Dans Le Noir et le Brun. Une histoire illustrée du fascisme et du nazisme 1919-1946 (Amazon.fr), Jean-Christophe Buisson écrit que le fascisme est apparu au même moment que la IIIe Internationale, en mars 1919 (création à Milan des Faisceaux italiens de combat). Mais le fascisme n’a pas profité de la Deuxième guerre mondiale, dont il est l’initiateur, pour poursuivre son expansion – sauf les deux premières années, scandées par les triomphes éphémères de la Wehrmacht. Ebranlé par la chute du Duce en juillet 1943, il a fini en cendres à Tokyo et Berlin en 1945, broyé sous les bombes incendiaires anglo-saxonnes et les chenilles des chars de l’Armée rouge. Né de la guerre, tué par la guerre.
Selon Jean-Christophe Buisson, nulle part depuis 1945 ne s’est constitué un régime totalitaire identique à celui mis en place par Benito Mussolini après la marche sur Rome en octobre 1922. Pour notre auteur, le fascisme italien est un système politique qui se définit par un usage permanent de la violence physique ou psychologique, une économie dirigiste, l’absence de débat politique, l’instauration d’un parti unique, l’écrasement de tout corps social intermédiaire, un contrôle quasi absolu de la culture et de l’éducation, le musellement de l’opinion publique, un culte du chef divinisé, une radicalisation continue de son discours et de sa pratique du pouvoir etc. Le fascisme se distingue du communisme par le nationalisme, mâtiné de xénophobie et/ou de racisme, et par un militarisme revendiqué.
Toujours selon Buisson, le fascisme a aussi ceci de distinct du communisme qu’il est hybride et difficilement classable sur l’échiquier politique classique. Lorsqu’il apparaît, il mêle des hommes de droite et de gauche, des conservateurs et des révolutionnaires, des croyants et des anticléricaux, des pacifistes et des anciens soldats, des traditionalistes et des progressistes, des intellectuels et des anti-intellectuels, des ouvriers et des patrons, despossédants et des exploités. Selon les régions d’Italie où il se développe, ses partisansse font promoteurs de l’ordre face au « péril rouge » ou sont déterminés à renverserun système bourgeois et libéral jugé à bout de souffle. Ce sera le génie tactique et politique du fils de forgeron et ancien socialiste Benito Mussolini de fédérer sur son nom des opinions contraires afin de conquérir le pouvoir et entraîner les masses derrière lui. Dans l’exercice du pouvoir, ce sera autre chose. S’institutionnalisant, le fascisme s’embourgeoisera et se débarrassera dans un premier temps de ses éléments les plus radicaux pour épouser volontiers les valeurs traditionnellement portées par les droites. Puis, selon Buisson, en large partie sous l’influence de Hitler, il cédera à la tentation de l’impérialisme guerrier dans une fuite en avant qui l’entraînera dans l’abîme – et avec lui le monde.
Le Noir et le Brun. Une histoire illustrée du fascisme et du nazisme 1919-1946 (Amazon.fr) de Jean-Christophe Buisson est un livre-album qui se présente sous la forme d’une chronologie racontée, commentée et illustrée, rehaussée d’une vingtaine de portraits de figures phare du fascisme. La chronologie commence le 23 mars 1919 avec la fondation d’un nouveau mouvement politique, à l’initiative de l’ancien leader du Parti socialiste italien (PSI), Benito Mussolini, expulsé du PSI pour avoir réclamé l’entrée en guerre de son pays aux côtés des Alliés, et finit le 26 décembre 1946 avec la création du Mouvement social italien (MSI), d’inspiration mussolinienne, dirigé par Giorgia Almirante.
Selon Jean-Christophe Buisson, sa présentation chronologique permet de mieux saisir l’évolution et les soubresauts originels du mouvement fasciste, d’appréhender les méandres de son expansion vaine comme de son glissement vers une radicalisation fatale.
Jean-Christophe Buisson essaie de répondre à quelques interrogations essentielles. Entre autres: le fascisme a vu le jour en Italie: ne pouvait-il naître que là? Il a réussi à conquérir le pouvoir en trois ans malgré la faiblesse de ses effectifs et la fragilité de son organisation: quelle est la responsabilité de ses adversaires dans son triomphe? Furent-ils faibles, naïfs ou juste incapables de comprendre sa nature réelle? Le fascisme a rapidement fasciné le monde entier, jusqu’en Chine, en Égypte et au Chili: en quoi cet ultra-nationalisme était-il paradoxalement universaliste? Mussolini et Hitler furent tour à tour mutuellement méfiants, rivaux, complices, concurrents, frères de tragédie. Dans quelle mesure leurs idéologies respectives étaient-elles différentes?
Ce ne sont que quelques-unes des interrogations de Jean-Christophe Buisson qui n’a pas d’autre ambition que de restituer factuellement les événements historiques qui ont accompagné la naissance, le développement et la chute des fascismes dans le monde entier. Il écrit qu’un régime autoritaire contemporain ne fait pas de son chef un néo- ou un postfasciste, se réclamer de l’antifascisme ne fait pas de vous un antifasciste car le fascisme n’existe plus.
[Ajouté le 30.11.2022 à 13:19 Jean-Christophe Buisson mentionne une intervention publique de Churchill le 18 février 1933 lorsque «le chancelier de l’Échiquier» Winston Churchill évoque «le génie romain incarné par Mussolini»; à l’époque, Churchill n’était pas chancelier, c’était ses années de traversée du désert (Wilderness Years); par contre, par exemple en visite à Rome en 1927 – pas mentionné dans le livre -, Churchill était chancelier et disait beaucoup de bien de Mussolini].
Jean-Christophe Buisson: Le Noir et le Brun. Une histoire illustrée du fascisme et du nazisme 1919-1946. Perrin, Septembre 2022, 354 pages. Commandez ce livre chez Amazon.fr.
Jean-Christophe Buisson est directeur adjoint du Figaro Magazine et présentateur de « Historiquement show » sur la chaîne de télévision Histoire. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages chez Perrin.
A lire également: Frédéric Le Moal: Les hommes de Mussolini, Perrin, septembre 2022, 368 pages. Commandez ce livre chez Amazon.fr.
Pour faciliter la lecture, les citations et citations partielles dans cette critique de livre de Le Noir et le Brun. Une histoire illustrée du fascisme et du nazisme 1919-1946 ne se trouvent pas entre guillemets.
Critique de livre ajouté le 29 novembre 2022 à 13:24 heure de Paris.
