Splendeurs des Han

Fév 15, 2015 at 11:51 858

Splendeurs des Han, essor de l'Empire céleste. Le catalogue et l'exposition au Musée Guimet à Paris (encore jusqu'au 1er mars 2015).

Un séjour au Shangri-La hôtel Paris est toujours idéal pour visiter le Musée Guimet.

Vint-sept musées chinois ont prêté des objets pour l’exposition Splendeurs des Han, essor de l’Empire céleste au Musée Guimet à Paris. Ce geste extraordinaire a indirectement été rendu possible grâce à Charles de Gaulle. Il y a cinquante ans, il fut le premier homme d’Etat occidental a faire reconnaître la Chine populaire par son gouvernement. Les Communistes chinois ont la mémoire longue et ont donc bien tenu à célébrer ce geste important de l’établissement des relations diplomatiques entre ces deux pays par une manifestation de qualité.

Splendeurs des Han, essor de l’Empire céleste. Auteurs: Eric Lefebvre, Huei-Chung Tsao, etc. Le catalogue et l’exposition au Musée Guimet (encore jusqu’au 1er mars 2015). Flammarion, 2014, 256 pages. Richement illustré. Commandez le catalogue chez Amazon.fr.

Un des quatre conservateurs responsables, Eric Lefebvre, a bien pris deux heures pour m’expliquer la signification de cette exposition ainsi que des objets réunis.

L’exposition Splendeurs des Han est divisée en trois grandes parties. La première évoque les principaux acteurs de la consolidation du pouvoir à l’époque des Han : l’empereur, son entourage (noblesse et grand administrateurs) et l’armée. La deuxième partie est consacrée aux sources de la prospérité économique qui caractérise la période Han (206 av. J.-C. à 220 ap. J.-C.) : le développement de l’agriculture, la naissance de la Route de Soie, les relations avec les puissances voisines. La troisième partie aborde la civilisation chinoise à l’époque des Han : l’architecture, l’écriture, la pensée, le monde religieux ainsi que la vie quotidienne.

Les Han ont profité de l’unification et de la centralisation de l’empire avancée par leur prédécesseur, l’Empereur Qin Shi Huangdi, considéré le premier empereur de Chine. Il est devenu célèbre à l’Ouest notamment grâce à son armée de guerriers en terre cuite découverte dans sa tombe; ce n’est d’ailleurs qu’une infime partie des trésors qui s’y trouvent, pour la majeure partie toujours préservées sous terre dans l’attente de méthodes plus avancées de conservation. L’Empereur Qin a également unifié l’écriture, la monnaie, les poids et mesures et centralisé l’administration. Il se distingue cependant des Han par sa persécution des lettrés.

Les Han, qui viennent au pouvoir juste une poignée d’années plus tard, peuvent donc se baser sur des avancées notables. Il vont préserver ce système et même l’élargir. Ainsi ils apporteront à la chine plus de quatre siècles de stabilité et prospérité.

La première partie de l’exposition se base notamment sur le Yangling, la seule tombe d’un empereur Han fouillée jusqu’à aujourd’hui, et qui fut érigée pour Jingdi, qui régna de 157 à 141 av. J.-C. Parmi les vestiges retrouvés au Yangling, on note des figurines funéraires représentants des fonctionnaires, des femmes, des eunuques (sans parties génitales) et des animaux domestiques (chevaux, bœufs, moutons, chiens, coqs). Dans l’au-delà, l’Empereur Jingdi doit évidemment tout retrouver comme sur terre pour pouvoir continuer à vivre comme d’habitude. Le tombeau est donc construit à l’image du palais impérial.

Les figurines de terre cuite en forme de soldats trouvées dans la tombe portaient à l’origine des bras en bois et de vêtements en tissus, qui n’ont malheureusement pas résistés au temps. Eric Lefebvre m’a signalé que l’art des Han est plus stylisé que celui des Qin. Au premier abord, ces figurines qui semblent très réalistes, avaient même des visages individualisés. Mais si l’on regarde un peu plus prêt, on note que par exemple les bustes des figurines féminines agenouillées sont très grandes et les jambes des fantassins très petites par rapport à l’ensemble du corps. Il s’agit donc d’une véritable démarche artistique d’abstraction, de stylisation du corps humain et des animaux seulement 50 ans après le premier empereur. L’art des Han est plus expressif que celui des Qin.

L’Empereur Jingdi, tout comme Liu Bang, le fondateur de la dynastie des Han, s’est fortement appuyé sur l’armée pour installer son régime dans la durée. Aux côtés des grands généraux, on trouve également les membres les plus éminents de l’aristocratie de l’époque représentés dans l’exposition. Ce chapitre est illustré par la vaisselle de métal incrusté ainsi que les objets en matériaux précieux du Prince Liu Sheng et de la princesse Dou Wan.

Dans la deuxième partie de l’exposition Splendeurs des Han, dédiée aux sources de la prospérité de la dynastie, on découvre des modèles de bois découverts dans la province du Gansu.

L’économie des Han reposait largement sur l’agriculture. L’ordre moral était basé sur le confucianisme, sans que la religion occupe une place importante dans la société. Les Han étaient pragmatiques. Ils sont à l’origine de nombreuses inventions. Ils ont développé des techniques de fabrication de métal, du papier et de la soie. La commercialisation des produits agricoles est florissante. La Route de la Soie se développe. Les échanges commerciaux et culturels avec les peuples voisins sont documentés par l’archéologie. Eric Lefebvre m’a montré une boîte en argent qui provient de l’Iran dont le pied de bronze fut ajouté en Chine. Les boutons en forme d’animaux couchés sur la boîte sont aussi de production chinoise. Il y a également des fragments de textiles en laine qui montrent une influence helléniste; il s’agit donc de textiles importés de l’Ouest. La mondialisation ne date pas du 20ème siècle. L’adaptation de produits au goût d’un marché lointain ou spécifique non plus.

Parmi les objets les plus sophistiqués des Splendeurs des Han on note des boucles de ceintures en or, finement ciselés et serties de pierres précieuses. Une de ces boucles montre des dragons en relief, une autre deux bêtes sauvages, dont un ours selon Eric Lefebvre, qui mordent l’encolure d’un cheval. Ces boucles de ceinture auraient probablement été offertes par l’empereur à des fonctionnaires en postes dans les régions de frontière.

La troisième partie de l’exposition aborde divers thèmes associés à la civilisation chinoise de l’époque Han. Des modèles de terre cuite retrouvés dans des tombes montrent les édifices de l’époque. L’écriture est en plein essor, avec des textes qui parlent de philosophie, de médecine, etc. La vie culturelle et intellectuelle est riche. Des nouveaux supports pour l’écriture comme les textiles et le papier apparaissent à l’époque Han; auparavant, on écrivait sur des baguettes en bois, que l’on continue à utiliser sous les Han et dont des exemples sont présentés dans l’exposition. Un nouveau type de caractères lishu, ou écriture des scribes, se développe. C’est le moment où l’écriture devient calligraphie. Eric Lefebvre est conservateur de la collection des peintures chinoises au Musée Guimet. Il m’a donc bien expliqué l’épitaphe d’un personnage sur un estampage de la stèle de Cao Quan. Erigée en 185 de notre ère, il s’agit d’une des stèles les plus fameuses de la dynastie des Han, connue par toutes les personnes qui étudient la calligraphie chinoise.

Le monde religieux est représenté au travers des croyances funéraires. Les textes et le mobilier retrouvés témoignent des conceptions cosmologiques complexes qui se développent à l’époque Han. Le conservateur a attiré mon attention sur un brûle-parfum (boshanlu), utilisé avec divers résines odoriférantes. L’objet représente les îles et montagnes stylisées, séjour des immortels taoïstes dressées sur les eaux.

La vie quotidienne est représentée par des costumes et parures, les modes alimentaires, la musique et la danse, les jeux (dont un jeu à boire une boisson d’alcool doux, semblable à une bière), la vaisselle ainsi qu’un vêtement impressionnant en soie provenant de la tombe de Mawangdui dans la province de Hunan qui a survécu jusqu’à nos jours! Des miroirs en bronze, plus au moins réfléchissants, font également partie de l’exposition. Les Han les ont exporté dans toute l’Asie. Même des peignes en bois nous sont parvenus. Ils ont été conservés à Niya dans le désert du Taklamakan.

Les carillons de cloches en bronze étaient utilisés à des fins rituels. Lorsque je lui fait remarquer que j’en ai notamment vus  dans l’exposition au sujet de l’Empereur Qin Shi Huangdi, Eric Lefebvre m’a expliqué que de tels carillons ont déjà été utilisés en Chine 500 ans avant notre ère.

L’exposition Splendeurs des Han, essor de l’Empire céleste vaut bien un détour. Le catalogue est informatif et bien illustré.

Splendeurs des Han, essor de l’Empire céleste. Auteurs: Eric Lefebvre, Huei-Chung Tsao, etc. Le catalogue et l’exposition au Musée Guimet (encore jusqu’au 1er mars 2015). Flammarion, 2014, 256 pages. Richement illustré. Commandez le catalogue chez Amazon.fr.