La Chine rêvée de François Boucher

Déc 15, 2019 at 17:38 1861

Jusqu’au 2 mars 2020, le musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Besançon montre l’exposition Une des provinces du rococo. La Chine rêvée de François Boucher (Amazon.fr). Le catalogue réunit des contributions de 20 auteurs au sujet du peintre français et son regard porté sur la Chine.

Chez François Boucher (1703-1770), bien que sa consommation d’objets asiatiques se poursuivra jusqu’à sa mort, les sujets chinois peints, dessinés ou gravés se placent presque tous entre 1735 et 1745, une période qui correspond à sa première maturité.

Le peintre, dessinateur et graveur collectionne des objets chinois et peint des sujets inspirés par la Chine qui se diffusent presque aussitôt dans les décors parisiens autant dans les recueils d’estampses et au travers des arts décoratifs, la porcelaine, le mobilier et plus encore la tapisserie.

L’exposition présente au public le processus de François Boucher qui a sut donner naissance à un répertoire exotique. Les 134 objets et œuvres exposés montrent le parcours de l’artiste. Il a sa première rencontre attestée avec une interprétation occidentale de l’art chinois lorsqu’on lui demande de graver une partie des compositions chinoises exécutées par Antoine Watteau à la Muette, près de Paris, dans le pavillon de chasse aménagé 15 ans plut tôt (vers 1710) dans le goût chinois par l’intendant des finances Joseph Jean Baptiste Fleuriau d’Armenonville.

Le contenu du catalogue

Le catalogue nous offrent des chapitres au sujet du goût de François Boucher pour l’Asie, du commerce des objets chinois et japonais à Paris dans la première moitié du 18e siècle, de la collection d’objets orientaux de François Boucher, de la questions de la caricature, de la Chine rêvée du romanesque galant et de l’érotisme libertin, du cas particulier des esquisses pour la Tenture chinoise dans l’œuvre de François Boucher, des chinoiseries pour la Chine, des dessins de chinoiseries de François Boucher, de la gravure et l’entreprise de chinoiseries, de l’écho des inventions chinoises de François Boucher dans les arts décoratifs ainsi qu’une bibliographie détaillée. La reproduction, description et explication des 134 objets exhibés sont émerveillantes et éclairantes.

La toile La Toilette de François Boucher

François Boucher était un magicien du rococo, subtil, drôle et plein d’esprit. La couverture du livre montre la peinture La Toilette, dit aussi Femme nouant sa jarretière de 1742 (52,5 cm x 66,5 cm) qui provient du Museo Nacional Thyssen-Bornemisza à Madrid. La toile a été commandé par le comte Carl Gustaf Tessin (1695-1770) et montre une femme aux cheveux foncés poudrés, aux sourcils noirs, au teint rosé, assise jambes écartées devant le feu de la cheminée. Nouant un ruban rose autour de son bas sur sa cuisse droite, elle se tourne vers une servante, vue de dos, le visage de profil selon un angle aigu, qui porte une robe à la française et tient à la main un bonnet un lin destiné à la femme assise. Entre les jambes écartées de la dame assise se trouve un chat, manifestement une allusion sexuelle.

L’historien de l’art Jamie Mulherron qui décrit le tableau dans le catalogue écrit que l’intrigue décrit par le peintre ne nous sera probablement jamais révélée. Mais il affirme que quelque chose se passe, en décrivant la scène plus en détail encore : la pelote de soie blanche aux pieds du chat, dont le fil se dévide depuis le sac de soie bleue accroché à l’écran de la cheminée, l’air doux mais assez redoutable de la femme assise, le bout de cuisse que l’on voit, la lettre et le bâton de cire sur la cheminée, la porte entrouverte, le rideau qui flotte au vent et le regard en biais de la figure peinte au pastel que l’on aperçoit derrière le paravant, la présence du thé que l’on vient d’apporter, le choix de bonnet…

François Boucher décrit les intérieurs dans les peintures La Toilette et Le Déjeuner (1739) avec une précision photographique. Le spécialiste décrivant les peintures note qu’on retrouve dans les deux toiles des objets, des accessoires et des personnages que le peintre connaît bien et qu’il réutilise en y introduisant de légers changements. Les mirroirs des trumeaux ne sont pas exactement indentiques, mais les appliques le sont, les cheminées en marbre sont légèrement différentes mais très semblables. La petite cape de velours rouge doublée de fourrure, qui apparaît dans Le Déjeuner sur les épaules de la femme aux sourcils noirs, est posées sur la chaise à pieds galbés tout à droite de la composition de La Toilette. Les deux femmes nous sont familières. Dans les peintures, le personnage secondaire est vu de dos, en profil perdu, et le personnage principal, vu de face, se distingue dans les deux toiles par la pointe de cheveux qui revient sur le front, ses sourcils noirs et ses joues roses.

Les objets dans ces deux peintures sont une représentation parfaite de la culture matérielle française du 18e siècle. La Toilette nous donne à voir miroirs, cheminée en marbre, chenets en bronze dorés, chandelier en argent moulé, clé de porte en fer, ferrure et serrure, chaises sculptées à pieds galbés, table à pieds tournés, robes en soie, souliers en soie et une profusion de rubans de soie. La fascination de François Boucher pour les objets s’étend aux ornements et aux objets de luxe venus d’Extrême-Orient ou inspirés par l’Extrême-Orient, notamment la Chine : Un vase chinois en céladon monté en bronze doré (qui réapparaît dans L’Odalisque brune du musée du Louvre) sur la cheminée, à côté d’un petit oiseau en porcelaine ou en céramique, sur la table d’appoint noir un service à thé chinois à décor dit de la famille rose composé d’une théière et de deux tasses et soucoupes, le miroir en laque rouge et la boîte à épingles sur la coiffeuse, bien que de forme française, sont soit orientaux, soit d’inspiration orientale. L’objet le plus remarquable est le paravent en laque rouge, d’une beauté exceptionnelle (il réapparaît avec des modifications mineures dans Femme sur son lit de repos), garni de panneaux de soie ou de papier à motif d’oiseaux sur des branches.

Dans La Toilette, François Boucher crée un contraste délibéré entre le monde de la soie chinoise avec ses couleurs primaires vives et la robe à la française à rayures crèmes et lilas (probablement de fabrication lyonnaise). Par sa touche, le peintre sait homogénéiser la scène. Il peint la flamme de la bougie, les bûches, le soufflet en bois, la grille, la pince à feu en fer et en laiton et les chenets rocaille en bronze d’oré avec le même brio que et le même souci du détail que les branches et les oiseaux sur le paravent en soie chinoise. Mais mieux encore, il peint les ornements occidentaux et orientaux à la mode et les objets domestiques avec le même amour que les doigts de pied de Vénus ou l’aile de Cupidon.

Selon Jamie Mulherron, François Boucher, en tant que peintre d’histoire, attaint la perfection au moins deux fois à cette époque avec la Vénus de Stockholm (1740) et la Diane du Louvre (1742). C’est alors qu’il va délaisser la peinture d’histoire et se prendre de fascination pour les objets. L’historien d’art conclut que cette réorientation, qui a pu être regrettée, fait notre joie car les objets nous offrent certains des passages les plus purs de la peinture de Boucher.

Commandez le catalogue

Ce ne sont que quelques extraits au sujet d’une seule peinture tirés d’un excellent livre qui est le fruit de la collaboration de 20 spécialistes et de musées de 7 pays. Commandez le catalogue de l’exposition au musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Besançon Une des provinces du rococo. La Chine rêvée de François Boucher chez Amazon.fr.

Le livre est paru chez l’éditeur in fine le 14 novembre 2019, relié, 304 pages. Ce beau livre contient des reproductions des 134 pièces en relation avec François Boucher exposées à Besançon ainsi que de nombreuses autres illustrations.

Cet article repose entièrement sur le livre Une des provinces du rococo. La Chine rêvée de François Boucher. Pour faciliter la lecture, les citations et citations partielles ne se trouvent pas entre guillemets.

L’exposition au musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Besançon se termine le 2 mars 2020.

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Article du 15 décembre 2019 ajouté à 17:38 heure de Paris. Dernière mise à jour le 16 décembre 2019 à 09:18 heure de Paris.