L’Empire assyrien

Mai 20, 2024 at 20:05 340

L’Empire assyrien n’a duré que de 745 avant notre ère jusqu’à 610. Il commence avec la venue au pouvoir du roi Tiglath-phalazar III et finit avec la chute de l’empire.

L’histoire de l’Empire assyrien bénéficie d’un foisonnement de sources textuelles et archéologiques exceptionnel pour les civilisations de l’Antiquité. Josette Elayi centre son livre L’Empire assyrien sur l’histoire politique et socio-économique ainsi que la période la plus prestigieuse, qui est une des mieux documentées de l’histoire de l’Assyrie: la formation de l’empire, son apogée et sa chute, jusqu’à son démembrement entre les Babyloniens, les Mèdes et les Égyptiens.

Josette Elayi note que le terme «Empire assyrien» est une désignation moderne, car les Assyriens appelaient leur territoire le «pays du dieu Assur». Le terme «empire» provient de l’allemand Reich. Il est né en milieu prussien au 19e siècle pour désigner le Saint Empire romain germanique, gouverné par un empereur désigné par Dieu, législateur suprême et tout-puissant.

James Laxer, spécialiste canadien d’économie politique, définit le terme comme suit: «On parle d’empire dès lors qu’une nation, tribu ou société exerce une domination de longue durée sur une ou plusieurs nations, tribus ou sociétés extérieures… La faculté à déterminer ce qui arrive, ce que produisent les sociétés qu’il a sous contrôle est ce qui distingue un empire des autres formes d’organisations internes.»

Josette Elayi souligne que cette définition peut s’appliquer à l’Etat assyrien dans la mesure où il est suffisamment étendu et se caractérise par une expansion hégémonique permanente et une structure étatique solide. Toutefois, selon l’historienne, ces conditions sont seulement réunies à partir du roi Tiglath-phalazar III. L’histoire de l’Empire assyrien s’étend donc de 745 à 610 avant notre ère.

Josette Elayi écrit que le vrai fondateur de l’Empire assyrien est le roi Tiglath-phalazar III (745-727). Dès son accession au trône, il entreprend une série d’opérations militaires pour conquérir un vaste territoire continental, avec une ouverture maritime. Il ne se contente plus de raids épisodiques pour rapporter du butin, mais il met en place un véritable système impérialo-tributaire.

Josette Elayi note qu’on dit parfois que le premier empire «universel» est l’Empire perse ou l’empire d’Alexandre. Mais, selon cette historienne, c’est seulement par méconnaissance de l’Empire assyrien, qui est le premier empire  universel» connu de l’Antiquité aussi vaste et structuré.

A son apogée, l’Empire assyrien comprend tout le Proche-Orient, le Zagros et l’Elam, la Turquie jusqu’en Cappadoce, Chypre et l’Egypte.

A l’origine de la mauvaise réputation des Assyriens se trouve avant tout la Bible. Elle est aussi due aux Babyloniens, car ces deux peuples aux mentalités si différentes se détestent et se sont fréquemment affrontés au cours des siècles. En 689, Sennachérib détruit Babylone en détournant le cours de l’Euphrate afin d’inonder la ville.

Josette Elayi note également que la réputation de férocité des Assyriens a été amplifiée lors de la découverte des vestiges archéologiques et des inscriptions en Irak au 19e siècle. On peut y lire d’atroces descriptions, notamment dans le récit de scampagnes d’Assurnasirpal II. Il se vante d’avoir «teint la montagne comme de la laine rouge avec le sang des ennemis massacrés». «J’ai tranché leurs mains leurs doigts, leurs nez, leurs oreilles, je leur ai arraché les yeux, j’ai coupé leurs têtes et je les ai empilées pour former des piliers». «Je les ai empalés sur des pieux, je les ai écorchés et j’ai étalé leurs peaux sur les murs de leurs villes.»

Josette Elayi souligne que c’était une violence calculée et amplifiée par la propagande royale pour terrifier l’ennemi. Le jugement porté sur cette civilisation a été d’autant plus défavorable qu’elle était mise en parallèle avec le «miracle grec» par une pensée helléno-centriste.

Les Assyriens ont aussi une réputation de vacuité artistique et intellectuelle, et sont jugés incapables d’abstraction. Josette Elayi note que des enquêtes récentes montre une autre image. Elles ont permis de restituer la spécificité et l’importance du niveau algorithmique global, la stratégie de solution et la technique de calcul (en base 6) des Assyriens. La science des nombres, arithmétique et algèbre, a été fondée par les Sumériens, et brillamment développée par les Assyriens. Selon Josette Elayi, Sennachérib est un inventeur de génie, qui a inventé par exemple ce que l’on appelle la «vis d’Archimède», et Assurbanipal est un grand érudit à qui l’on doit les premières grandes bibliothèques.

La ville d’Assur est la plus ancienne des capitales successives qu’a connues l’Assyrie. Le dieu Assur, dans son aspect primordial, paraît être un dieu de la végétation, ou la divinisationd ’un éperon rocheux surplombant le Tigre. Il devient très tôt une personnification de la ville qui porte le même nom, à tel point que le dieu et la ville sont parfois confondus. Assur est considéré comme le véritable roi de la ville et aussi du pays du même nom. D’abord simple divinité locale, Assur prend de l’importance au fur et à mesure de l’expansion territoriale de l’Assyrie. C’est une divinité impériale. Josette Elayi note qu’on a avancé l’hypothèse d’une tendance à l’hénothéisme, développée à l’époque néo-assyrienne, qui fait d’Assur un dieu universel, incluant la totalité des dieux.

Quant au déchiffrement de l’écriture cunéiforme, il franchit une étape décisive avec la découverte de sir Henry Rawlinson (1810-1895), officier britannique, membre de l’Intelligence Service et orientaliste passionné: l’inscription rupestre de Béhistoun en Iran, gravée sur l’ordre de Darius Ier. Dans les années 1840, Henry Rawlinson complète les travaux de Georg Friedrich Grotefend en déchiffrant la partie en vieux perse. Josette Elsay souligne que cette inscription trilingue joue le rôle de la pierre de Rosette qui a permis à Jean-François Champollion de déchiffrer l’écriture hiéroglyphique égyptienne. A partir du vieux perse, il devient possible de déchiffrer les deux autres écritures (élamite et akkadien). Rawlinson comprend que la troisième écriture note des syllabes et des idéogrammes. Cette écriture traduit une langue sémitique qu’il appelle alors «assyrien» et qui explique le nom d’«assyriologie» donné à l’étude de la Mésopotamie. Aujourd’hui, on appelle cette langue «akkadien», l’assyrien et le babylonien en étant les deux principaux dialectes.

A la fin de son introduction, Josette Elayi souligne encore une fois que, bien avant Alexandre le Grand, le roi assyrien Tiglath-phalazar III et ses successeurs Sargon II, Sennachérib, Assarhaddon et Assurbanipal, ont été des bâtisseurs d’empire, l’Empire assyrien, premier empire universel connu.

Au sujet d’Assurbanipal, Josette Elayi écrit qu’il est le dernier grand roi de l’Empire assyrien, les rois suivants sont affaiblis et mal connus. Il règne de 668 à 631, le plus long règne des rois néo-assyriens. L’Empire assyrien atteint alors son apogée. A sa mort en 631, cet empire n’avait plus que 21 ans à vivre, ou plutôt à agoniser. Après la chute d’Assur en 614, celles de Ninive en 612 et de Harrân en 610, l’Empire assyrien a disparu. Les vainqueurs, Babyloniens et Mèdes, se partagent ses dépouilles.

Ce n’est sont que quelques éléments tirés de l’ouvrage passionnant écrit par Josette Elayi qui contient des chapitres au sujet des origines de l’Assyrie, des son ascension, du fondateur de l’empire et de ses grands rois ainsi qu’au sujet de la fin de l’Empire assyrien.

Josette Elayi: L’Empire assyrien. Tempus, 2024 (première édition: Perrin, 2021), 352 pages. Acceptez les cookies (nous recevons une commision) pour commander L’Empire assyrien de Josette Elayi chez Amazon.fr.

Historienne de l’Antiquité, diplômée de latin, de grec, d’hébreu, d’araméen et d’akkadien, spécialiste de la Phénicie, Josette Elayi a enseigné aux universités de Beyrouth et de Bagdad avant de poursuivre ses recherches (CNRS) à Paris au Collège de France. A ce jour, elle a publié quelques 40 livres.

Pour faciliter la lecture, les citations et citations partielles dans cette critique du livre L’Empire assyrien ne se trouvent pas entre guillemets.

Critique de livre ajouté le 18 mai 2024 à 20:05 heure de Paris.