres organisations islamistes ont profité d’un accord tacite entre l’Etat islamique et l’Etat turc selon la devise: l’ennemi de ton ennemi est ton ami.
Seulement dans les derniers jours, le gouvernement turc a sérieusement commencé à attaquer l’Etat islamique, tout en continuant, voire en intensifiant, sa guerre contre le PKK.
Le chef du HDP, Selahattin Demirtas, a publiquement affirmé à plusieurs reprises que son parti n’est pas l’aile politique du PKK. Il a appelé le PKK a utilisé des moyens pacifiques par atteindre ses objectifs.
Quant au numéro 2 du PKK, Cemil Bayik, il a affirmé dans un entretien avec le quotidien allemand Die Welt, que son parti n’est pas tombé dans le piège des attentats de Diyarbakir, que le PKK n’est pas en guerre contre la Turquie, mais utilise seulement “droit de représailles”, mais que la guérilla ira tout de même dans les villes (turques), si l’armée turque continue d’attaquer le peuple kurde, que des négociations entre Turques et Kurdes doivent continuer, sous la supervision d’une commission indépendante; pour occuper ce rôle, Cemil Bayik propose les Etats-Unis. Le numéro 2 a en outre dit, que le PKK a abandonné l’objectif de la dictature du prolétariat et a admis que la jeunesse kurde sait plus de monde, mais est également plus sûre d’elle, plus réfractaire (également envers le PKK) et plus radical.
Le nouveaux gouvernement de transition
Etant donné qu’aucun parti est arrivé à former un gouvernement de coalition, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a donc annoncé de nouvelles élections pour le 1er november 2015 ainsi que la création d’un gouvernement de transition composé de 25 membres, formé le 28 août 2015.
Les nationalistes du MHP et les kémaliste du CHP ont refusé de participer à un gouvernement de transition, tandis que les gauchistes et pro-Kurdes du HDP ont démontré leur volonté de vouloir y participer, notamment pour montrer leur loyauté envers les institutions turques. Les deux ministres du HDP ne sont d’ailleurs pas Kurdes, mais Alévis. Ali Haydar Konca s’occupera des Affaires européennes, Muslum Dogan, un membre fondateur du HDP en 2012, du ministère de Développement.
Dans les rangs du MHP, tout le monde n’est pas resté ferme sur la ligne du parti. Le vice-président du parti, Tugrul Türkes, le fils de père-fondateur du MHP, a accepté le poste de vice-premier au gouvernement de transition; Tugrul Türkes risque d’être exclu de son parti. En plus, il y a le cas de Yalçin Topçu. De 2009 à 2011, il a été le chef du petit parti nationaliste et islamiste BBP, issu en 1992 par scission du MHP et lié aux Loup gris. Il a accepté le poste de ministre de la Culture et du Tourisme.
Les postes importants du nouveaux gouvernement de transition, qui reste sous la direction de l’ancien et nouveau premier ministre Ahmet Davutoglu, sont occupées par des membres de l’AKP, y inclut les ministères des Finances et de l’Economie, qui restent dans les mains de Mehmet Simsek et Nihat Zeybekci.
Beaucoup de membres soi-disant “non-partisan” du gouvernement sont, selon l’opposition, des gens proches de l’AKP. Ce dernier parti semble bien vouloir attirer les nationalistes dans son camp.
Nous ne pouvons que répéter la phrase clef: Aussi longtemps que les élections restent libres en Turquie (comme en juin 2015), il y a de l’espoir.
Recep Tayyip Erdogan in 2017. Photo: Wikipedia, public domain.
Article du 1er septembre 2015. Ajouté à 00:10 CET