Souvenirs d’une ambassade à Berlin

Sep 26, 2018 at 11:43 775

André François-Poncet : Souvenirs d'une ambassade à Berlin 1931-1938

Jean-Paul Bled a bien raison de re-publier, annoter et préfacer les Souvenirs d’une ambassade à Berlin 1931-1938 d’André François-Poncet dans la collection tempus (Editions Perrin ; commandez ce livre chez Amazon.fr). Originellement publié en 1946, ce livre nous montre l’Allemagne nazie dans la perspective d’un témoin attentif : l’ambassadeur français.

Ce fils de magistrat a fait des études brillantes, écrit une thèse sur Les Affinités électives de Goethe, pour ensuite commencer une carrière d’enseignant. Bléssé à Verdun, il n’est pas renvoyé au front. Après un passage à l’ambassade de France à Berne en Suisse, il devient directeur d’une publication destinée aux industriels français. Ses articles attirent sur lui l’attention du président du Conseil Raymond Poincaré qui le nomme en 1923 chef des services de renseignement économique en Allemagne. L’année suivante, il entre en politique, élu comme député de centre-droit dans la Seine et réélu en 1928. Il entre dans le dernier gouvernement Poincaré comme sous-secrétaire d’Etat, fonction qu’il occupe pendant à des postes différents dans six gouvernements sucessifs de 1928 à 1931, date à laquelle il est nommé ambassadeur à Berlin.

Le président du Conseil Pierre Laval choisit André François-Poncet malgé son handicap de ne posséder aucune expérience diplomatique. Il veut un expert économique qui l’aidera à briser le blocage entre la France et l’Allemagne à cause des questions des réparations et du réarmement. Le nouvel ambassadeur maîtrise parfaitement l’allemand et est un fin connaisseur de l’Allemagne.

L’historien, journaliste et écrivain américian William L. Shirer écrira plus tard que, de tous les ambassadeurs en poste à Berlin à l’époque du IIIe Reich, André François-Poncet était le mieux informé.

Les Souvenirs d’une ambassade à Berlin couvrent la période de septembre 1931 jusqu’en octobre 1938. Par la suite, André François-Poncet a occupé l’ambassade de Rome de 1938 à 1940 et celle de Bonn en 1955. Auteur de nombreux livres, il a été élu à l’Académie française en 1952.

André François-Poncet a vécu la fin de l’ère du chancelier Brüning. Il le décrit comme un homme intelligent, doux, honnête et modeste qui éveillait la confiance et la sympathie.

Quant à son successeur, Franz von Papen, l’ambassadeur souligne que sa nomination par le président Paul von Hindenburg a d’abord rencontré l’incrédulité car il présente la particularité que, ni ses amis, ni ses ennemis ne le prennent tout à fait au sérieux. Ce n’est pas, du reste, une personnalité de premier plan. Il appartient à l’aile la plus conservatrice du centre (Zentrum). La direction et la majorité de son parti se méfient de lui. Ils se sont toujours abstenus de le déléguer à la tribune, ou dans les commissions. On le dit superficiel, brouillon, faux, ambitieux, vaniteux, rusé, intrigant. André François-Poncet mentionne une qualité : l’aplomb, l’audace, une audace aimable et comme inconsciente. Franz von Papen est un homme bien élevé, de manières parfaites, très homme du monde et fortuné. Il parle couramment l’anglais et le français. Il réside souvent en Sarre et par sa femme, Sarroise d’origine, il est en relation avec les mileux français de Lorraine. Il se déclare francophile et partisan du rapprochement franco-allemand.

Franz von Papen ne serait qu’un amateur élégant, s’il n’était pas l’homme du maréchal Hindenburg. Le président de l’Allemagne est entouré par un petit groupe ; il se compose de son fils, le colonel Oscar von Hindenburg, épais de visage, brutal et peu éclairé, aussi massif que son père, mais sans la noblesse de l’allure de celui-ci – d’Otto Meissner, secrétaire du maréchal, rougeaud, congestionné, cambré et rebondi, toujours l’étroit dans ses vêtements, étrange personnage, à son aise sous tous les régimes, au courant de tous leurs secrets et qui a été le collaborateur du président socialiste Friedrich Ebert, avant de devenir celui de Hindenburg et, plus tard, celui d’Hitler -, du général Kurt von Schleicher, chef du bureau politique de la Reichswehr, accompagné souvent du général Kurt von Hammerstein, commandanot en chef de l’armée, bon géant placide aux yeux bleus – enfin, de Papen lui-même.

André François-Poncet nous décrypte le régime nazi et présente les personnages clefs de la fin de la République de Weimar et des premières années de l’ère Hitler avec un regard lucide. On y rencontre Ribbentrop, Schacht, Goebbels, Göring, Hitler, Mussolini et bien d’autres. Cet ouvrage, écrit par un témoin bien informé, nous aide à mieux comprendre une des périodes les sombres de l’histoire.

Vers la fin de l’ouvrage, on trouve le récit du dernier entretien de Jean François-Poncet avec le Führer dans son nid d’aigle. Tout à la fin, l’auteur ajoute huit pages de remarques sur Hitler, le possédé. Il répond à la question : Mais enfin, cet Hitler, quel homme était-ce ? Il faut lire le livre pour en savoir plus.

André François-Poncet : Souvenirs d’une ambassade à Berlin 1931-1938, collection tempus (Editions Perrin), 2018, 494 pages. Commandez ce livre chez Amazon.fr.

[Ajouté le 29.6.2022 à 21h30: André François-Poncet dit dans un entretien télévisé en allemand avec Günter Gaus dans l’émission « zur person » le 4 mars 1964 qu’il ne s’est pas distancé plus de Vichy parce qu’il n’était pas convaincu que la politique de Vichy était fausse].

André François-Poncet : Souvenirs d’une ambassade à Berlin 1931-1938, collection tempus (Editions Perrin), 2018, 494 pages. Commandez ce livre chez Amazon.fr.

Ce livre est la source pour cette critique de livre. Pour faciliter la lecture, les citations ne sont pas mises entre guillemets.

Article du 26 septembre 2018. Ajouté à 11:43 heure de Paris.