Du 20 avril au 21 juillet 2024, le musée de Grenoble profite de la fermeture du Centre Pompidou et présente l’exposition Miró. Un braiser de signes. La Collection du Centre Pompidou. Les visiteurs peuvent y découvrir cent trente œuvres réalisées entre 1922 et 1978 par le peintre, graveur, sculpteur et céramiste catalan Joan Miró (1893-1983), provenant avant tout des collections du Musée national d’art moderne – Centre Pompidou (90 travaux), complétées par des œuvres du musée de Grenoble et de la Fondation Miró à Barcelone.
Le catalogue homonyme, paru sous la direction de Sophie Bernard et Aurélie Verdier: Miró. Un braiser de signes. La Collection du Centre Pompidou. In fine éditions d’art, 2024, 320 pages, 22.8 x 2.7 x 28.8 cm. Commandez le catalogue (acceptez les cookies – nous recevons une commission) chez Amazon.fr.
Sous le commissariat conjoint de Sophie Bernard, conservatrice en chef des collections d’art moderne et contemporain du musée de Grenoble, et d’Aurélie Verdier, conservatrice en chef au service des collections modernes du Musée national d’art moderne, l’exposition éclaire notamment la dernière décennie de Joan Miró, installé dans son atelier de Palma de Majorque, ainsi que les clefs de lecture de son œuvre: l’enfance, la poésie, le rêve et la pulsion sexuelle. La dimension spirituelle de ses travaux est primordiale pour l’artiste, qui s’engage politiquement, auprès des républicains notamment, souligne le Directeur du musée de Grenoble Sébastien Gökalp.
Le Président du Centre Pompidou Laurent Le Bon et le Directeur du Musée national d’art moderne – Centre de création industrielle Xavier Rey notent dans le catalogue que, pendant sa dernière décennie, l’art de Joan Miró était animé d’un esprit panthéiste qui conjugue expérimentations formelles et gestualités libres et donne corps à un langage pénétré de mythes, ce que le poète et biographe de l’artiste Jacques Dupin nomma «un brasier de signes».
Selon Sébastien Gökalp, Joan Miró a ouvert de nombreux champs de l’art, du «détaillisme» et du surréalisme de ses débuts à une peinture libérée de tout code formel. Son univers flirte souvent avec celui de ceux qu’on a convoqués pour élargir l’histoire de l’art: les enfants, les naïfs, les fous, les artisans, les créateurs extra-européens. Toujours selon Sébastien Gökalp, son œuvre est immédiatement accessible, et en même temps hermétique, par sa sauvagerie et son affranchissement des normes.
Au début de sa carrière, l’artiste affirmait comme un défi vouloir «assassiner la peinture». Pourtant, ce médium était sa raison d’être: «Il était si véritablement peintre qu’il lui suffisait de déposer trois taches de couleur sur la toile pour qu’elle existe et devienne un tableau», disait Alberto Giacometti (articles au sujet du Suisse en allemand et anglais) à propos de son ami, note le Directeur du musée de Grenoble.
Ce n’est qu’à la fin de sa carrère que Joan Miró s’est réellement affranchi des codes, formats, techniques de la peinture dite «de chevalet». Selon Sébastien Gökalp, le contraste est grand avec ce petit monsieur discret, tiré à quatre épingles, souvent affublé d’un nœud papillon, à la biographie sans aspérité.
Sophie Bernard et Aurélie Verdier écrivent dans le catalogue que l’éminent marchand d’art et fils du peintre Henri Matisse, Pierre Matisse, admirait l’aventure dangereuse dans laquelle Miró s’était jeté tout entier. Dans un texte intitulé «Un brasier de signes», son ami et biographe le poète Jacques Dupin pointait le «signe nu, signe plein, signe échancré et mouvant sur la paroi de nos cavernes métaphysiques», soulignant ainsi la profondeur de sa quête poétique. Joan Miró rêvait à l’union de son imaginaire avec le Grand Tout cosmique, il aspirait à une fusion entre l’infiniment grand et l’infiniment petit. Sophie Bernard et Aurélie Verdier soulignent qu’à Paris, dans les années 1920, au contact de Georges Bataille et de Michel Leiris, la pensée du Catalan se teinte de mysticisme, d’un certain nihilisme et d’une vision cruelle du désir et d’éros.
Joan Miró croit en un univers animé par des forces secrètes, originelles et invisibles qui nourit l’esprit vitaliste de sa création, régie par une violence fondamentale que traduit notamment sa relation passionnée et alchimique aux matériaux. Il créé une peinture onirique et stellaire où se mêlent étrangement le réel et le rêve, le Mirómonde, selon la formule de Jacques Dupin.
Les deux directrices de l’exposition à Grenoble notent que Joan Miró Miró a décrit sa traversée du 20e siècle en termes de «chocs» et de «coups». Il est un anticonformiste et iconoclaste qui aime la liberté, refuse la permanence, et est animé par l’esprit de transgression. Travailleur acharné et solitaire, il associe la création à la recherche constante de ruptures, à l’exploration continue de chemins périlleux. Il est profondément marqué par l’esthétique anti-idéaliste de Georges Bataille, et sa radicalité s’accompagne d’un certain lyrisme.
Selon Sophie Bernard et Aurélie Verdier, l’exposition et le catalogue explorent la quête existentielle et l’intranquillité joyeuse de l’artiste, sa puissance d’invention et de métamorphose, la quête de l’«enfant intérieur» ou le babil mironien comme source de révolution plastique, le langage d’éros, ou l’amour comme splendide sujet de révolte, la force subversive de l’imaginaire érotique permettant à Miró d’exprimer son mépris des conventions. En 1936, Joan Miró confie à l’écrivain, historien et critique d’art français Georges Duthuit: «Notre génération manque d’héroïsme et d’un esprit profondément révolutionnaire».
Ces dernières œuvres sont marquées par l’embrasement physique et mental. Ils constituent l’un des volets les plus bruts et les plus expérimentaux de son art, témoignant d’une impétuosité et d’une insolence jamais taries.
Ce livre richement illustré contient notamment six essais par sept spécialistes au sujet de l’enfance révolutionnaire (hiver 1923), du surréalisme, du langage d’Eros, du rêve, de l’anti-peinture, de l’Espagne franquiste et bien d’autres sujets encore, le catalogue des œuvres exposées (groupées en six sections chronologiques dans le catalogue; au musée de Grenoble, l’exposition se déploie en 18 salles) avec des explications des œuvres ainsi qu’une biographie ou chronologie détaillée sur une vingtaine de pages, richement illustrée avec des photos montrant Joan Miró et écrite par Sophie Bernard.
Le catalogue, sous la direction de Sophie Bernard et Aurélie Verdier: Miró. Un braiser de signes. La Collection du Centre Pompidou. In fine éditions d’art, 2024, 320 pages, 22.8 x 2.7 x 28.8 cm. Commandez le catalogue (acceptez les cookies – nous recevons une commission) chez Amazon.fr.
Egalement à lire au sujet de Miró
– en allemand: Neue Horizonte;
– en français: Miró Documents : Peinture – Poésie; Les couleurs de la poésie.
Pour faciliter la lecture, les citations et citations partielles dans cette critique de l’exposition Miró. Un braiser de signes. La Collection du Centre Pompidou ne se trouvent pas entre guillemets.
Critique d’exposition et de catalogue d’exposition Miró. Un braiser de signes ajouté le 3 juin 2024 à 20:59 heure de Paris. Derniers détails ajoutés le 4 juin 2024 à 06:20.