La Chine est un problème

Juin 01, 2011 at 00:00 567

La Chine n’a pas seulement de nombreux problèmes mais, avant tout, elle est un problème. Ce constat n’est pas nouveau.

Il y a de multiples signes symboliques tels que l’emprisonnement du Prix Nobel de la paix 2010, Liu Xiaobo, ou de l’artiste et activiste politique, Ai Weiwei en 2011. Ces emprisonnements sont évidemment contre-productifs pour le régime chinois car ils créent une publicité négative et augmentent considérablement la notoriété de ces personnes.

Pour chaque prisonnier politique bien connu, il y a des centaines de personnes inconnues qui finissent en prison ou qui disparaissent simplement sans que l’on sache ce qui leur est arrivé. Les motifs et accusations restent souvent incohérents, flous voire tout simplement inconnus.

La Chine n’est pas un Etat de droit. Les condamnations pour des motifs politiques sont innombrables, les cas de torture fréquents et la censure omniprésente. La majorité du peuple chinois ne semble pas encore se préoccuper de l’arbitraire des décisions de la politique, de la justice et de la police. Aussi longtemps que la croissance économique continue, la majorité reste (encore) docile.

Cependant, il ne faudrait pas sous-estimer les connaissances le potentiel critique des Chinois. Le blog de Ai Weiwei – écrit en chinois – a eu 17 millions de lecteurs de 2005 à 2009, jusqu’à sa fermeture par les autorités.

La paix économique en Chine est fragile. Un seul pourcent des plus riches possède soixante pourcents de la fortune du pays “communiste”. On compte plus d’une centaine de milliardaires en dollars. Ces inégalités sont choquantes. Les disparités entre les villes et la campagne et entre les régions riches et et les régions pauvres constituent un potentiel de conflits sociaux énorme.

Comme chaque pays qui se développe rapidement, la Chine connaîtra des crises économiques et bancaires ainsi que des bulles spéculatives. Depuis un moment déjà, on parle d’une bulle concernant les prix des logements et maisons dans les zones et villes qui prospèrent le plus.

Déjà maintenant, on temps de croissance et prospérité croissante pour la majorité des Chinois, les grèves se multiplient. En 2010, les grèves en Chine chez Honda et Foxconn faisaient le tour du monde. Les ouvriers chez Foxconn, qui produisent notamment le iPod du géant américain Apple, se sont vu offrir une hausse des salaires de 70%! Visiblement, en Chine “communiste”, les ouvriers se font exploiter de manière choquante, avec des heures de travail interminables et un manque de protection sur tous les plans, y compris la santé. C’est pourquoi des employeurs confrontés à des grèves peuvent soudainement offrir des augmentations de salaire faramineuses.

Le Parti communiste chinois, les employeurs chinois ainsi que les entreprises et les consommateurs du monde développé exploitent une bonne partie de la main d’oeuvre chinoise de manière contre-productive. Ces maigres salaires empêchent le développement durable de la Chine, car sans consommateurs chinois il n’y aura pas de croissance au-delà d’un certain point de développement. La stabilité politique, économique et sociale sera en danger.

Il est extrêmement difficile d’évaluer la valeur du produit national brut (PNB) de la Chine, car la valeur réelle du Yuan – non librement convertible – n’est pas connue. La vision générale est que la monnaie chinoise est sous-évaluée. Depuis des décennies, la croissance annuelle de la Chine se situe autour de 10%. C’est un succès économique sans égal dans l’histoire économique de l’humanité. Selon le Bureau national des statistiques de Chine, le PNB nominal per capita ne dépasse pas (encore) $400 par mois. Ce chiffre cache des inégalités énormes. Des centaines de millions de chinois vivent avec moins de $200 par mois. Selon le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères en 2010, sur les 1,3 milliards d’habitants, la Chine comptait quelques 150 millions de pauvres selon la norme de l’ONU, c’est-à-dire des personnes qui vivent avec moins d’un dollar par jour.

Mao Zedong avait totalement ruiné son pays. Deng Xiaoping par contre a libéralisé l’économie. La Chine “communiste” est sur la route du succès économique, mais le chemin est encore très long.

L’adhésion à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) le 11 décembre 2001 à changé beaucoup de choses. C’était peut-être le dernier moment pour le monde occidental(notamment les Etats-Unis et l’UE) de faire pression sur le régime communiste pour s’ouvrir non seulement économiquement, mais également politiquement. Aujourd’hui, la Chine est trop puissante et se moque du reste du monde. Il reste seulement à espérer que les dirigeants chinois eux-mêmes réalisent que la corruption endémique, le manque de sécurité juridique, les inégalités, le manque de droits des ouvriers et employés sont un obstacle à la croissance économique et au développement durable de la Chine.

La Chine reste un pays en voie de développement. Du fait de son poids démographique (1,3 milliards d’habitants), ce pays est déjà aujourd’hui un poids lourd du point de vue économique et écologique. La Chine domine déjà l’offre et la demande mondial dans de nombreux marchés. La production d’acier, d’aluminium, de cuivre et de nombreux autres matières premières dépend de la demande chinoise. Le pays est devenu incontournable. Les exportations se chiffrent en centaines de milliards de dollars, les réserves en devises et les avoirs de la dette américaine également; la Chine est le plus grand créancier des Etats-Unis. Les déséquilibres mondiaux grandissent. En plus, l’appétit de la Chine pour les matières premières la pousse à travailler avec les régimes les plus immondes, parmi lesquels la Libye, la Birmanie et la Corée du Nord.

Le Parti communiste chinois n’est pas un monolithe. Le manque de respect pour les droits de l’homme et les droits des travailleurs chinois n’est pas partagé par toute l’élite. Certains dirigeants ont compris que sans réformes une fin comme celle des régimes du monde musulman les attend. Les décisions incohérentes et illogiques du régime et de ses représentants ne sont pas toujours le fruit de l’incompétence et de la corruption, mais parfois un signe de luttes internes d’un régime moins monolithique qu’il ne paraît.

Tant qu’il y a de la vie en Chine, il y a de l’espoir.

Livres par Liu XiaoboLivres par Ai Weiwei

Article du 1er juin 2011. Ajouté dans nos pages dans le nouveau design le 19 octobre 2020.