Nicole Bacharan et Dominique Simonnet nous offrent une série de Secrets de la Maison Blanche (Amazon.fr). Leur livre se base notamment sur une série d’enregistrements secrets de la Maison Blanche, qui ont été rendu public ces dernières années, et qui ont été fait depuis l’époque de Franklin Delano Roosevelt.
Le livre commence avec la ruse de Thomas Jefferson en 1803, qui a secrètement contrecarré les projets de Bonaparte d’étendre son empire à l’Amérique et, à l’insu du Congrès américain, a doublé d’un coup la surface des Etats-Unis.
Nicole Bacharan et Dominique Simonnet : Les Secrets de la Maison Blanche. Top Secret.Perrin, septembre 2014, 384 pages. Commandez ce livre chez Amazon.fr.
Le chapitre parle du permis de tuer du président Obama qui s’est engagé dans une guerre globale clandestine, ordonnant chaque semaine, dans le monde entier, des attaques de drones et des assassinats ciblés, dont celui de Ben Laden. Dans cette histoire, Nicole Bacharan et Dominique Simonnet oublient de nous donner des chiffres. En janvier 2014, des journalistes ont calculé que plus de 2400 personnes (dont au moins 273 civils) ont été tués par des drones des Etats-Unis. Les deux auteurs donnent par contre une information que j’ai également retenue à l’époque: “Au cours de la seule année 2009, Barack Obama a déjà ordonné plus de frappes de drones qu’il n’y en a eu pendant tout le second mandat de George W. Bush.”
Nicole Bacharan et Dominique Simonnet décrivent comment, chaque mardi après-midi, le président Obama organise une réunion secrète à la Maison Blanche avec le but de mettre à jour la liste des individus à tuer dans le monde entier. Ils décrivent en détail comment l’action pour assassiner Ben Laden a été exécutée.
Parmi les dix Secrets de la Maison Blanche contenus dans ce livre, “Le vrai plan d’Abraham Lincoln étonne particulièrement. Les auteurs nous “révèlent” (cette histoire, comme toutes les autres, et bien entendu connue depuis un moment) que le président Lincoln n’aime pas l’esclavage, mais qu’il envisage l’expulsion des Noirs américains vers l’Afrique et l’Amérique centrale. Selon Lincoln, la présence des Noirs pourrit la vie des Blancs, et met en danger la pérennité de l’Union des Etats-Unis.
Au nord des Etats-Unis, l’esclavage a progressivement été aboli après la guerre d’Indépendance. L’industrialisation y progresse rapidement, la finance se développe, les chemins de fer, les transports fluviaux et maritimes, les usines et mines fleurissent tandis qu’au sud, les Etats esclavagistes restent ancrés dans un système agricole archaïque. Le Sud prospère grâce à la demande croissante des filatures européennes.
Les deux systèmes sont inconciliables. Ils s’affrontent au Congrès au sujet de questions telles que les impôts et les tarifs douaniers, mais surtout sur la question de l’avenir des immenses territoires de l’Ouest. Ils rentreront tôt ou tard dans l’Union. Seront-ils “libres” ou esclavagistes? Qui aura les terres? Qui aura plus d’élus au Congrès?
Selon nos deux auteurs, Abraham Lincoln manifeste bien son aversion pour l’esclavage. En même temps, il dit: “Je ne suis pas, je n’ai jamais été, en aucune façon, en faveur d’une égalité politique et sociale entre la race blanche et noire … Il y a entre [elles] une différence physique visible qui, je crois, leur interdira pour toujours de vivre ensemble sur un pied d’égalité.” Il dit même qu’il est “comme tout le monde attaché à ce que la position de supériorité soit assignée à la race blanche.” Il ajoute: “Ce que je souhaiterais vraiment c’est la séparation des deux races – c’est-à-dire l’émigration des Noirs hors des Etats-Unis.” Abraham Lincoln n’est donc pas an militant abolitionniste.
Le Congrès prévoit un budget pour conduire les affranchis vers Haïti ou le Liberia. Encouragé par le parlement, Lincoln est décidé à concrétiser son plan de colonisation du Chiriqui, une province du Panama.
Mais la guerre de Sécession ou guerre civile pousse Lincoln a modifier son plan. Un soir, cet autodidacte rédige tout seul un projet de Proclamation d’émancipation des Noirs. Il a pris sa décision. Gideon Welles, le secrétaire à la Marine, craint qu’une telle proclamation ne galvanise les Confédérés, pris à la gorge. De surcroît, il s’interroge sur la légalité de l’affaire. Lincoln ne change pas d’avis jusqu’à l’intervention du secrétaire d’Etat William Seward, l’ancien rival devenu l’ami le plus proche de Lincoln, remarque nos deux auteurs. Seward approuve la Proclamation, mais s’interroge sur l’opportunité de cette mesure en ce moment précis. Le Nord vient de subir quelques défaites. Une telle décision serait interprétée comme “un appel au secours, notre dernier cri avant la retraite. … Attendons plutôt que l’aigle de la victoire prenne son envol”, remarque Steward. Lincoln est frappé par la sagesse de l’argument, auquel il n’avait pas pensé, et se range à l’avis de Seward. Le projet de Proclamation est mis de côté. Il sait qu’elle transformera la guerre d’une lutte pour sauver l’Union vers une croisade pour l’émancipation. Nous sommes en août 1862.
Il écrit encore le même mois dans les pages du journal New York Tribune: “Le but ultime de cette guerre est de sauver l’Union, et non de sauver ou de détruire l’esclavage. Si je pouvais sauver l’Union sans libérer aucun esclave, je le ferais, et si je pouvais la sauver en les libérant tous, je le ferais. Et si je pouvais la sauver en libérant certains et d’autres pas, je le ferais.” Les auteurs notent, qu’une fois encore, les abolitionnistes sont furieux. Mais en secret et en réalité, Abraham Lincoln prépare le terrain. C’est le 1 janvier 1863 que le président donne finalement son fameux discours: “Toutes les personnes tenues en esclavage… seront désormais, et pour toujours, libres.”
Nicole Bacharan et Dominique Simonnet notent cependant qu’il prendra encore un siècle après l’assassinat de Lincoln le 15 avril 1865 pour que les Etats-Unis tiennent vraiment la promesse de la Proclamation d’émancipation et de Gettysburg, et reconnaissent pleinement, avec le mouvement des droits civiques, l’égalité des Noirs américains.
Parmi Les Secrets de la Maison Blanche déjà bien connus, il y a l’histoire du petit bureau d’à côté de Bill Clinton, c’est-à-dire le scandale Lewinsky. Pour les auteurs de notre livre il s’agit d’un “piège d’un complot ultraconservateur destiné à chasser [Bill Clinton] de la présidence.” Je nous épargne ici les détails. Nicole Bacharan et Dominique Simonnet notent bien que, le 19 décembre 1998, la Chambre retient deux sur quatre articles contre Clinton et vote officiellement la procédure de destitution, accusant le président d’avoir menti devant un grand jury sur la “nature de sa relation avec une employée de gouvernement”. Les Sénateurs jugeront le 7 janvier 1999 que Clinton ne sera pas destitué; il faudrait la majorité des deux-tiers. On est loin d’un tel score.
L’affaire semble bien racontée. Par contre, la note finale des auteurs convainc moins. Il est vrai que Bill Clinton est un des présidents les plus populaires dans l’histoire des Etats-Unis. Le budget est largement excédentaire lorsqu’il quitte la Maison Blanche. C’est vrai. Il manque cependant des points moins favorables: Bill Clinton a regardé de l’autre côté lors du génocide des Tutsis en 1994 au Rwanda; un massacre avec environ 800,000 morts. Bill Clinton a eu la chance de quitter la Maison Blanche avant que la bulle internet, spéculative, n’explose. C’était George W. Bush qui en héritait. C’est sous Bill Clinton que les attentats du World Trade Center de 1993 ont eu lieu. Le président Clinton n’a pas tiré les bonnes leçons de cet attentat, ainsi que quelques autres d’ailleurs, ce qui n’est pas sans influence sur 9/11. N’oublions pas non plus que le fameux Glass-Steagall Act, l’incompatibilité entre banque de dépôt et d’investissement a été abrogée sous Bill Clinton et son secrétaire du Trésor, Robert Rubin. C’est une de multiples raisons pour lesquelles la crise financière et économique des subprimes de 2007 nous occupe toujours aujourd’hui. Chers Nicole Bacharan et Dominique Simonnet, un peu plus de sens critique à l’égard de Bill Clinton, “le premier président noir des Etats-Unis”, qui était tellement “noir” qu’il ne nominait aucun Noir dans son cabinet, contrairement à George W. Bush.
Le livre de Nicole Bacharan et Dominique Simonnet est divertissant, instructif et nous livre bien de “secrets” plus au moins connus de la Maison Blanche. Avec Les Secrets de la Maison Blanche. Top Secret, on ne s’ennuie pas.
Nicole Bacharan et Dominique Simonnet : Les Secrets de la Maison Blanche. Top Secret.Perrin, septembre 2014, 384 pages. Commandez ce livre chez Amazon.fr.