Un populiste et un ennemi de la démocratie a besoin d’angles d’attaques. 64% du budget de l’Otan provient des Etats-Unis. Selon le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), de 2020 à 2024, 64% des armes achetés par les membres européens de l’OTAN proviennent des Etats-Unis. Depuis février 2022, 45% des armes et munitions livrés à l’Ukraine proviennent des Etats-Unis. De févrrier 2022 à aujourd’hui, les Etats-Unis ont livré 4,5 millions de munitions à l’Ukraine, l’UE n’a pas réussi à honorer la promesse de livrer 1 million de munitions et a promis d’augmenter la production à 2 millions de munitions en 2025.
Mais l’Ukraine se trouve en Europe et, depuis le président Obama, les Etats-Unis veulent plus se concentrer sur l’Asie (Pivot to Asia, stratégie de 2009-2017). Pour le président Trump, depuis des décennies, les Européens (et d’autres alliés et partenaires commerciaux) ont roulé les Américains dans la farine en matière de commerce et de dépenses militaires.
L’industrie militaire européenne est désunie. Un rapport de Mario Draghi, publié en septembre 2024, arrive à la conclusion que l’industrie de la défense européenne est trop chère car trop fragmentée. Il ne s’agit donc pas seulement de dépenser 2% du PIB comme l’OTAN le demande à ses membres depuis 2014, mais également de dépenser cet argent de manière intelligente, tenant compte de l’interopérabilité européenne. Jusqu’à présent, l’objectif semblait plus facile à atteindre avec des armes américaines qu’avec des armes européennes, car trop de pays européens produisent des systèmes d’armes et des munitions différents.
Le rapport de Mario Draghi souligne qu’entre la mi-2022 et la mi-2023, 63% des commandes européennes d’armes ont été passées aux Etats-Unis, auxquelles s’ajoutent 15% de commandes passées à d’autres pays extra-européens.
Les Français, et plus récemment le président Macron, ont fait pression à plusieurs reprises pour une défense européenne. De nombreux pays européens n’étaient pas enthousiastes à ce sujet, car derrière la «défense européenne» des Français se cachait surtout le souhait de vendre davantage d’armes et de munitions françaises. De plus, certains Français voulaient détacher les Européens des Américains, et les Européens de l’Est ainsi que l’Allemagne misaient sur le parapluie nucléaire américain.
Avec Donald Trump, les données ont changé. Le président américain est un danger pour la démocratie aux Etats-Unis et dans le monde.
En 1985, Trump dit au journaliste du magazine Manhattan, Inc., Ron Rosenbaum: «La plupart de ces pays [pré-nucléaires] sont d’une manière ou d’une autre dominés par les Etats-Unis ou l’Union soviétique. (…) Chacune de ces deux nations a le pouvoir de dominer toutes les autres. Nous devrions donc utiliser notre pouvoir de représailles, eux utiliseront le leur, et à nous deux nous empêcherons les problèmes d’arriver.»
L’Europe doit se réveiller. En 2022, les Allemands ont poussé l’initiative appelée European Sky Shield (ESSI), visant à protéger les cieux européens, qui prévoit des achats communs de systèmes de défense, y inclut la coordination logistique et de formation. Une quinzaine de membres européens de l’OTAN y ont immédiatement adhéré. A ce jour, plus de 20 pays ont rejoint l’initiative. Même le Conseil fédéral de la Suisse neutre, qui ne fait pas partie de l’OTAN, a approuvé la déclaration d’adhésion de la Confédération.
Avec la France, l’Italie et l’Espagne, trois pays importants sont restées à l’écart du European Sky Shield (ESSI). Les Français et les Italiens voulaient pousser la production de leurs SAMP/T, tandis que l’ESSI voulait se baser sur les Skyranger de l’Allemagne, les IRIS-T pour les courtes et moyennes portées, un programme européen piloté par l’Allemagne, ainsi que le Patriot américain pour les interceptions à longue portée et sur l’Arrow 3 israélien (une coproduction avec les États-Unis) pour la très longue portée.
Le président Macron avait insisté sur le « achetez européen », mais cet « européen » était avant tout français. Avec Trump et ses attaques contre les alliés de l’OTAN, les partenaires économiques, l’Ukraine et la démocratie en général, la situation a fondamentalement changé en 2025.
Le président des Etats-Unis, Donald Trump, a été influencé par deux hommes clefs: son père, le promoteur immobilier Fred Trump, et l’avocat de la pègre, qui lui ouvre la porte de Manhattan et des casinos, Roy Cohn. Du dernier, Donald Trump retient ce credo: «Attaquer toujours. Ne jamais s’excuser. Attaquer, attaquer, attaquer» (Always attack. Never apologize. Attack, attack, attack).
En tant que président des Etats-Unis, Donald Trump et ses acolytes comme Elon Musk, l’homme le plus riche du monde, qui possède non seulement Tesla et le réseau social X, mais aussi la société Starlink, importante pour le renseignement militaire et la communication en générale, sèment le doute sur l’aide à l’Ukraine, l’appartenance des Etats-Unis à l’OTAN ainsi que sur le bouclier nucléaire américain pour l’Europe.
Le département de l’Efficacité gouvernementale (DOGE), sous la direction d’Elon Musik, ne contribue pas à réduire le déficit de manière substantielle. Il y a 2,3 millions d’employés civils. S’il licencie un quart, donc près de 600 000 travailleurs, sans les remplacer, les Etats-Unis arriveraient seulement à économiser 1% des dépenses fédérales.
Le conservateur fiscal Jessica Riedl a calculé que, sur le déficit de 1800 milliards de dollars des Etats-Unis, Elon Musk affirme avoir déjà économisé 55 milliards de dollars. Elle ne trouve que 2 milliards de dollars. En outre, elle mentionne la résolution budgétaire qui a passé la Chambre des représentants des Etats-Unis en février 2025 et qui prévoit principalement des réductions d’impôts de 4500 milliards de dollars sur 10 ans. Elle note que, pendant son premier mandat, Trump a été responsable pour 8000 milliards de dollars de nouveaux emprunts rien qu’avec les lois qu’il a signées en quatre ans (surtout des baisses d’impôts).
Le 4 mars 2025, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a dévoilé un plan pour «réarmer l’Europe» qui permet de mobiliser quelques €800 milliards. Réunis pour un Conseil européen extraordinaire le 6 mars à Bruxelles, les dirigeants des 27 pays de l’Union européenne ont approuvé le plan de la Commission et ont promis de continuer à soutenir l’Ukraine.
Aux Etats-Unis, les procureurs et les juges, les politiques et les électeurs ont lamentablement échoué. Au lieu de se retrouver dans une cellule de prison ou dans un hôpital psychiatrique, Donald Trump se retrouve à la Maison Blanche.
Il soutient un agresseur (la Russie de Poutine) contre un allié (l’Ukraine). Il piétiné la Constitution américaine. Il essaie de gouverner avec des décrets partiellement illégaux. Il essaie de mettre fin à la séparation des pouvoirs. Il a déjà substantiellement affaibli les contre-pouvoirs. Il fait pression sur les médias sociaux, et les médias tout court. Les Etats-Unis sont encore une démocratie, mais Trump et ses acolytes scient ses piliers.
Donald Trump est là pour un maximum de quatre ans. Il ne faut pas claquer la porte maintenant. Sans les Etats-Unis, l’OTAN est un tigre de papier. -Les démocrates reviendront-ils à la Maison Blanche dans 4 ans? Ce n’est pas certain. Et de toute façon, eux veulent également que l’Europe contribue plus à la défense du monde libre. Donc laissons la porte ouverte pour collaboration militaire étroite avec les Etats-Unis. Le grand rival systémique des démocraties, c’est la Chine. L’économie chinoise est environ huit fois plus importante que celle de la Russie, et sa population environ dix fois plus.
Trump considère également la Chine comme le plus grand danger. Cela n’a donc aucun sens pour les Etats-Unis d’entamer une guerre économique avec l’Europe, le Canada, le Mexique et d’autres pays alliés ou amis. En 2018, les Etats-Unis sous président Trump (!) ont signé l’Accord de libre-échange entre les Etats-Unis, le Mexique et le Canada (USMCA). Mais avec Trump, la parole et le droit ne valent plus rien.
Trump a menacé les gens dans la bande de Gaza, le Groenland, le Canada et le Panama, tout en approuvant l’invasion de l’Ukraine par Poutine, qui a commis de nombreux crimes de guerre.
Avant même que les négociations n’aient lieu, Trump a assuré à Poutine que l’Ukraine ne ferait pas partie de l’OTAN, que l’Ukraine devrait céder des territoires à la Russie, que les Etats-Unis n’aideraient plus l’Ukraine sur le plan militaire et du renseignement, ou seulement de manière limitée.
Comme le dictateur Poutine, Trump n’aime pas la démocratie, l’Union européenne, l’OTAN et le président Selensky. Il aimerait régner en autocrate aux Etats-Unis et rester en fonction pour une durée illimitée, détruire l’UE et ne négocier bilatéralement qu’avec des Etats individuels vassalisés, et voir Zelensky remplacé par un vassal en tant que président de l’Ukraine. Poutine et Trump accusent l’Ukraine d’être responsable de la guerre. Ils blâment la victime, l’Ukraine (victim blaming ou Täter-Opfer-Umkehr).
Trump veut sortir la Russie de l’alliance avec la Chine, mais Poutine a besoin du grand frère pseudo-communiste pour des raisons idéologiques et économiques. Trump est l’idiot utile de Poutine, entretenu, soutenu et manipulé par le Kremlin et le KGB depuis des décennies.
Pour le moment, Vladimir Poutine et Xi Jinping se frottent les mains. Les Etats-Unis et les Européens s’affrontent dans une guerre commerciale. Le proto-autocrate Trump et les autocrates de Russie et de Chine veulent briser l’unité de l’UE, détruire l’UE et l’OTAN, et ils veulent imposer le droit du plus fort.
Est-ce que ça pourrait être encore mieux ? Oui. Des conditions de guerre civile aux Etats-Unis, où l’inflation et la dette publique crèvent le plafond à cause des droits de douane de Trump et de sa politique fiscale et financière, et où, en 2028, Trump, Vance, Musk, Bannon et d’autres ne veulent pas accepter la fin du mandat de Trump.
La Hongrie, la Slovaquie, la Roumanie et la Bulgarie sont des pays extrêmement corrompus contre lesquels l’UE ne prend pas de mesures, ce qui alimente le mécontentement de leurs populations respectives et les rend vulnérables aux idées extrêmes. Celles-ci gagnent également du terrain en Allemagne, en France, en Italie et ailleurs parce que, aux yeux de trop de gens, les gouvernements ne résolvent pas les problèmes.
Espérons que les Européens ont compris les signes du temps et qu’ils augmentent nettement la dissuasion vis-à-vis de Poutine avec des fonds pour l’armée, mais qu’ils n’oublient pas de faire des réfomes structurelles à long terme pour réduire les déficits et les dettes publiques. L’Europe n’a pas un problème de recettes, mais de dépenses, avec une quote-part de l’Etat de 53% en Allemagne, d’environ 56% en France.
En Allemagne, le paquet financier de la CDU/CSU et du SPD prévoit un assouplissement du frein à l’endettement pour augmenter les dépenses de défense ainsi qu’un fonds spécial de €500 milliards financé par la dette pour l’infrastructure. Comme beaucoup de pays en Europe, la fameuse Ampel a perdu trois ans pour produire des armements et des munitions.
Il serait dangereux de suivre la voie de l’endettement et des subventions. Une politique budgétaire saine et des réformes structurelles restent indispensables. Et pas seulement en Allemagne. Encore plus en France et en Italie, pour ne citer que deux pays où la dette publique est bien plus élevée.
Pour en revenir à Trump, s’il continue comme il l’a fait au cours des premières semaines, il pourrait ruiner les Etats-Unis par sa politique douanière et financière erratique et peu solide, et par ses actions contre les alliés, affaiblir énormément le monde libre dans sa lutte contre les dictatures de ce monde.
Donald Trump est corrompu et sans scrupules. Quelques jours avant de reprendre les affaires à la Maison Blance en janvier 2025, il lance son meme coin $Trump, un système de Ponzi. La crytomonnaie est produit à un milliard de jetons. Il s’agit d’un montage financier frauduleux qui attire les spéculateurs. Deux jours plus tard, son épouse lance le $Melania. Un président ne devrait pas faire cela…
A lire les critiques de livres et livres suivants:
Régis Genté: Notre homme à Washington: Trump dans la main des Russes, Grasset, octobre 2024, 224 pages. Commandez ce livre (acceptez les cookies – nous recevons une commission, prix identique) chez Amazon.fr. Lire la critique de livre.
Elsa Vidal: La Fascination russe. Politique française: 30 ans de complaisance vis-à-vis de la Russie. Robert Laffont, février 2024, 324 pages. Commandez ce livre (acceptez les cookies – nous recevons une commission, prix identique) chez Amazon.fr. Lire la critique le livre.
Une photo en dit plus que 1000 mots: Donald Trump vs. Lady Liberty. La photographie du carnaval allemand de 2017 montre un char de carnaval conçu par Jacques Tilly. Photo copyright © Jacques Tilly.
Article du 10 mars 2025. Ajouté à 14:42 heure de Paris. Derniers détails ajoutés à 15:21.