Une histoire mondiale du communisme

Mai 30, 2022 at 17:36 1766

En dix ans, Thierry Wolton a écrit Une histoire mondiale du communisme en trois tomes: I. Les bourreaux, 1456 pages (Amazon.fr); II. Les victimes, 1376 pages (Amazon.fr); III. Les complices, 1488 pages (Amazon.fr). Je n’a pas eu le temps de lire les trois livres monumentaux du début à la fin, mais j’ai fait des recherches par mots clefs de ces nouvelles éditions indexées, revues et actualisées, parues chez Tempus/Perrin à la fin de 2021.

Thierry Wolton écrit dans son avant-propos au premier tome que le fascisme italien s’est structuré autour du dogme de l’État, le nazisme a eu pour référence ultime la race, et le communisme a fait de l’appartenance de classe un absolu.

L’auteur voit la singularité du communisme dans sa durée et l’étendue de son champ d’action qui ont fini par faire de l’universalisme de son message une menace universelle, tant l’ascendant sur les esprits, dans les pays conquis comme au sein des partis qui l’ont porté, a été puissant, et cela à l’échelle planétaire.

Derrière d’apparentes variations nationales et malgré les divisions, parfois même les conflits entre pays ou écoles de pensée, Thierry Wolton voit une unité du système communiste de par son mode de fonctionnement, autant que par les résultats obtenus.

La promesse d’une société égalitaire, parfaite, n’est pas l’objet de ce livre. Il ne s’agit pas non plus de retracer le cheminement d’une illusion passée, mais de raconter le communisme en action, avec ses séquelles encore manifestes.

Selon Thierry Wolton, cette utopie a provoqué plus de dégâts humains en un siècle que toutes les doctrines auxquelles les individus ont cru depuis la nuit des temps. Des témoignages personnels, de pertinentes analyses, passées et récentes, faites par de remarquables spécialistes, hier et aujourd’hui, ont décortiqué, et continuent de le faire, la vérité du système. Hommage est rendu à cette littérature dans ce livre. Sur cette base, Thierry Wolton peut affirmer que les régimes communistes n’ont jamais été ces rébus enveloppés de mystère au sein d’une énigme, comme l’a dit Churchill à propos de la Russie soviétique.

Selon notre auteur, son histoire en trois tomes se distingue des ouvrages cités par la vision d’ensemble qui permet de saisir l’ampleur du phénomène communiste dans ses multiples dimensions, politique, sociale, humaine, voire spirituelle – et d’en mesurer l’universelle malignité. Il affirme qu’une telle approche n’avait jamais été entreprise jusqu’à présent. Je dirais que Le Livre noir du communisme: Crimes, terreur, répression de Stéphane Courtois, Nicolas Werth et d’autres auteurs, paru en 1997 chez Robert Laffont, allaient également dans la direction d’une présentation globale (édition du livre de 2000, également paru chez Robert Laffont, 923 pages: Amazon.fr).

Thierry Wolton affirme clairement dans le premier tome de son histoire monumentale qu’il n’y a jamais eu de révolution communiste, au sens de soulèvement populaire spontané. Selon lui, l’histoire s’est mise en marche sous l’impulsion d’intellectuels petits-bourgeois, d’idéologues prêts à tout, mais certainement pas grâce à l’œuvre des masses. La dictature du parti, exercée au nom du prolétariat, s’est partout imposée à la faveur de coups d’Etat, de luttes de libération nationale, de guerres patriotiques, d’invasions ou de guerres civiles sciemment provoquées, mais point par l’impérieuse volonté d’une classe ouvrière qui rêvait de briser ses chaînes.

Le premier contient un petit sous-chapitre au sujet du Holodomor, l’extermination des paysans ukrainiens par Staline (à lire à ce sujet ma critique de la version allemande du livre Roter Hunger d’Anne Applebaum). Dans ce contexte, Thierry Wolton mentionne également la marche forcée vers le socialisme du Kazakhstan à partir de 1929. Trois quarts de la population kazakh vivaient de l’élevage. L’agriculture est incapable de compenser cette économie ancestrale qui causera, selon notre auteur, la mort de 1,3 million de personnes.

La dictature du parti nécessite la guerre civile permanente. Et cela dès le début. Thierry Wolton cite  le décret du Sovnarkom du 5 septembre 1918: «Le Conseil des commissaires du peuple, après avoir écouté le rapport du président de la Tchéka panrusse, juge que, dans la situation présente, la sécurité à l’arrière par le moyen de la terreur est une nécessité absolue; que, pour renforcer et introduire un caractère plus systématique dans les activités de la Tchéka, il est essentiel que le plus grand nombre possible de camarades du parti soit envoyé travailler dans ce secteur ; qu’il est essentiel de protéger la République soviétique des ennemis de classe en les isolant dans des camps de concentration, que quiconque aura été impliqué dans les organisations, les conspirations, et les rébellions des gardes blancs doit être abattu; que les noms des personnes exécutées doivent être publiés ainsi que les motifs pour appliquer cette mesure.»

Thierry Wolton souligne que la terreur devient la politique officielle du pouvoir car ce décret place la Tchéka au cœur du dispositif répressif, il annonce un usage extensif des camps de concentration et il condamne par avance à mort quiconque sera jugé nuisible à la cause révolutionnaire.

Dans le tome 3 de son ouvrage, Thierry Wolton mentionne l’aveuglement d’une grande partie des consciences du monde face aux réalités du communisme et l’engouement que soulève le régime bolchevique, dès l’origine, fruit de l’identification à 1789. Pour Lénine, la Révolution française sert à la fois de modèle et d’étendard. L’auteur mentionne l’aveuglement volontaire dont ont été victimes les démocraties face aux enjeux du communisme. Thierry Wolton n’oublie non plus de mentionner que Moscou a besoin de commercer avec l’Occident capitaliste pour sauver son économie.

Thierry Wolton conclut son troisième tome avec les mots suivants: «Le nationalisme, domaine par excellence de l’exclusion de l’altérité, a fini par faire voler en éclats la supposée universalité de l’utopie, pour précipiter le monde communiste dans des conflits d’intérêts nationaux, travestis en querelles de chapelles. Annoncé comme l’avenir de l’humanité, le communisme, qui s’est prétendu bâtisseur de la modernité, est resté une doctrine essentiellement rétrograde, sortie tout droit du xixe siècle, pour devenir le salut de pays soucieux de rallier un progrès imposé par le xxe siècle, mais en les enfermant dans une forme de primitivisme collectif, porteur d’une barbarie d’un coût humain inimaginable.»

Ce ne sont évidemment que quelques éléments qui ne peuvent en rien résumer trois ouvrages qui remplissent plus de 4200 pages!

Thierry Wolton: COMMUNISME. Une histoire mondiale du communisme. Tempus/ Perrin, poche, novembre 2021, éditions indexées, revues et actualisées. I. Les bourreaux, 1456 pages (Amazon.fr); II. Les victimes, 1376 pages (Amazon.fr); III. Les complices, 1488 pages (Amazon.fr). La version originale est parue chez Grasset en 2015 (tomes 1 et 2) et en 2017 (tome 3).

Pour faciliter la lecture, les citations et citations partielles dans cette critique de livre(s) ne se trouvent pas entre guillemets.

Article ajouté le 30 mai 2022 à 17:36 heure de Paris. Correction à 19:17: « présentation globale ».