Tigres de papier, cinq siècles de peinture en Corée

Fév 03, 2016 at 15:14 772

Catalogue et exposition de la peinture de la dynastie Choson (1392-1910) au musée Guimet à Paris

Dans le cadre de l’Année France-Corée 2015-2016, qui marque le 130e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la France et la Corée, le musée national des arts asiatiques – Guimet montre encore jusqu’au 22 février 2016 l’exposition Tigres de papier, cinq siècles de peinture en Corée.

Le catalogue et l’exposition retracent l’évolution de la peinture coréenne du début à la fin de la dynastie Choson (1392-1910), ce qui a été facilité par le fait que le musée Guimet possède une des plus importantes collections de peintures, paravents, céramiques, jarres et mobiliers de la Corée jamais rassemblées en Occident.

L’exposition Tigres de papier montre quelque 130 œuvres et permet en outre de reconsidérer les rapports et les liens qui existent entre le Japon, la Chine et la Corée sur fond de relations avec l’Occident pour mieux en comprendre les correspondances mais aussi les différences.

La peinture de la dynastie Choson se développe dans une Corée qui vit depuis l’unification Silla grâce à l’armée des Tsang au 7e siècle dans l’ombre de la Chine et sous sa protection mais fait preuve d’une vraie personnalité par son goût de l’épure et de la simplicité ainsi que de son attachement aux choses de la nature. La peinture Choson exprime, à travers son évolution, la variété des traditions qui co-existent en toute liberté. Elle se démarque de la Chine et du Japon.

Trois périodes de la dynastie Choson se détachent : un âge d’or (15e-16e siècles) ; un “siècle des lumières” (17e-18e siècles) ; une voie coréenne (19e-20 siècles).

La Corée Choson est fondée par Yi Song-gye (1335-1418) en réaction contre la période Koryo (932-1392), où domine le bouddhisme à l’ombre des Mongols établis à Pékin, la dynastie des Yuan (1260-1368). Il s’agit donc d’une réaction nationale voire “nationaliste”.

Le roi T’aejong (règne : 1400-1418) – fils du fondateur de la dynastie, le général Yi Song-gye – mène dès le début de la nouvelle dynastie Choson une vigoureuse politique pro-confucéenne et anti-bouddhique. Il est fameux pour la création de l’écriture alphabétique coréenne hangeul. Son fils, le roi Sejong (règne : 1418-1450), poursuit l’œuvre de son père, supprime la puissance économique des monastères bouddhiques et la concurrence qu’ils faisaient au pouvoir politique. Il est fameux pour la création de l’écriture alphabétique coréenne hangeul. Celui-ci marque l’identité propre de la Corée. La peinture est respectueuse de la Chine mais, en même temps, entend marquer sa différence et son identité.

L’âge d’or de la Corée Choson (15e-16e siècles) entend ériger un royaume idéal, un royaume lettré, dont témoigne les peintures de qualité exceptionnelle dont les thèmes varient entre paysage et genre animalier. Le paysage se réfère au style des Song du Sud avec la présence de montagnes aux formes vertigineuses, paysages fantomatiques qui émergent des brumes et expriment une vive sensibilité plus visuelle que la peinture chinoise. Le style animalier privilégie fleurs et insectes au réalisme très minutieux mais aussi poétique, un monde comme un jardin. Les peintures témoignent d’un univers très aristocratique et pourtant d’une grande simplicité avec un goût prononcé pour la nature, les détails de la vie la plus humble, dans une élégance de ligne et de trait. L’apogée de l’art de cette Corée Choson est l’œuvre de l’artiste An Kyon (vers 1440-1470), Voyage au pays des pêchers en fleurs, réalisée en 1447 à la demande du prince Anp’yong, lié à la famille royale (catalogue fig. 2).

La peinture coréenne à sa propre sensibilité et s’érige comme l’héritière de la tradition Ming lorsque celle-ci est balayée par la dynastie Qing (1644-1912) qui est d’origine étrangère (mandchoue).

Le siècle des lumières de la Corée (17e-18e siècles) fait suite à la guerre Imjin, marquée par les invasions japonaises de la Corée entre 1592 et 1598. Selon le catalogue, pendant cette période, la peinture en Corée exprime à travers le bambou ou la branche de prunier un monde silencieux et mystérieux, traumatisé par le choc de la guerre meurtrière avec le Japon.

La tradition confucéenne est un refuge pour les peintres qui utilisent les quatre plantes nobles ou encore les oiseaux dans leurs œuvres. Plus tard, le thème des monts de diamants inspire le peintre Chong Son (1676-1759), thème cher à la tradition coréenne avec une symbolique teintée de chamanisme, premier exemple de paysages coréens représentés d’après nature.

La dernière phase de la peinture Choson (19e-20e siècles) est caractérisée par la voie coréenne. C’est une période de transformation plein de bouillonnement et d’innovation. La Corée est confrontée à la modernité. En même temps, elle entend rester elle-même selon ses propres règles offrant une peinture qui exprime la juxtaposition de traditions et le maintien d’un royaume idéal confucéen, à l’écart des turbulences qui s’emparent de l’Asie du Nord-Est. Les paravents puisent dans un répertoire ancestral sur fond de thèmes favoris comme les dix symboles de longévité, le banquet chez Xiwangmu, la Déesse de l’Ouest, le soleil et la lune qui dominent les cinq pics.

La peinture coréenne est marquée par des animaux réels et imaginaires, notamment le tigre, le dragon et le phénix qui, lui, apparaît au 18e siècle comme l’un des motifs récurrents sur les porcelaines bleu et blanc. Comme le tigre, son origine est chinoise, sa transcription décidemment coréenne par sa fraîcheur et sa simplicité, son attitude élégante et son harmonie des couleurs. Traditionnellement, le phénix est est la monture qui sert de messager entre les sphères célestes et la terre.

L’imaginaire coréen est également marqué par le paysage merveilleux, le paysage rêvé, des scènes de campagne, le bouddhisme et le chamanisme.

La source pour cet article est le catalogue : Tigres de papier, cinq siècles de peinture en Corée. Sous la direction de Pierre Cambon. MNAAG, Editions Snoeck, octobre 2015, 281 pages, 215 illustrations en couleur. Commandez ce livre (broché) chez Amazon.fr. D’autres livres du Musée Guimet chez Amazon.fr.

D’autres expositions (passées) au musée Guimet : Angkor : Naissance d’un mythe – Louis Delaporte et le Cambodge et Splendeurs des Han.

La source pour cet article est le catalogue : Tigres de papier, cinq siècles de peinture en Corée. Sous la direction de Pierre Cambon. MNAAG, Editions Snoeck, octobre 2015, 281 pages, 215 illustrations en couleur. Commandez ce livre (broché) chez Amazon.fr. D’autres livres du Musée Guimet chez Amazon.fr.

Article du 3 février 2016. Ajouté à 15:14 CET. Dernière mise à jour de cette critique de livre à 15:36.