L’exposition Art de Ðông Sơn au Musée Barbier-Mueller à Genève

Nov 01, 2021 at 13:15 2391

Pour la première fois, le Musée Barbier-Mueller à Genève présente son ensemble d’art de Ðông Sơn dans son intégralité. Il s’agit de la collection la plus importante connue hors des collections nationales vietnamiennes. Elle se compose d’objets en bronze de prestige ou sacrés, d’instruments de combat et de parures d’une culture qui tire son nom du village ancien de Dông Son qui borde le fleuve Ma, près de la ville de Thanh Hoa, dans le nord du Vietnam actuel, où de nombreux vestiges archéologiques ont été mis à jour.

S’épanouissant entre le IVe siècle avant notre ère et le IVe siècle de notre ère sur des territoires assez étendus, la culture de Ðông Sơn est à l’origine d’un art et d’un style qui lui sont propres tout en étant très souvent imprégnés des traditions de la Chine du Sud voisine. Des pièces de Ðông Sơn ou ressemblant à celles de Ðông Sơn ont été retrouvées en Asie du Sud-Est continentale et insulaire, notamment en Thaïlande, au Cambodge et en Indonésie, résultat des échanges commerciaux et techniques qui s’accomplissent dans cette aire géographique et qui suggèrent l’existence dans ces régions de «traditions de Ðông Sơn».

L’exposition Art de Dông Son. Asie du Sud-Est au Musée Barbier-Mueller dure du 29 septembre 2021 au 28 février 2022. Dans le catalogue, le Dr Van Viet Nguyen (directeur du Center for Southeast Asian Prehistory, Hanoï) explique que, jusqu’à la découverte en 1924 de tombes anciennes contenant des objects en bronze, les chercheurs du monde entier considérait la région du Vietnam du Nord, dans ses débuts historiques, seulement comme une zone tampon entre les deux grandes civilisations antiques, celles de la chine et de l’Inde.

C’est à la suite des fouilles de Louis Pajot dans le cimetière du village ancien de Ðông Sơn que quelques académiciens, des fonctionnaires et des hommes d’affaires français se mirent à collectionner et à étudier les bronzes locaux de cette période. Dans un esprit de recensement des connaissances, un chercheur français d’origine russe, V Goloubew, mena un travail important d’analyses réunissant les premières découvertes et connaissances d’une civilisation du bronze originale portant le nom de civilisation de Ðông Sơn (Victor Goloubew: «L’âge du bronze au Tonkin et dans le Nord-Annam» in Bulletin de l’Ecole française d’Extrême-Orient, XXIX, Hanoï, 1929, pp. 1-46).

Van Viet Nguyen écrit que les conceptions récentes de la culture de Ðông Sơn reposent sur la naissance et le développement des bronzes qui nous sont familiers (tambours, situles, vases, poignards, haches, lances, boucles de ceinture, bracelets, entre autres) essentiellement au IIIe siècle avant notre ère en supposant que la culture de Ðông Sơn a débuté au IVe siècle avant notre ère. Récemment, on a pu confirmer que les ateliers de fonte de tambours de Ðông Sơn à Luy Lau (Ha Noi) ont existé en même temps que les céramiques du début de la période des Six Dynasties (Luc Trieu), au IVe siècle de notre ère.

La culture de Ðông Sơn s’étend sur une période d’instabilité politique et militaire en Chine à l’époque des Royaumes combattants et de l’Etat de Qin. L’éclatement des Etats des régions des fleuves Truong Giang (Ba Thuc, Ngo, Viet, So) provoque la fuite de l’aristocratie de ces pays vers le sud, qui s’accompagne d’une vague de déplacement des reliques de Ðông Sơn, comparable à l’éclatement de l’aristocratie d’Au Lac pendant la période allant du IIe siècle avant notre ère au Ier siècle de notre ère. Au début, la région de Thanh Hoa et celle de Nghe An sont concernées. Le mouvement s’élargit ensuite, touchant le centre du Laos. L’apparition de cimetières avec des tambours de Ðông Sơn au sud de l’Asie du Sud-Est continentale, à Binh Dinh, Dac Lak (Vietnam), Beatme, Prohear (Cambodge) et en quelques endroits dispersés en Thaïlande, Malaisie et Indonésie, témogine de la propagation de la culture de Ðông Sơn dans ces régions.

Van Viet Nguyen note que la culture de Ðông Sơn est liée à la naissance et à l’existence du royaume d’Au Lac. Dans les années 180 avant notre ère, Au Lac a été annexé par le royaume de Nam Viet. Ce fait n’a pas apporté de changement dans la culture de Ðông Sơn. La fonte de Ðông Sơn existe toujours même après que la région est devenue un arrondissement de la Chine, au moins jusqu’au IVe siècle de notre ère.

Les fouilles les plus récentes ont permis en outre de mettre à jours les traces ténues d’objets de bois, de bois laqué et même de textiles. Mais ces sont les objets métalliques, et particulièrement les objets de bronze, qui retinrent l’attention des chercheurs en raison du caractère singulier et typique de certaines d’entre elles. Van Viet Nguyen souligne que le tambour et la situle de Ðông Sơn sont les œuvres d’art les plus représentatives de cette civilisation.

Pierre Baptiste, conservateur général au Musée Guimet à Paris écrit que les progrès de l’archéologie chinoise permettent une meilleure connaissance de l’art du bronze des Shang et Han (XIVe siècle avant notre ère – IIe siècle de notre ère). Ainsi, on réalise plus clairement ce qui distingue les bronzes de Ðông Sơn de ceux de la Chine ancienne. Mieux encore, on peut rapprocher, de manière convaincante, bien des aspects de la culture de Ðông Sơn des traditions encore visibles aus sein de certains peuples de l’Asie du Sud-Est continentale (les Muong, notamment) et insulaire (les Dayak et les Kayan de Bornéo, entre autres).

Les relations entre la Chine ancienne et la culture de Ðông Sơn sont envisagées, de part et d’autre de la frontière sino-vietnamienne, à travers le prisme de nationalisme, parfois au détriment de toute objectivité, écrit Pierre Baptiste, citant notamment la controverse au sujet de l’origine d’un tambour de l’exposition Splendeurs des Han, essor de l’Empire céleste au Musée Guimet à Paris.

L’exposition Art de Dông Son. Asie du Sud-Est au Musée Barbier-Mueller permet encore jusqu’au 28 février 2022 de découvrir une civilisation très peu connue.

Le catalogue, édité par Laurence Mattet, Joelle Nardin: Art de Dông Son. Asie du Sud-Est. In fine éditions, octobre 2021, 145 pages richement illustrées, 21 x 27,4 cm. Commandez le catalogue chez Amazon.fr.

Les textes et notices du Dr Van Viet Nguyen (directeur du Center for Southeast Asian Prehistory, Hanoï) proposent une lecture contextuelle et une description stylistique des objets exposés tandis que la contribution de Pierre Baptiste (conservateur général au musée Guimet, Paris) offre une étude des rapports que la culture de Ðông Sơn a entretenus avec la Chine.

Musée Barbier-Mueller, rue Jean Calvin 10, CH-1204, Genève.

Pour faciliter la lecture, les citations et citations partielles du livre au sujet de l’art Dong Son présenté ne se trouvent pas entre guillemets.

Critique de l’exposition / du catalogue Art de Ðông Sơn au Musée Barbier-Mueller, Genève, ajouté le 1 novembre 2021 à 13:15 heure de Genève.