L’exposition L’or des Ming au musée Guimet à Paris

Sep 30, 2024 at 21:31 244

Du 18 septembre 2024 au 13 janvier 2025, le musée national des arts asiatiques – Guimet à Paris présente l’exposition L’or des Ming. Fastes et beautés de la Chine impériale (XIVe-XVIIe siècle).

L’exposition est organisée en partenariat avec le musée des Beaux-Arts de Qujiang à Xi’an dans le cadre de l’Année franco-chinoise du tourisme culturel et à l’occasion de la célébration du 60e anniversaire des relations diplomatiques entre la République française et la République populaire de Chine.

Dès la haute antiquité, l’or est considéré en Chine comme symbole de la richesse et du statut social, aux côtés du bronze, du jade et de la soie. Contrairement à l’argent, qui devient sous les Ming (1368-1944) la principale valeur monétaire, l’or n’est alors utilisé que pour la confection ou l’ornement d’objets de luxe: vaisselle d’apparat et bijoux.

Au temps des dynasties Ming, l’orfèvrerie d’or se répand parmi les couches supérieures de la société chinoises. Le musée Guimet a la chance de pouvoir présenter la collection de chefs-d’œuvre de l’orfèvrerie de la période Ming conservée au musée des Beaux-Arts de Qujiang à Xi’an.

Cette collection de parures et de vases en or, rarement présentée à l’étranger, donne à découvrir un travail d’un raffinement exceptionnel dont on trouve peu d’exemples ailleurs dans le monde à la même époque, explique Yannick Lintz, présidente du musée Guimet.

La réunion de ces objets si majestueux offre un témoignage précieux du goût sophistiqué et de la puissance économique des Ming. Les parures et la vaisselle attestent en effet la position sociale de leurs propriétaires, tandis que les représentations de dragons à cinq griffes et de phénix révèlent les liens avec la famille impériale.

Le catalogue de l’exposition L’or des Ming. Fastes et beautés de la Chine impériale (XIVe-XVIIe siècle) est paru chez In Fine éditions d’art, Paris, septembre 2024, 216 pages avec 135 illustrations, 22 x 28 cm, bilingue: français-anglais. ISBN 978-2-38203-201-5. Commandez le catalogue (acceptez les cookies – nous recevons une commission, prix identique) chez Amazon.fr.

Arnaud Bertrand, conservateur des collections Chine et Corée, musée Guimet, et commissaire de l’exposition, souligne qu’au printemps 1368, Zhu Yuanzhang adopte le titre d’empereur Hongwu de la dynastie des Ming. C’est la fin d’une longue lutte contre le pouvoir mongol. La stratégie de l’empereur est de faire oublier cette longue période d’occupation de peuples de la steppe.

Arnaud Betrand souligne que quelques mois seulement après l’investiture de Hongwu, une réforme sur les styles vestimentaires est publiée. C’est la restauration confucéenne du monde par la dynastie des Ming.

La réforme entend revenir à l’époque des Tang (618-907), qui marque un apogée dans bien des domaines, en particulier celui des usages vestimentaires, avec de nombreuses restrictions appliquées. Mais en recherchant dans le passé ce qui correspond à l’habillement chinois par excellence, il est selon Arnaud Bertrand clair que l’effort est vain. Jamais autant de coutumes étrangères, notamment d’Asie centrale, de Perse et de la steppe, influencent la mode locale que sous les Tang.

L’or est sans nul doute emblématique de la richesse de ces relations. La steppe eurasienne avait été dès l’âge du bronze le point convergent du transport de ce métal utilisé par les populations semi-pastorales.

Arnaud Bertrand souligne que les premières dynasties de l’âge du bronze n’aient pas porté ou orné leurs morts avec de l’or, ce qui a amené les spécialistes à penser que ce matériau était rare et peu utilisé dans le monde chinois ancien, les mines d’or chinoises, au sud-est du pays, n’étant pas exploitées avant le VIIIe siècle.

Si le jade et le bronze demeurent tout le long de l’Antiquitéles symboles du pouvoir et de l’incorruptibilité. On l’employait en revanche pour enrichir des ornements (bracelets, boucles d’oreilles), rehausser les bronzes, décorer les chars.

Puis le matériau devient lui-même objet précieux, lorsque les bronzes et jades se changent à leur tour en objets d’art décoratif, quittant l’aspect purement rituel dans leur usage à la cour.

Arnaud Bertrand écrit que la stabilité du régime Ming et les réformes agricoles permettent une croissance économique significative et le développement du commerce international. Malgré l’image d’un pays se protégeant des étrangers, la Grande Muraille étant le symbole de cette politique de repli après le traumatisme de l’occupation mongole, les Ming ne se coupent pas du monde extérieur, bien au contraire. Ils s’associent avec des puissances étrangères dans de nombreux domaines: experts en armement d’Asie du Sud-Est, officiers mongols, cuisiniers coréens. Quand Pékin devient la nouvelle capitale en 1421 sous l’empereur Yongle, l’architecte en chef de la Cité interdite est originaire du Vietnam.

Arnaud Bertrand note que l’or pouvait alors être un puissant matériau d’échanges, d’autant plus que les Ming s’immiscent dans la lutte des clans mongols avec la stratégie «utiliser des barbares pour lutter contre les barbares».

Arnaud Bertrand souligne que rares sont les tombes impériales Ming qui furent épargnées par les pillages, qu’ils surviennent dans les années suivant l’inhumation ou ultérieurement lors de périodes de troubles. Voilà pourquoi le Dingling («tombeau de la Tranquillité»), demeure éternelle de l’empereur Wanli (r. 1573-1620) et ses deux impératrices, laissée intacte et fouillée de 1956 à 1958 avant que ne débute la Révolution culturelle, révèle un art de l’orfèvrerie impériale jusqu’alors peu connue, si ce n’est par les peintures de cour ou les textes. On compte près de 300 objets en or: bijoux et ornements associant le jade et les pierres précieuses, couronnes impériales, vaisselles de formes diverses; 103 lingots d’or et 65 d’argent complètent cette vaste collection d’objets accompagnant les défunts.

Dans ce contexte funéraire, les lois et commandements interdisant l’usage de l’or en dessous d’un certain niveau hiérarchique ne sont toutefois pas toujours suivis, ce matériau étant considéré comme aussi précieux que le jade ou le bronze.

Arnaud Betrand note que, des autres tombeaux princiers, appartenant aux descendants directs des empereurs Ming, presque aucun ne contenait de récipients en or. Mais l’opulence de la sépulture de Zhu Zhanji (1411-1441), prince Zhuang de Liang, neuvième fils de l’empereur Hongxi (r. 1424-1425), rivalise avec celle de l’empereur Wanli, quoique atypique pour ce rang (200 objets en or pour un poids de 16 kilogrammes).

Les manufactures d’orfèvrerie n’étant pas limitées à l’entourage impérial, certains palais dans les provinces disposaient de leur propre bureau régional afin de réaliser des pièces de même nature. Betrand Arnaud écrit que les lois somptuaires n’ont qu’un impact faible sur le contrôle de l’usage de l’or dans une société qui voit naître de nouvelles classes.

La réglementation vestimentaire des Ming entend définir ce qu’il est convenable de porter, en fonction de la position occupée par chacun au sein de la hiérarchie. Elle éntend restreindre l’usage des matériaux précieux tout en garantissant l’exclusivité de certains motifs (qui ont valeur d’insigne) aux membres de la famille impériale et aux plus haut représentants de l’administration. Les motifs de dragons, de faisan ou de phénix sont ainsi, en principe, réservés à l’usage exclusif de l’empereur et de quelques-uns des ses plus proches parents.

Les parures et les bijoux d’or, de jade ou d’argent (épingles ou ornements de coiffure, boucles et plaques de ceinture, pendants d’écharpe, boucles d’oreilles, bagues et bracelets) sont conçus comme autant de compléments indispensables au vêtement d’élites. Tout comme les vêtements eux-mêmes, ils font office d’indicateur de rang et de statut social.

Les représentants de l’aristocratie utilisent une vaisselle d’apparat en or et en argent faite de plats, d’assiettes, de coupes, de verseuses et de bassins, parfois complétés par des baguettes et des cuillères. Destinée aux libations, ainsi qu’à la présentation et à la consommation de mets délicats et d’alcool, celle-ci est employée à l’occasion de banquets au cours desquels les hôtes font étalage de leur richesse et du prestige attaché à leur statut. En principe réservés à l’usage de l’empereur et de ses proches parents, ces objets au luxeparfois ostentatoire se répandent au sein des élites fortunées.

Arnaud Betrand écrit qu’au contraire de l’or, dont l’usage demeure restreint aux désirs de somptuosité, les lingots d’argent occupent une place centrale dans le système économique des Ming dès le début du XVe siècle. Utilisés comme moyen de paiement, leur pureté et leur poids en faisant l’équivalent des lingots d’or, ils circulent d’abord dans le sud de la Chine, dans le milieu privé, avant d’être, en 1423, officiellement acceptés pour le paiement des impôts et taxes.

La rareté de l’argent provoque une contraction monétaire et un retour important au troc. Ce problème est résolu au tournant du XVIe siècle. Arnaud Bertrand souligne, qu’à cette époque, la Chine, et non l’Europe, est le centre du monde. Afin de subvenir à la demande d’argent en Chine, des lingots sont importés, d’abord clandestinement, par les Japonais, puis avec l’ouverture de la voie des mers, par les puissances européennes – Portugais, Espagnols, Néerlandais. De grandes quantités d’argent affluent aussi depuis le Pérouet le Mexique, via Manille. Les mines d’argent hispano-américaines sont alors les sources d’approvisionnement les moins chères au monde. De 1500 à 1800, le Mexique et le Pérou produisent environ 80% de l’argent mondial, dont 30% se retrouvent exportés en Chine.

Les objets d’or remontant à l’époque Ming sont aujourd’hui très rares. Compte tenu de la valeur du métal précieux dont ils sont faits, nombre d’entre eux ont par la suite été fondus pour permettre la fabrication de nouvelles pièces au goût du jour. Ainsi seuls de très rares objets sont parvenus jusqu’à nous, comme en témoignent les pièces de l’exposition, toutes issues de l’exceptionnelle collection du musée des Beaux-arts de Qujiang.

Les autres essais présentent les techniques de l’orfèvrerie en Chine, la vaisselle rituelle en or sous les Ming, usages, fonctions et significations des parures d’or sous la dynastie Ming, bijoux et parures féminines à la cour des Ming, les parures féminines dans la littérature romanesque de la fin des Ming.

Ce ne sont que quelques éléments tirés du catalogue de l’exposition L’or des Ming. Fastes et beautés de la Chine impériale (XIVe-XVIIe siècle), paru chez In Fine éditions d’art, Paris, septembre 2024, 216 pages avec 135 illustrations, 22 x 28 cm, bilingue: français-anglais. ISBN 978-2-38203-201-5. Commandez le catalogue (acceptez les cookies – nous recevons une commission, prix identique) chez Amazon.fr.

Les sept auteurs du catalogue: Arnaud Bertrand, conservateur des collections Chine et Corée, musée Guimet, Alice Bianchi, maître de conférences, Université Paris Cité/CRCAO, Monique Crick, ancienne directrice de la Fondation Baur, musée des arts d’Extrême-Orient, Genève, et présidente de la Société française d’étude de la céramique orientale (SFECO), Hélène Gascuel, conservatrice des collections mobilier chinois et textiles, musée Guimet, Shaoping Lin, irectrice exécutive adjointe du musée des Beaux-Arts de Qujiang à Xi’an, Pierrick Rivet, docteur en études culturelles chinoises, Tianyou Zhou, directeur du musée des Beaux-Arts de Qujiang à Xi’an.

Pour faciliter la lecture, les citations et citations partielles dans cette critique ne se trouvent pas entre guillemets.

Critique d’exposition / de catalogue ajouté le 30 septembre 2024 à 21:31 heure de Paris. Détail ajouté à 21:45.