Une nouvelle grande coalition en Allemagne

Mar 04, 2018 at 18:11 448

Chez les membres du Parti social-démocrate d'Allemagne, la raison prend le dessus sur le cœur

Comme prédit par les sondages, les membres du Parti social-démocrate (SPD) approuvent une nouvelle grande coalition en Allemagne. La raison a pris le dessus sur le cœur.

Les 463 723 membres du SPD ont été appelés à se prononcer sur le traité de coalition négocié pour leur chefs avec les chrétiens-Démocrates (CDU) de la chancelière Merkel. 66% ou 239 604 sociaux-démocrates se sont exprimés en faveur d’une nouvelle grande coalition; seulement 34% ou 123 329 ont voté contre le traité de coalition. Avec 78,4%, le taux de participation a été élevé est donne une grande légitimité démocratique à la décision.

Cependant, il ne faut pas oublier que, chez les sociaux-démocrates, la raison a pris le dessus sur le cœur. Personne n’a oublié les jubilations le soir de l’élection parlementaire de 2017 lorsque le chef de la SPD (de l’époque), Martin Schulz, avait annoncé que le Parti social-démocrate d’Allemagne allait passer dans l’opposition malgré la possibilité numérique de former une nouvelle grande coalition avec la CDU.

Le SPD avait de bonnes raisons pour cette décision. Comme partenaire junior de Merkel, il avait perdu des millions d’électeurs dans les deux récentes grandes coalition. En 2017, CDU et SPD avait certes toujours une majorité absolue au Bundestag, mais celle-ci s’était réduite de 13.8% par rapport à 2013.

L’ironie veut que le SPD a largement laissé son empreinte sur la dernière grande coalition, mais l’électeur allemand ne la lui crédite pas. Le revenu minimal de Euro 8,50 a probablement été le projet le plus important des dernières années, mais les Allemands s’en foutent royalement.

A long terme, cette mesure est contreproductive pour l’emploi. Dans la ville de Munich, Euro 8,50 par heure est un salaire ridicule, tandis que dans les régions pauvres de l’Allemagne où les loyers, la nourriture et d’autres prix sont nettement plus bas, on peut survivre avec ce revenu. Par contre, à long terme, l’Allemagne risque à nouveau d’augmenter le chômage. A gauche, on discute déjà d’un revenu minimal de € 12,50! Le marché du travail doit être un marché dans lequel employeurs et salariés négocient librement les salaires, éventuellement aidés par des syndicats, par exemple branche par branche et/ région par région.. L’Etat ne peut pas unilatéralement intervenir et arbitrairement fixer un prix minimum.

Depuis longtemps, le SPD a cessé d’être le parti des travailleurs. C’est l’héritage des réformes avancées sous le chancelier social-démocrate Gerhard Schröder. Certaines de ses réformes étaient nécessaires, mais vu que le SPD crée le secteur des bas salaire le plus important de l’UE, c’est quelque chose que l’électeur de gauche ne pardonne pas au Parti social-démocrate. Des salaires de € 400.-, c’est une concurrence déloyale avec des emplois subventionnés par l’Etat qui ne sont ni équitables ni durables.

Après le résultat catastrophique dans l’élection parlementaire de 2017, le SPD a logiquement d’abord cherché à se renouveler dans l’opposition. Sous la direction d’Angela Merkel, le CDU a épousé de plus en plus des positions du centre-gauche et ainsi coupé l’herbe sous les pieds du SPD. De surcroit, les Verts chassent sur les mêmes terrains que le SPD. Et le SPD ne peut pas vraiment se diriger plus vers la gauche, car ce terrain est déjà occupé par le parti La Gauche (Die Linke). Et même le parti anti-immigration, nationaliste et populiste Alternative pour l’Allemagne (AfD), épousent également des positions sociales traditionnellement de gauche ; n’oublions pas que le Fascisme et le National-socialisme ont été nationalistes et socialistes, ce que la gauche aime bien oublier.

Ainsi, après 161 jours, la période la plus longue pour la formation d’une nouvelle coalition, le pays le plus important de l’UE a finalement réussi à former un nouveau gouvernement. Le détail un peu moins séduisant est le fait que, selon toute probabilité, cette nouvelle grande coalition sera probablement à nouveau caractérisé par l’immobilisme.

Article du 4 mars 2018. Ajouté à 18:11 heure de Berlin. Dernière mise à jour à 23.25.

Ajouté le 10 février 2020 :

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