Dans son livre Opération spéciale: Dix ans de guerre entre Russie et Ukraine, vus et vécus depuis le Donbass, le journaliste Paul Gogo, qui écrit notamment dans Ouest France, L’Express et intervient régulièrement sur BFM TV, LCI et dans l’émission C dans l’air sur France 5, nous raconte ce qu’il a vécu en Russie pendant la dernière décennie. Ce n’est pas un livres d’analyses, mais de reportages.
Paul Gogo: Opération spéciale: Dix ans de guerre entre Russie et Ukraine, vus et vécus depuis le Donbass. Editions du Rocher, février 2024, 352 pages. Acceptez les cookies pour arriver directement à la page du livre chez Amazon.fr; nous recevons une commission: livre broché ou download en format Kindle chez Amazon.fr.
Paul Gogo écrit qu’il est né à Saint-Lô, en Normandie, en 1991. Lorsqu’une professeure de russe arrive dans sa ville et le rectorat de son école décide d’ouvrir une classe dans cette langue, il choisi instantanément le russe plutôt que des heures supplémentaires en espagnol ou en mathématiques. Plus tard, dans le cadre d’un échange scolaire, il arrive à Saint-Pétersbourg. En novembre 2013, toujours attiré par l’Est, pendant les élections législatives en Ukraine, il visite Kyiv pendant dix jours. L’opposant aux-candidats pro-russes dénonce des fraudes. Quelques semaines plus tard, une manifestation d’étudiants dégénère. La révolution de la place Maïdan prend de l’ampleur. Les régions se mobilisent également. 80% des manifestants viennent des régions. Paul Gogo rappelle qu’à Donetsk, capitale du Donbass, alors encore sous contrôle ukrainien, de grandes manifestations en faveur du Maïdan ont lieu.
Paul Gogo commence son livre avec le début de l’escalation de la guerre, « l’opération spéciale » de Poutine le 24 février 2022. A ce moment, il loge à l’hôtel Donbass Palace de Donetsk. Il souligne que le vrai début de la guerre, c’est 2014. Dans un autre chapitre, il racconte comment, le 26 mai 2014, il se trouve dans la seule auberge de jeunesse de Donetsk, le Red Cat Hostel, lorsque l’armée ukrainienne lance son offensive pour libérer l’aéroport de cette ville de l’emprise séparatiste, dirigée par la Russie.
Le jeune Paul Gogo a fait beaucoup de renontres instructifs dans les trains. Il a parlé a un membre des paramilitaires de Wagner ou, par exemple le 22 avril 2014, dans un train régional du Donbass, lui et quelques amis se font traiter de « Nazis » parce qu’ils parlent l’anglais. A Slaviansk, une ville sous contrôle des séparatistes, un chauffeur de taxi ne veut pas être vu avec des étrangers et les somme de déscendre dans la cour d’un immeuble. Avec ses reportages, Paul Gogo nous plonge dans l’atmosphère des lieux et des moments clefs.
En 2017, Paul Gogo devient correspondant à Moscou avec l’objectif de comprendre comment les Russes ont permis l’invasion de l’Ukraine.
Dans quelques pages analytiques, il explique que la partie « séparatiste » ou « pro-Russes » du Donbass a en commun la nostalgie de l’URSS et s’informe majoritairement via des canaux russes, estime que Vladimir Poutine est, par défaut, le dernier à en incarner les promesses de stabilité.
Paul Gogo explique, qu’avant la guerre, la région riche du Donbass ne reposait que sur des industries plus que vieillissantes: mines de charbon, cokeries, usine métallurgiques. Une grande partie a fermé, suscitant la pauvrété, le terreau idéal pour Poutine pour déstabiliser la zone en 2013-2014. La propagande du Kremlin a créé un ennemi commun: les « nazis ukrainiens ». En 2022, la Russie va jusqu’à présenter le conflit de 2022 comme une Troisième Guerre mondiale‚ dans laquelle les nazis seraient de retour et seraient désormais soutenus par ses alliés d’autrefois.
En 2014 dans le Donbass, les rumeurs les plus fantaisistes ont circulé: des cars de nationalistes en route pour Donetsk depuis Kyiv; des fascistes empoisonnant l’eau d’un quartier; des ultras du Shakthar, le club de foot ukrainien de la ville, à l’origine de fusillades; des fascistes venus de Kyiv pour assassiner les enfants de la région; construction de camps de concentration pour russophones, et celle d’un enfant crucifié sur la place de la mairie de Slaviansk par des «Banderites ukrainiens».
Quant au nationaliste Stepan Bandera (1909-1959), Paul Gogo écrit que, contrairement à ce que raconte la propagande russe, la tolérance nationale actuelle en Ukraine dont bénéficie Bandera ne s’explique pas par une attirance particulière des Ukrainiens pour le nazisme ou le négationnisme. Par nécessité‚ avec la menace russe‚ ou par ignorance, certains Ukrainiens en ont fait un symbole de la défense de l’intégrité culturelle ukrainienne face à l’envahisseur. Ils en ont minimisé la collaboration, «mal nécessaire» pour protéger le pays. La propagande du Kremlin utilise massivement ce discours pour affirmer que l’Ukraine est un «peuple à dénazifier».
Dans un autre chapitre, Paul Gogo note que l’extrême-droite du Secteur Droit (Pravy Sektor) a accueilli pendant la révolution de Maïdan des militants aux idéologies variées: droite chrétienne ultra-conservatrice, nationalistes, droite radicale‚ quelques néonazis. Selon Paul Gogo, les membres de ce qui était à l’origine une milice de protection des manifestants de Maïdan se distinguent des autres partis européens d’extrême droite par l’absence de haine des immigrés et des minorités ethniques dans leur programme. L’on notera leurs résultats ridicules aux élections, autour de 2 % des suffrages, lors des différents scrutins nationaux.
Le livre de Paul Gogo contient des reportages de Marioupol, Odessa, Lougansk, etc. ainsi que des chapitres au sujet de Navalny, Wagner, la paranoïa, l’âme russe et bien d’autres encore.
Vers la fin de son livre, Paul Gogo écrit que la Russie croule sous le poids de son histoire et les différents dirigeants de ce pays refusent de le voir. Cette grande histoire est certainement une composante essentielle de cette âme russe‚ qui érige notamment la souffrance et le sens du sacrifice pour la patrie en qualités ultimes. Elle s’avère particulièrement utile en ces temps de guerre, lorsqu’il s’agit de convoquer le caractère chevaleresque des Russes appelés à défendre leur pays. Paul Gogo écrit que vous pensez qu’on ne peut pas détruire l’âme d’une ville, puis vous voyez Marioupol. Vous pensez qu’on ne peut pas salir l’image des Russes, puis Boutcha a lieu. Et vous ne rencontrez plus que des gens retournés par la propagande qui vous expliquent le plus sérieusement du monde que ce crime de guerre est une infox.
Paul Gogo note que la religion est salie en Russie par l’ancien agent du KGB qui fait office de patriarche et qui passe ses journées à bénir des missiles ensuite envoyés sur des civils. L’Église orthodoxe russe est en grande partie financée par des nouveaux riches hypocrites qui blanchissent leurs crimes, maîtresses, excès et mépris avec leurs roubles.
Paul Gogo est amer lorsqu’il souligne que Moscou s’enrichit pendant que de magnifiques églises tombent en ruine partout dans le pays. Quant à l’exotisme des Russes, il note qu’il est en partie dû à leur pauvreté. Les vieilles maisons en bois mal isolées, les toilettes au fond du jardin n’ont rien de culturel. Mais les roubles du pétrole n’arrivent pas jusqu’aux Russes.
Pau Gogo écrit de la mort de son âme russe et de la mort de son rêve ukrainien. Il souligne que les Ukrainiens souffrent de la guerre, les Russes de leur gouvernement. L’un n’est pas plus ou moins douloureux que l’autre, les échelles sont différentes.
Tout à la fin, le journaliste note que beaucoup de Russes rencontrés en reportage pensent que le jour où la guerre se terminera, tout redeviendra comme avant, qu’ils pourront parler aux Ukrainiens et circuler dans leur pays de la même façon qu’avant. Mais un jour, le brouillard de la guerre s’estompera, le rideau de la propagande se lèvera et tout un pays tombera de haut. La chute sera violente.
Paul Gogo: Opération spéciale: Dix ans de guerre entre Russie et Ukraine, vus et vécus depuis le Donbass. Editions du Rocher, février 2024, 352 pages. Acceptez les cookies pour arriver directement à la page du livre chez Amazon.fr; nous recevons une commission: livre broché ou download en format Kindle chez Amazon.fr.
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Critique de livre de Opération spéciale: Dix ans de guerre entre Russie et Ukraine, vus et vécus depuis le Donbass du 12 mars 2024. Ajouté à 13:16 heure de Paris.