Les grandes heures de Lyon

Jan 04, 2021 at 17:52 1365

Lyon est la troisième commune de France derrière Paris et Marseille. Pourtant, son histoire reste relativement peu connue. Avec la réédition de son classique Les grandes heures de Lyon, Jean Étèvenaux nous livre sur 576 pages (avec annexes, notes, bibliographie, etc.) un récit passionant des moments importants de son existence.

Dans son introduction, Jean Étèvenaux mentionne Fernand Braudel (1902-1985), qui lui avait consacré plusieurs chapitres dans L’Identité de la France, parlait de « l’histoire importantissime de Lyon ». Cet italianisme particulièrement heureux pour une ville marquée par la Toscane et, plus généralement, la proximité avec la grande péninsule, Braudel le justifiait par au moins deux raisons : d’abord parce qu’« elle ne trouve son ordre et les conditions de son épanouissement que sur le plan international », ensuite parce qu’elle « est le contraire d’une ville dormante, elle est un pôle de croissance qui se heurtera finalement à la montée et à l’hostilité de la puissance parisienne ».

Jean Étèvenaux cite Jules Michelet (1798-1874) : « Cette ville appartient déjà au Nord. C’est un centre du Midi, qui n’est point méridional, et dont le Midi ne veut pas. » Le point de départ de notre auteur est le fait que Lyon a existé avant Lugdunum, donc avant les Romains.

Les débuts de Lyon

Dans son premier chapitre, Jean Étèvenaux nous parle donc de la première période attestée d’occupation humaine à Lyon qui remonte à quelque 12 000 ans, lors de l’épipaléolithique, encore qu’on ait découvert des éléments remontant au paléolithique moyen, soit au-delà de 40 000 av. J.-C.

Une nouvelle manière de vivre, autour de l’agriculture et de l’élevage arrivés du Moyen-Orient – l’Irak d’aujourd’hui – gagne la région lyonnaise 5 000 ans avant notre ère : l’époque où l’on ne pratiquait que la chasse et la cueillette est révolue et la sédentarisation commence.

Au néolithique moyen, vers 3 000 av. J.-C., une nouvelle culture arrive par la Saône, avec de véritables habitats cernés de palissades ou de murs, des échanges commerciaux et la pratique de l’inhumation, complétée par des rites d’incinération.

Sautons un peu plus en avant dans l’histoire de Lyon : à partir de la moitié du premier millénaire avant J.-C. y transitent toutes sortes de produits lointains tandis que s’organisent des cérémonies réunissant plusieurs milliers de personnes. Dans les deux cas, l’influence méditerranéenne sera manifeste, exprimant un comportement différent de ce que l’on trouve dans les civilisations plus nordiques. Avant la fondation de Lugdunum, la fonction de capitale au moins régionale aura déjà été exercée par ce qui est aujourd’hui Lyon ; les Romains n’arriveront pas sur une terre vierge : le monde celtique en place a déjà l’habitude des échanges économiques et des célébrations officielles religieuses et politiques.

A Lugdunum naît la nation gauloise

Lugdunum : l’équivalent de notre Clermont ? La racine indoeuropéenne lug désigne la lumière et dunum indique une éminence. Ainsi apparaît plus vraisemblablement le « mont de la clarté », Clermont.

César (100-44 av. J.-C.), le conquérant de la Gaule va se trouver du coup à l’origine de la fondation de Lugdunum. Ici se met en place une nouvelle société, gauloise dans ses origines et romaine dans son mode de vie. Ainsi naît la civilisation gallo-romaine. Elle se trouve moins en rupture avec ce qui la précédait qu’on ne l’a longtemps cru, puisqu’il y avait déjà des contacts entre les deux mondes et qu’il
suffisait de descendre le Rhône pour se retrouver dans la Provincia – qui deviendra notre Provence. Lugdunum acquiert très vite un statut de capitale. Elle le doit à Auguste. Le successeur de César a su se donner le visage d’un restaurateur de la tradition et, de ce fait, a moins fait peur que son père adoptif.

L’an 27 avant Jésus-Christ est important. D’abord, Octave est enfin revêtu de la plénitude du pouvoir religieux sous le nom d’Auguste : son culte se répand dans l’Empire, notamment à Lyon. Ensuite, il se déplace en Gaule. C’est vraisemblablement à ce moment qu’il décide d’en faire la capitale des trois provinces directement soumises à son autorité : la Belgique, comprise entre le Rhône, la Seine et le Rhin, la Celtique – qu’on appelle plutôt Lyonnaise – entre la Loire et la Seine, et l’Aquitaine, qui va jusqu’à l’Océan. Toutes trois aboutissent à Lugdunum, incroyablement excentrée pour chacune d’elles comme pour l’ensemble.

Jean Étèvenaux conclut que cette réunion marque le début de la transformation des diverses Gaules en une seule Gaule. Il est difficile de ne pas y voir la naissance d’une nation.

Lyon a une histoire riche et variée

La ville de Lyon sera celle de l’empereur Claude, plus tard la capitale du royaume burgonde. Charles Martel y passe en 736 lorsqu’il entreprend de soumettre la Bourgogne. La renaissance carolingienne n’est pas un vain mot à Lyon. Notre auteur souligne plus tard le rôle de l’archevêque Aurélien. Grâce à lui, Lyon tient sa place dans le royaume de Provence. Ensuite vient la fondation officielle du Saint Empire romain germanique auquel Lyon sera intégrée au siècle suivant. Mais la ville demeure à part : entre le bloc germano-romain et les domaines capétiens, elle subit une tutelle bourguigno-provençale
assez indéfinie. Le temps des invasions voit Sarrasins, Hongrois et Vikings passer par Lyon.

Dans sa préface du livre, l’ancien maire de Lyon, Gérard Collomb, résume que Jean Étèvenaux déroule le long passé de Lyon dès avant même l’arrivée des Romains. La ville a été solidement amarrée au royaume de France depuis le XIVème siècle, la vieille capitale des Gaules avait cultivé de lointains rapports avec le Saint Empire romain germanique mais entretenu une véritable proximité avec la Rome papale après avoir été chérie par Auguste et ses successeurs. Elle se montrait fière des liens anciens et répétés avec l’Angleterre tout comme de sa filiation fondatrice avec le christianisme proche-oriental. Avant de se raccrocher aux nouvelles routes de la soie du XXIème siècle, elle avait su se bâtir sur des échanges commerciaux magnifiés par ses foires puis par sa production textile et les multiples métiers qui en avaient découlé. Le tout s’était doublé d’une soif de découvertes et de connaissances illustrée, au XIXème siècle, aussi bien par le développement missionnaire que par la conquête de nouveaux marchés jusqu’au pays du Soleil levant.

Ce ne sont évidemment que quelques éléments d’un livre riche en détails, qui se termine au temps présent. Jean Étèvenaux considère Lyon une métropole nationale et européenne.

Jean Étèvenaux : Les grandes heures de Lyon. Perrin, nouvelle édition de juin 2019 (1992, 2005), 576 pages, broché. Commandez ce livre chez Amazon.fr.

Pour faciliter la lecture, les citations et citations partielles du livre présenté ne se trouvent pas entre guillemets.

Critique de livre ajouté le 4 janvier 2021 à 17:52 de Paris.