L’Hôtel

Juil 01, 2005 at 00:00 1723

L'hôtel à Paris dans lequel Oscar Wilde est mort

Paris est plein d’hôtels. Certains sont moins connus que d’autres, sans que l’on comprenne pourquoi. L’Hôtel – oui, le nom est tout court – est un exemple de ce type. Situé dans la rue des Beaux-Arts, au plein coeur de Saint-Germain-des-Prés, avec toute une série de galeries d’arts comme voisines. L’Hôtel est un bijoux d’une vingtaine de chambres et suites, chacune avec sa propre personnalité, décorée autour d’un thème bien spécifique.

La rue des Beaux-Arts vit le jour au début du 19 siècle à l’emplacement d’un grand parc de la famille de la Rochefoucault-Lancourt. Les fondements de L’Hôtel sont constitués par d’anciennes caves, dont une, avec une voûte en pierres d’origine, a été aménagée en petits thermes romains, avec une piscine intime, un hammam et une salle de repos, qui peuvent être réservés à des fins privées. L’Hôtel n’est pas un endroit fréquenté par des personnes qui cherchent de la publicité, mais par celles qui aiment se ressourcer dans un havre de paix, une intimité bien privée.

La maison qui abrite L’Hôtel fut construite en 1816, à l’emplacement d’un discret pavillon qui, selon la légende, abrita les amours secrètes de la reine Margot. Rehaussé de six étages, ce pavillon d’amour devint une luxueuse maison Directoire à vocation d’hôtellerie. Le minuscule jardin derrière Le Restaurant avec la fontaine extérieure du 18 siècle nous rappelle cette atmosphère intimiste.


Le Bar par Jacques Garcia. Photo © L’Hôtel, Paris.

Réarticulé autour d’une tour intérieure, attribué à Claude Nicolas Ledoux (1736-1806), dont les boiseries du Café militaire se trouvent au musée Carnavalet, ce palais parisien situé 13, rue des Beaux-Arts fut d’abord une modeste maison d’hôtes, puis l’Hôtel d’Allemagne, ensuite l’Hôtel d’Alsace, avant de devenir le luxueux boutique-hôtel d’aujourd’hui.

Propriétaires depuis 1999, le biologiste français Jean-Pierre Besnard et sa femme Elisabeth voulurent respecter l’âme du lieu, le côté intimiste et intemporel et firent donc appel à un spécialiste. Jacques Garcia, c’est de lui qu’il s’agit, à qui l’on doit le décor deLa Réserve près de Genève, du Costes à Paris et du Métropole Monte-Carlo, pour nommer que quelques unes de ces réussites, à rénové et décoré L’Hôtel.

Jacques Garcia a le don de créer des espaces publiques qui sont réellement appréciés par la clientèle des divers hôtels, ce qui se manifeste notamment par des lobbies et restaurants bien fréquentés. Ses chambres sont généralement inspirées par l’antiquité classique. Dans le cas de l’Hôtel, Jacques Garcia a créé une vingtaine d’ambiances différentes qui n’ont rien à voir avec le modeste hôtel garni de l’époque d’Oscar Wilde.

La réouverture de L’Hôtel eut lieu à l’occasion de la remise du prix littéraire Oscar Wilde. Son Altesse la princesse Maria-Pia de Savoie, présidente de l’Association des amis d’Oscar Wilde, remit le prix à Frédéric Mitterrand pour son livre Un jour dans le siècle(Ed. Robert Laffont). A cette occasion, Jacques Garcia a offert une visite guidée de l’hôtel, suivi d’un dîner au restaurant Le Bélier, dont le chef Raphaël Pell a été formé par Jean-Pierre Vigato, sous la houlette duquel il continue du reste d’oeuvrer. Le Bélier se trouve dans l’ancienne court intérieure, transformée en restaurant grâce à une verrière. Je testerai le restaurant plus tard, après avoir parlé avec Monsieur Vigato qui, lors de mon séjour, était en train de transférer son propre restaurant dans un autre local.

L’Hôtel offre non seulement des frescos peints à la main, des rideaux de taffetas, de la soie, des dessins de Jean Cocteau, mais une multitude d’antiquités dans une ambiance opulente, avec des colonnes néo-classiques, dorées à la main par l’artisan Alain Pouliquen, fameux par ses décors créés à la demande de l’Opéra de Paris.

Les deux tiers du mobilier appartenaient déjà à L’Hôtel, le reste a été ajouté par Besnard et Garcia en chinant les antiquaires et en arpentant les salles de ventes.


L’ambiance Art Déco de la chambre Mistinguett (1875-1956). Le lit avec miroirs et la coiffeuse en glace avec horloge sont signés Jean-Gabriel Domergue et ont été obtenu des héritiers de Mistinguett. Ils meublaient la chambre à coucher de sa maison de Bougival. L’ancienne chansonnière, actrice de cinéma muet et des music-halls a été longtemps la partenaire de Maurice Chevalier et la star des Folies-Bergère, du Casino de Paris, du Ba-Ta-Clan et du Moulin-Rouge, dont elle fut la directrice artistique de 1925 à 1929. Pour compléter le mobilier Art Déco, Jacques Garcia a chiné des appliques et coupelles Lalique dans les salles de vente. Photos © L’Hôtel, Paris.

L’ambiance Art Déco de la chambre 36 Mistinguett (1875-1956) est irrésistible. Le lit avec miroirs et la coiffeuse en glace avec horloge sont signés Jean-Gabriel Domergue et ont été obtenu des héritiers de Mistinguett. Ils meublaient la chambre à coucher de sa maison de Bougival. L’ancienne chansonnière, actrice de cinéma muet et des music-halls a été longtemps la partenaire de Maurice Chevalier et la star des Folies-Bergère, du Casino de Paris, du Ba-Ta-Clan et du Moulin-Rouge, dont elle fut la directrice artistique de 1925 à 1929. Pour compléter le mobilier Art Déco, Jacques Garcia a chiné des appliques et coupelles Lalique dans les salles de vente.

La chambre 24 Pondichéry en violet et or, avec des meubles indochinois, deux lits à une place surmontés de baldaquins, est la réplique en miniature d’une chambre d’invités du château de Champs de Bataille appartenant à Jacques Garcia.

Le gothique flamboyant de la chambre Viollet-le-Duc est un hommage à la mode néogothique qui avait cours au 19ème siècle. Il est accentué par le velours de Gênes pourpre tendue dans toute la pièce. Ce velours vieux de plus de trente ans et complété par un mobilier d’inspiration médiévale.

Le plus fameux hôte de L’Hôtel fut sans conteste Oscar Wilde, qui y est mort le 30 novembre 1900, en laissant une note impayée de la coquette somme de 2643,40 F et, sur ces lèvres, les fameuses paroles: « je meurs au-dessus de mes moyens ». La note comprenait notamment des frais de limonade, blanchisserie et pharmacien, payé par le propriétaire de l’Hôtel d’Alsace de l’époque, Jean Dupoirier.

Le poète et dandy né à Dublin, auteur notamment de romans tels que The Picture of Dorain Gray et An Ideal Husband, avait laissé ses années de gloire derrière lui lorsqu’il arriva à l’Hôtel d’Alsace.

En fait, condamné à deux années de prison pour des actes homosexuels, interdits dans l’Angleterre de 1895, il était un homme brisé et socialement fini lorsqu’il fut relâché le 19 mai 1897. Après le décès, suite à un cancer, de sa femme Constance, il lui fut accordé des annuités de £150, mais on lui interdisait de voire ses deux fils en Angleterre.

Désormais, à la place de fameux romans et poèmes, Oscar Wilde se contenta d’écrire des lettres priant ses amis de lui donner de l’argent. Son ancien amant, Bosie (Lord Alfred Douglas), qui vivait également à Paris, dans un appartement chic au 16ème arrondissement, ne lui accorda pas cette aide financière.

La chambre Oscar Wilde. Jacques Garcia s’est inspiré du Peacock Room du Metropolitain Museum de New York. Elle s’ouvre sur le toit en verre du patio. On y trouve un mobilier anglais authentique, une salle de bain aux boiseries acajou et une robinetterie anglaise, un bow window qui s’ouvre sur une terrasse nouvellement créée, des fac-similés de lettres et reproductions de photos de l’auteur, les originaux étant gardés dans un endroit sûr. Photos © L’Hôtel, Paris.

Oscar Wilde sombra dans l’alcool et souffrit d’une maladie que le médecin Maurice Tucker fut incapable d’identifier, mais il exclue la syphilis. Oscar Wilde vivait déjà à Paris dans l’Hôtel Marsollier, mais le manque de moyens le força à déménager d’un hôtel pourtant bon marché à un hôtel encore meilleur marché. Certaines sources affirment que ce fut le propriétaire de l’Hôtel d’Alsace, Jean Dupoirier, qui régla sa dette chez Marsollier et lui permit ainsi de s’installer à l’Hôtel d’Alsace en août 1899.

Le 10 octobre 1900, Oscar Wilde subit une opération à l’oreille, qui lui causait de la peine depuis ses jours en prison. L’opération, exécuté par le docteur Maurice Tucker, se fit dans sa chambre d’hôtel. Malheureusement, l’inflammation de l’oreille ne cessa pas. Au contraire, fin octobre, le docteur constata un abcès dans cette oreille. Une autre source mentionne la méningite comme cause de la mort. En tout cas, Oscar Wilde meurt le 30 novembre 1900, après s’être convertit au catholicisme.

Parmi les derniers mots qui lui sont attribués, en note également: « My wallpaper and I are fighting a duel to death. One or other of us has got to go. » Et bien, c’était le poète qui devait s’en aller. La dépouille d’Oscar Wilde fut transféré au cimetière de Bagneux, suivi de quatorze pleureurs, dont Bosie. En 1909, sa dépouille fut transférée au cimetière du Père Lachaise. En 1912, le monument de l’artiste américain Jacob Epstein fut érigé sur la tombe, montrant une figure nue et ailée. En 1961, des inconnus détruisent les testicules de la figure, qui, dorénavant et selon la rumeur, serviraient de presse-papiers au conservateur du cimetière.


Chic. Bedroom. Photos © L’Hôtel, Paris.

Pour la chambre Oscar Wilde – numéro 13 bien sûr – Jacques Garcia s’est inspiré du Peacock Room du Metropolitain Museum de New York. Elle s’ouvre sur le toit en verre du patio. On y trouve un mobilier anglais authentique, une salle de bain aux boiseries acajou et une robinetterie anglaise, un bow window qui s’ouvre sur une terrasse nouvellement créée, des fac-similés de lettres et reproductions de photos de l’auteur, les originaux étant gardés dans un endroit sûr.

Un autre écrivain, l’éminent argentin Jorge Luis Borges, fut un hôte régulier de l’hôtel pendant ses séjours à Paris de 1977 à 1984. Il adorait les alcôves de l’hôtel qui le conduisaient à la méditation et à l’écriture.

Avant de se dégrader lentement et avant la rénovation et le nouveau design par Jacques Garcia en 1999, L’Hôtel avait déjà accueilli beaucoup d’hôtes de marque comme Barbra Streisand, Mick Jagger, Jim Morrison, Sophia Loren et Marcello Mastroianni; Pierre Cardin fut un habitué dans les années 1970.

Pour son intimité et sa discrétion, L’Hôtel a déjà été apprécié depuis la réouverture par des stars tels que Susan Sonntag, Annie Leibovitz, Monica Bellucci, Sean Penn, Johnny Depp et bien d’autres, dont on peut admirer les photos dans le bar.

A deux pas de L’Hôtel se trouvent les cafés Les deux magots et Le Café de Flore, fréquentés par les existentialistes. Dans les rues voisines de l’hôtel vivaient des artistes tels que Eugène Delacroix et Rimbaud, plus tard Cocteau et Appollinaire. Picasso avait même son atelier dans la rue des Beaux-Arts. Bref, Saint-Germain-des-Prés est le quartier historique des artistes et des galeries, notamment de l’art primitif et africain. Juste en face de L’Hôtel se trouve d’ailleurs une dépendance de la réputée Galerie Mermoz. Pour les gourmands, Ladurée – chocolaterie, pâtisserie et salon de thé – n’est pas loin.

Paris vaut toujours une visite, qui sera d’autant plus agréable si on loge dans un décor plein de goût, de culture, d’histoire et de rêve.

Le propriétaire de L’Hôtel, Jean-Pierre Besnard, est biologiste de formation. Il a fait fortune avec des hôpitaux et a déjà été hôtelier dans les années 1980. En plus de L’Hôtel, ses activités incluent celle de viticulteur – il produit un coteau du Layon réputé, que je n’ai malheureusement jamais goûté. [ajouté le 18 juin 2008: L’Hôtel a changé de main].

Le Restaurant et L’Hôtel s trouvent à: 13, rue des Beaux-Arts, F-75006 Paris, France.


L’entrée de L’Hôtel. Nouvelles photos ajoutées sur cette page le 6 novembre 2013. Photos © L’Hôtel, Paris.


L’Appartement. Photos © L’Hôtel, Paris.


La terrasse de L’Appartement. Photos © L’Hôtel, Paris.


Bijoux. Photos © L’Hôtel, Paris.


Grand. Bathroom. Photos © L’Hôtel, Paris.


Le Restaurant ainsi que Le Bar et La Bibliothèque sont des pièces créées et aménagées par Jacques Garcia, établissant l’atmosphère relaxée, bien connu de ce décorateur d’hôtels de luxe. Le Restaurant est inspiré du style Empire. Photo © L’Hôtel, Paris. Photos © L’Hôtel, Paris.


L’Atrium néo-classique, avec un mirroir baroque, créé en 1968 par l’architecte américain Robin Westbrook. Photos © L’Hôtel, Paris.