Xanadu

Mai 17, 2016 at 00:00 666

Des albums du label de jazz

« Xanadu » : le Comeback! (Partie 1) 
Article du 17 mai 2017 par « Beethoven » Jean-Michel Reisser

Au milieu des années 70, le producteur Don Schlitten (1932), grand amateur du style « Be-Bop » et de musiciens un peu moins connus que Dizzy Gillespie ou Sonny Stitt ou JJ Johnson par exemple, décide de fonder enfin son label : « Xanadu ».

Kenny Drew : Home Is Where The Soul Is. Commandez ce CD chez Amazon.frAmazon.de et Amazon.com.

Al Cohn : Heavy Love. Commandez ce CD chez Amazon.fr, Amazon.com.

Jimmy Heath : Picture of Heath. Commandez ce CD chez Amazon.fr, Amazon.com et Amazon.de.

Frank Butler : The Stepper. Commandez ce CD chez Amazon.fr, Amazon.de et Amazon.com.

Joe Farrell, Chick Corea, Bob Magnussson, Lawrence Marable : Skate Board Park. Commandez ce CD chez Amazon.fr et Amazon.com.

Teddy Edwards: Feelin’S. Commandez ce CD / album chez Amazon.fr et Amazon.com.

Kenny Barron : at the piano. Commandez ce CD / album chez Amazon.fr et Amazon.com.

Kenny Barron sheet music.

Albert Heath : Kwanza (The First). Commandez ce CD / album chez Amazon.fr, Amazon.com et Amazon.de. Téléchargez cet album (MP3) chezAmazon.com et Amazon.de.

Don n’est pas le premier venu dans la production. Il fonda les labels « Signal » en 1955, puis indirectement, reprit, pendant quelque temps, le label « Savoy », fondé en 1942 par Herman Lubinsky. En effet, ce dernier changea de distributeur et se retrouva avec le même qu’avait Don. Dans les années 60, il se met à son propre compte et reprend « Prestige », co-fonde « Cobblestone », puis produit des albums pour les labels « Muse » et « Onyx ».

Depuis quelques mois, le producteur espagnol Jordi Soley et Zev Feldman, co-producteur du très connu label « Resonance Records » basé à Los Angeles, décident de s’unir afin de rééditer une partie du label en reprenant les masters, retravaillant le son de manière très méticuleuse tout en rajoutant, s’il y a du matériel intéressant, des inédits. Toutes ces rééditions paraissent sous le label « Elemental Music ». C’est un long travail d’orfèvre. 25 CDS seront proposés.

Ces rééditions sont plus que les bienvenues car « Xanadu », à l’époque, ressemblait un peu, dans sa conception, à un autre label californien, « Concord » ; c’est-à-dire que grâce à ces labels, on a pu découvrir ou redécouvrir beaucoup de musiciens oubliés ou inconnus de la plupart des amateurs, certains même n’ayant jamais réalisés d’albums sous leur nom, voire pas d’album du tout !

Pour chaque CD édité, il y a un livret intérieur de 16 pages. Les photos et les textes originaux y sont repris ainsi que de nouveaux textes afin d’apporter de nouveaux éléments à l’auditeur.

Bref, un très bon travail de passionnés.

Kenny Drew «Home Is Where The Soul Is »

Drew, piano, Leroy Vinnegar, basse, Frank Butler, batterie, 1978, No 906082

Une séance qui était la bienvenue à l’époque où Kenny Drew (1928-1993) était fort oublié aux USA. Ses albums pour le label danois « Steeplechase » sont formidables mais il n’enregistra quasi pas sous son nom pour des labels américains (mis à part Blue Note). Il est fort agréable également de réécouter un bassiste légendaire de la « West Coast », Leroy Vinnegar (1928-1999), beaucoup enregistré dans les années 50 et 60 et, par la suite, il ne le vit quasi plus sur disques. Cette époque marque aussi le grand retour d’un des tous grands batteurs, trop peu connu et reconnu, Frank Butler (1928-1984). Leroy et Frank accompagnent avec excellence Kenny, en grande forme ici, en maître de cérémonie. Quelques standards dont « Work Song » ou « Prelude To A Kiss » mais aussi des originaux signés par notre pianiste, « West of Eden », Ending » etc. Cette séance se termine par un inédit en piano solo, « Yesterdays ». Un très bel album qu’il faut réécouter plusieurs fois afin d’en déceler toutes les subtilités.

Charles McPherson « Beautiful »

McPherson, alto, Duke Jordan, piano, Sam Jones, basse, Leroy Williams, batterie, 1975, No 906083

Depuis quelques petites années, le magnifique altiste Charles McPherson (1939) obtient enfin, une certaine reconnaissance dans le monde du Jazz et c’est amplement mérité. Cet album est la suite logique de ceux qu’il grava pour Prestige et Don dans les années 60 et 70. Une très belle sonorité d’alto avec des phrases magnifiquement construites, sans artifices superficiels. C’est ici un de ses meilleurs albums. La rythmique y est bien évidemment pour quelque chose dans cette réussite. Duke Jordan (1922-2006), un autre grand mal-aimé dans son pays, tout comme Kenny Drew, vécut en Europe et particulièrement au Danemark dès le début des années 60 et y resta. Sam Jones (1924-1981) et Leroy Williams (1937)  n’ont pas souvent joué ensemble mais ils s’entendent à merveille et donnent, à cette séance, une brillance éclatante à tous ces beaux standards joués de mains de maîtres, tels que « But Beautiful », « Lover », « Body And Soul » etc. Un inédit est rajouté, « All God’s Children Got Rhythm », uniquement interprété par la section rythmique, sur un tempo médium, ce qui change des versions souvent rapide de ce thème. Si l’on est très attentif au répertoire proposé, on peut constater ce qui suit : il y a deux titres avec les mots proches « Wonderful » et « Beautiful », deux utilisant les mots « Love » et « Lover », deux composés par le tandem Johnny Burke – Jimmy Van Heusen, deux par Richard Rogers – Lorenz Hart et deux par Gus Kahn. Intéressant, n’en est-il pas ? Un album très attachant et « chaud ». Remarquable.

Kenny Barron « At The Piano », 1981, No 906076

A l’époque de sa parution, Kenny (1943) n’avait pas réalisé beaucoup d’albums sous son nom et ce dernier est bien son premier en solo. En réécoutant cette séance, on peut se rendre compte qu’il était déjà un des grands pianistes de son époque, jouant peut-être un peu plus « technique » que dans ses enregistrements actuels mais, en quelques notes, on le reconnaît sans le moindre doute. « Bud-Like » est une composition extraordinaire du Maître à un autre, Bud Powell. L’entrée en matière est spectaculaire. Et toute la séance est à l’avenant, ainsi que toutes les autres compositions de Kenny, telles que « Calypso » ou d’autres hommages à Duke ou Monk. Un inédit est rajouté, « Mazuri Blues », qui termine en grande pompe ce grand album.

Al Cohn & Jimmy Rowles « Heavy Love », 1977, No 906073

Ce duo est devenu légendaire pour les amateurs qui ont acheté le LP a l’époque. Al (1925-1988) et Jimmy (1918-1996) se connaissaient depuis le milieu des années 40 et étaient amis proches mais n’avaient jamais eu l’occasion d’enregistrer réellement étroitement ensemble. Ce fut enfin le cas ici. « Them There Eyes » démarre sous les chapeaux de roue avec des échanges de nos deux compères incroyables d’originalité. Puis Jimmy nous convie à une partie de piano « stride » à la Fats Waller assez époustouflante ! « I Hadn’t Anyone Till You » n’est pas un morceau facile à jouer mais nos deux compères se baladent avec brio sur ce thème peu joué aujourd’hui. « Bar Talk » est un blues composé sur le vif et nous remémore qu’Al et Jimmy sont de grands joueurs de cette forme de musique qui reste la base du Jazz. Un titre inédit est rajouté, « For All We Know », une remarquable balade, qui termine cet album flamboyant. Indispensable.

Al Cohn/Billy Mitchell/Dolo Coker/Leroy Vinnegar/Frank Butler « Night Flight To Dakar/Xanadu in Africa », Recorded live in Senegal, West Africa, 1980, double CD No 906075

Ces deux concerts ne furent pas très médiatisés dans la presse spécialisée de l’époque donc restent très méconnus. C’est l’occasion d’entendre un duo de grands ténors, Al Cohn et un autre, trop méconnu encore, le grand Billy Mitchell (1926-2001), ex Count Basie. Si on pouvait croire que Billy avait un style de ténor « plus musclé » que celui d’Al, et bien, on peut affirmer qu’Al est aussi « virile » que Billy. Nos deux hommes s’en donnent à cœur joie. Ce n’est pas une confrontation mais un réel dialogue entre les deux, donc pas d’esbroufe ni d’artifices gratuits, il s’agit d’une entente parfaite. Une fois de plus, la rythmique est superbe avec un autre pianiste trop oublié, Dolo Coker, qu’il faut absolument réécouter avec attention. Il est bien mis en avant, tout spécialement dans le très beau thème « Don’t Let The Sun Catch ». Le tadem Vinnegar/Butler reste absolument remarquable; comment ne pas « avoir le feu » quand vous avez ces deux grands qui vous poussent à donner le meilleur de vous-mêmes? Un des sommets est « Easy Living », Billy joue sa partie en balade, puis Al double le tempo. Une des belles versions enregistrées de ce thème à mon humble avis. Un inédit est rajouté, « The King », en hommage à Illinois Jacquet, que l’on surnommait « The Beast ».

Sam Most « From The Attic Of My Mind »

Sam Most, flute, Kenny Barron, piano, George Mraz, basse, Walter Bolden, batterie, Warren Smith, percussions, 1978, No 906074

Ce tout grand flutiste (mais aussi altiste, ténor) reste très méconnu du public (mais pas des musiciens car il fut des plus actifs toute sa vie dans de très nombreux domaines musicaux divers). Sa sonorité sur cet instrument fait qu’on le reconnaît immédiatement, grâce à ses rapides et impressionnants glissando en staccato qui nous laissent à chaque fois des plus pantois car ils ne sont jamais gratuits mais toujours des plus inspirés! En très grande forme, notre homme est flanqué d’une rythmique de classe et attentive à son discours et à ses compositions. Oui, en effet, Sam (1930-2013) signe tous les titres et arrangements de cet album. Tous ses originaux sonnent très mélodiques et si relaxe … Ce groupe, même s’il ne joua certainement qu’en studio que pour cette séance, sonne très soudé et décontracté à la fois; ceci étant dû à ce que j’évoque concernant les compositions de Sam. Ce remarquable album se termine par un Blues, « Out Of Sight, In Mind », nous prouvant que notre flûtiste était aussi un grand bluesman. George Mraz (1944) , signe un de ses meilleurs solos de basse jamais enregistrés dans cet idiome. Wowww! Warren Smith (1934) reste un batteur quasi inconnu malheureusement du public, il joua pourtant avec des musiciens aussi divers que Nat King Cole, Aretha Franklin, Gil Evans, Janis Joplin, Max Roach, Quincy Jones, Count Basie, Anthony Braxton ou Carmen McRae! Incroyable mais vrai! Il réalisa tout de même 7 albums sous son nom entre 1975 et 2009.

Un autre album à acquérir de suite sans hésiter!

Jimmy Heath « Picture of Heath »

Heath, tenor & soprano, Barry Harris, piano, Sam Jones, basse, Billy Higgins, batterie, 1975, No 906072

Quelques titres du label furent réédités en CD depuis 30 ans et ce dernier en fait partie. Jimmy est toujours en activité à … 90 ans ! Cet album est un de ses meilleurs, qui rivalise avec les autres grandes séances des années 60 sur Riverside. Il faut dire que Barry Harris (1929) est en toute grande forme et signe également une de ses meilleurs enregistrements. Et puis, que dire du tandem Sam Jones-Billy Higgins (1936-2001) ? Sinon qu’ils sont remarquables, comme à l’accoutumée d’ailleurs. Le seul standard de la séance est « Body And Soul », interprété d’une manière incroyable au soprano. Un grand moment. Tous les autres titres sont des originaux signés de Jimmy, dont certains devinrent des standards depuis plus de 60 ans et joués par beaucoup de ses confrères, tels que « For Minors Only », « CTA » etc. Evidemment, ce CD est indispensable!

Barry Harris « Plays Tadd Dameron »

Harris, piano, Gene Taylor, basse, Leroy Williams, batterie, 1975, No 906071

Cet album fut le premier réel hommage à la musique de Tadd Dameron enregistrée sur disque depuis sa disparition en 1965. Qui mieux que Barry pouvait les interpréter de manière adéquate? Le batteur Leroy Williams travaille avec Barry en permanence depuis 1969. On peut y entendre des réminiscences très proches de Billy Higgins, voire jusqu’aux « gémissements à la Higgins », très audibles tout au long de cet enregistrement. A découvrir avec intérêt, le bassiste Gene Taylor (1929-2001), connu pour ses appartenances aux fameux groupes d’Horace Silver et Duke Pearson entre autres mais dont on n’a jamais eu l’occasion de réellement l’entendre, ce qui est enfin le cas ici. Gros son, superbe drive, Gene s’inscrit dans la lignée des Ray Brown et Oscar Pettiford, ses bassistes préférés par ailleurs. Un trio évidemment d’une qualité rare, subtil, percutant, swinguant et attractif à souhait. Un des grands albums de Barry, un classique.

Bob Berg « New Birth »

Berg, tenor, Tom Harrell, trompette & flugelhorn, Cedar Walton, piano & electric piano, Mike Richmond, basse, Al Foster, batterie, Sam Figueroa, percussions, 1978, No 906085

Cet album est aussi devenu un classique, le premier sous le nom de Bob (1951-2002), également un des plus connus du label. Evidemment, il fait appel à son « boss » de l’époque, Cedar Walton (1934-2013), toujours aussi remarquable dont n’importe quel contexte dans lequel il se produit. Dans « Pauletta », il y joue le piano électrique d’une manière des plus subtiles. Le jeune Tom Harrell (1946) nous prouve qu’il est déjà un tout grand sur ces 2 instruments, très inspiré, gros son et véloce, tout en restant très lyrique. Les compositions sont celles de Bob, Al Foster (1943), Tom Harrell. Toutes ont une identité et un son propre. Ce qui fait la force de cet enregistrement est justement la variété des thèmes et arrangements composés pour l’occasion. Tous ces musiciens sont reconnus pour être des artistes dits « tout terrain », à multiples facettes et cet album nous le remémore très bien.  Malgré tout ce que je viens d’écrire, cette séance a une cohésion incroyable, un son unique. « Magic Carpet », un original de Tom, nous le rappelle. Mike Richmond (1948) soutient d’excellente manière tout le groupe. Un inédit est rajouté, « I’ll Let You Know », un superbe solo de piano du Maître Cedar. Un grand classique de la fin des années 70.

Joe Farrell « Skate Board Park »

Farrell, tenor, Chick Corea, piano & electic piano, Bob Magnusson, basse, Lawrence Marable, batterie, 1979, No 906078

Un autre album phare du label. Joe (1937-1986), un son de ténor à la fois virile, sensuel, épuré, mais aussi très soutenu dans ses phrases, est un musicien que l’on a oublié aujourd’hui. Pouvant s’exprimer dans un style très classique ou très avant-gardiste à la fois, cette séance est peut-être sa meilleure, la plus aboutie de toute. On sent en lui une folle énergie mais très contenue. Est-ce due à la présence, très étonnante d’ailleurs, de Chick Corea (1941), qui s’exprime ici dans un registre que l’on ne lui connaît pas, surtout à l’époque ? On peut faire un « blindfold test » et personne ne vous dira que c’est Chick au piano. Cet album reste aussi un des meilleurs du pianiste. Le bassiste Bob Magnusson (1947) est remarquable de présence, précision et d’inspiration, tout au long de cet album. Etonnant également la présence d’un autre légendaire batteur de la « West Coast » des années 40, 50 et 60, le fantastique Lawrence Marable s’écrit en fait Larance Marable (1929-2012), très prisé durant de longues années pour ses séances « post bop ». La grande réussite de cette séance est due à parts égales à ces quatre grands musiciens qui n’ont pas eu l’occasion de jouer très souvent ensemble; comme quoi parfois le fait de se connaître n’est pas forcément synonyme de réussite. Deux seuls standards sont interprétés, « Speak Low » et la superbe balade « You Go To My Head ». On entend que Joe et Chick sont de grands interprètes de ce style de morceau.

Encore un album indispensable de chez Xanadu!

Ronnie Cuber « Cuber Libre »

Cuber, baryton, Barry Harris, piano, Sam Jones, basse, Albert Heath, batterie, 1976, No 906079

Premier album sous son nom, malgré la participation à de très nombreuses séances de tous styles et tous formats fort différents, Ronnie (1941) a dû attendre avant d’être un peu reconnu.

Evidemment, lorsque vous lisez la formation et les titres qui y sont interprétés, vous êtes sûr que vous êtes sur la planète « Be-Bop » pur et dur, puisque le répertoire est « Star Eyes », « Tin Tin Deo », « Rifftide » de Coleman Hawkins, harmonies basées sur « Lady Be Good »,  ensuite rebaptisé plus tard, dans les années 50, par Thelonious Monk « Hackensack ». Ronnie, quel son, quelle présence, quelle personnalité.

Une originalité : le fameux thème « Samba De Orfeo », du légendaire Luiz Bonfa, mis à part l’intro et la coda, est pris en 4/4, ce qui est fort rare pour le souligner, joué « purement Jazz ».

Une mention toute particulière à Albert Heath (1935), remarquable et superbement enregistré ici. Quel batteur! Bref, vous m’avez compris, une des meilleures séances de Ronnie sous son nom.

Teddy Edwards « Feelin’s »

Edwards, tenor, Conte Candoli, trompette, Dolo Coker, piano, Ray Brown, basse, Frank Butler, batterie, Jerry Steinhol, percussions, 1974, No 906077

Un des albums les moins connus du très peu connu mais tout grand maître Teddy Edwards (1924-2003). C’était son retour sur disque, sa dernière séance datait de 1967, « It’s All Right », et produite déjà par Don pour le label Prestige. Un trop long silence. Pour se faire, il choisit ses partenaires et non des moindres. Evidemment, tout le monde est inspiré dans cette séance où tous les titres sont des originaux sauf « Georgia On My Mind », grand classique interprété de manière fort originale. « Eleven Twenty Three » est un morceau à consonance « Gospel », très ancré dans cette tradition et celle du Blues. Cet album n’est pas « un de plus » dans la carrière de Teddy. Il s’est assis, a bien réfléchi à tout, afin d’arriver à ce résultat. Il ne s’est jamais reposé sur ses lauriers et a toujours voulu enregistrer des musiques et titres non conventionnels. C’est peut-être pour ça, d’ailleurs, qu’en partie, il n’eut jamais la notoriété qu’il aurait dû. Une honte pour le Jazz de ne pas l’avoir reconnu de son vivant!

Pour certains, ils redécouvriront le fantastique Conte Candoli (1927-2001), un des grands maîtres de la trompette. On retrouve le magnifique Dolo Coker (1927-1983), qui enregistrera pas mal de séances pour le label un peu plus tard; Ray Brown (1926-2002), à propos, vous connaissez ? Mais c’est qui ??! (rires). Sa composition, interprétation et solo fameux nommée «Ritta Ditta Blues » est un des must de cette séance. Et puis, il y a aussi Frank Butler … Que voulez-vous que je vous dise de plus? Je passe sous silence le percussionniste Jerry Steinholtz (1937), qui n’apporte rien et dont on entend à peine sa présence que dans quelques parties de certains titres. Cet opus n’est pas une séance qui va réellement vous convaincre lors de la première écoute. Il vous faudra l’écouter plusieurs fois encore afin de l’apprécier totalement à sa juste valeur. Il se passe beaucoup de choses dans cet enregistrement. Teddy et ses acolytes ont frappé très fort!

Sonny Criss « Saturday Morning »

Criss, alto, Barry Harris, piano, Leroy Vinnegar, basse, Lenny McBrowne, batterie, 1975, No 906086

Sonny (1927-1977) fut un musician pour musician. De nombreux amateurs et journalistes parlent d’une grande influence de Charlie Parker sur lui, Certainement mais je peux affirmer qu’il y a beaucoup plus d’influences de Benny Carter, Johnny Hodges et d’Eddie «Cleanhead »Vinson. Ecoutez bien attentivement tous les titres interprétés dans cette séance et vous serez certainement d’accord avec mes conclusions. Cet album ne contient que des médiums ou des balades dont deux originaux signés par Sonny, deux Blues. Très lyrique, jouant de longues phrases inspirées, cet album reste dans la grande tradition de sa discographie. La section rythmique lui donne une très belle réplique avec un Leroy Vinnegar un grande forme et très en avant. On regrette cependant que Lenny McBrowne (1933) ne soit pas plus mis en avant, à part le titre inédit, en trio, « Confusion », car c’est un immense batteur quasi inconnu du public. « My Heart Stood Still » est un autre morceau en trio, tout aussi superbe. Un bien bel album.

Al Cohn/Dexter Gordon/Sam Noto/Blue Mitchell/Barry Harris/Louis Hayes/Sam Jones “True Blue/Silver Blue”, 1976, No 906080, double CD

Une sacrée équipe est réunie pour longue « jam session » ou « blowing session » mais un peu organisée, avec quelques petits arrangements signés par le légendaire Sam Noto (1930), certainement le musicien le moins connu en tant que soliste. Tous les amateurs connaissent son nom mais pas forcément réellement son style de trompette car il fut surtout connu pour sa participation dans de nombreux big bands dans lesquels il joua avec brio, tels que Stan Kenton, Count Basie, Louie Bellson, Rob McConnell Boss Brass etc. On peut converser avec lui sur Facebook.

On peut affirmer que tout le monde est en grande forme et très inspiré durant toute la séance. A aucun moment il y a des effets afin de « bluffer » son acolyte, ce qui est très rare pour le mentionner. Il est intéressant d’entendre les 2 ténors et les 2 trompettes côte-à-côte. Al et Dexter (1923-1990) se complètent à merveille. Le plus surprenant provient des deux trompettes qui sont, par moments, assez proches stylistiquement l’un de l’autre. C’est l’occasion de réécouter le grand Blue Mitchell (1930-1979). Quand à la rythmique, on y retrouve à nouveau Barry Harris, Sam Jones mais ici, c’est le fantastique Louis Hayes (1937), un des grands trop sous-estimés à la batterie. Ce trio fut celui du grand altiste Cannonball Adderley au début des années 60, pour ceux qui l’auraient oublié. Ils se connaissent donc très bien et ont travaillé ensemble à de nombreuses reprises, ce qui joue un rôle important dans ces séances de 1976 car on sent une grande cohésion entre les trois, pouvant donner pleinement le punch, le swing et l’inspiration nécessaires aux souffleurs. Une superbe séance dans la plus pure tradition des années 50. En général, les titres avec de longs minutages peuvent devenir vite ennuyeux, racoleurs et plus que « longuet ». Ici, c’est bien le contraire qui se produit, on en redemande encore plus!

Frank Butler « The Stepper »

Butler, batterie, Jack Montrose, ténor, Dolo Coker, piano, Monty Budwig, basse, 1977, No 906084

Un des plus grands batteurs de l’après deuxième guerre mondiale qui, malheureusement, pour des raisons diverses mais qui n’eurent rien avoir avec la musique, privèrent Frank Butler (1928-1984) et nous aussi auditeurs et fans, de devenir une star de cette instrument et du Jazz. Don Schlitten répara cette grande injustice « in extremis » en organisant sa première date sous son nom. Dès les toutes premières mesures de ce CD, on le sait, on le sent et surtout, on l’entend : on écoute une fabuleuse séance. « The Stepper », composé par le superbe Dolo Coker, met en valeur notre batteur. Je ne me mouillerai pas beaucoup en vous avouant qu’il s’agit ici d’un des plus solos de batterie de tous les temps. En général, au bout de quelques minutes, sur disque, on se lasse des solos de batterie, aussi brillants qu’ils soient. Ici, nous sommes dans un tout autre monde ! Frank nous propose un solo tout aussi passionnant que celui d’un grand pianiste, souffleur ou guitariste. C’est bien simple, on en oublie qu’il joue de la batterie ! C’est absolument FABULEUX , HALLUCINANT !!! 17 minutes de discours inoubliable de percussion !!! Je rappelle qu’un jour, le grand Jo Jones déclara : « Frank Butler est le plus grand batteur de la planète ! » « Au Privave » est interprété par le trio. On y redécouvre aussi une autre figure légendaire de la West Coast, le grand bassiste Monte Budwig (1929-1992), qui est renversant de punch et de swing dans cette séance. Wowww ! Dolo Coker « swings his ass off », c’est-à-dire, en français, met le feu aux poudres ! «Captain Kidd », toujours un original de Dolo, met en valeur le formidable Jack Montrose (1928-2006), un autre géant de la West Coast, trop méconnu et qui nous revient ici, après plus de 20 ans de silence discographique. Jack habita Las Vegas depuis la fin des années 60 jusqu’à son décès, il y joua tous les soirs dans des clubs, salles de concerts mais, curieusement, n’enregistra jamais. Sa version de « Easy Living » reste une des meilleures enregistrée. Quel ténor, à la fois viril, sensuel, véloce mais sans jamais « surjouer » les notes, flanqué d’un lyrisme surprenant! Un grand musicien à redécouvrir. Et, pour terminer, un autre titre de Dolo, « Urbane », avec son côté latin, met à nouveau en scène Frank, toujours aussi renversant d’inspiration, subtilité, d’ingéniosité et d’à-propos. Sans aucun date, un des meilleurs albums de Xanadu et du producteur Don Schlitten. Chef-d’œuvre!

Albert Heath « Kwanza (The First) »

Heath, batterie, Jimmy Heath, tenor, soprano, flute, Percy Heath, basse, Curtis Fuller, trombone, Kenny Barron (Kenny Barron sheet music), piano & electic piano, Ted Dunbar, guitare, 1973, No 906070

Voici le deuxième album sous le nom d’Albert Heath (1935) (le premier s’appelle « Kawaida » et fut enregistré en 1969 sur le label « O’Be Records »). Toutes les compositions sont signées de sa plume, chose des plus rares chez les batteurs. Dès les premières mesures, on sait que cela ne sera pas une séance traditionnelle « Be Bop ». « Tafadhali » se veut dans la mouvance des années 70, c’est-à-dire Gospel et Rhythm and Blues, voire funky. Kenny Barron joue remarquablement du piano électrique dans ce thème fort excitant. Ted Dunbar (1937-1998) prend également un solo des plus groovy. « A Notion », presque une balade, met en valeur la remarquable agilité à la flûte de Jimmy, assez peu entendu sur cet instrument mais des plus convaincants. Kenny, toujours au piano électrique, est d’une sensibilité renversante. « Dr. Jeh », un tempo bien enlevé, met en valeur Albert, qui ne prend toujours pas de solo mais reste très présent, tout en finesse, de la manière des plus soutenues. Jimmy est au soprano, est toujours aussi inspiré. Curtis Fuller (1934) nous donne une grande leçon de trombone tout au long de cette séance, avec un son des plus chauds, des solos et envolées que seul lui sait faire. Un grand maître de cet instrument. « Dunia » met en valeur notre leader, faisant preuve de diversités musicales étonnantes de la batterie, basée sur de nombreux rythmes africains.

« Oops » met en valeur le grand Percy Heath (1923-2005), superbement bien pris, avec un son boisé et profond de sa basse. A mon oreille, un de ses meilleurs albums jamais réalisés et ce à tous points de vues. Il s’agit du trio basse-batterie-flûte, c’est-à-dire les trois frères uniquement. Par ailleurs, il faut souligner qu’il s’agit du premier album réunissant les trois frères ensemble dans une séance d’enregistrement. Deux ans plus tard, ils fondèrent le groupe « The Heath Brothers ». « Sub-Set » ressemble aux diverses ambiances et sons d’Horace Silver. Ted Dunbar est remarquable, Jimmy des plus virils, ainsi que Curtis. Un inédit est rajouté, d’une autre séance de 1981, un solo de piano de Kenny Barron, « Wazuri Blues », termine cet album indispensable du grand batteur pas assez reconnu d’Albert dit « Tootie » Heath.

Une suite concernant le label « Xanadu » paraîtra encore cette année.