La Chine et Hong Kong

Juil 04, 2022 at 22:38 1415

Après la première guerre de l’opium (1839-42), Hong Kong devient une colonie britannique (traité de Nankin de 1842). Après la convention de Chuanbi de 1841, c’est le deuxième des « traités inégaux » entre la Chine impériale de la dynastie Qing et les puissances colonisatrices (Royaume-Uni, France, Etats-Unis, Russie, Allemagne, Autriche-Hongrie, Pays-Bas, Portugal, Japon).

D’autres territoires deviennent britanniques après la deuxième guerre de l’opium en 1860 et, en 1898, l’Empire britannique force la Chine impériale de lui laisser les « Nouveaux Territories » (New Terrritories) à bail pour une durée de 99 ans.

Avec la Déclaration commune sino-britannique sur la question de Hong Kong, signée le 19 décembre 1984, la République populaire de Chine accorde à Hong Kong un haut degré d’autonomie au moins jusqu’en 2047. Le régime communiste s’engage à respecter la loi fondamentale (mini-constitution) de Hong Kong pendant une période de 50 ans après la rétrocession, donc jusqu’en 2047.

La loi fondamentale (Basic Law) permet à Hong Kong de conserver son système légal (common law), sa monnaie et son système politique démocratique, y inclut le multipartisme, la liberté d’expression et la liberté de presse. Hong Kong garde également ses équipes sportives internationales, ses lois sur l’immigration, son domaine internet (.hk), son indicatif téléphonique, son code de la route (conduite à gauche) et son système économique capitaliste; en 2019, Hong Kong est la troisième place financière au monde après New York et Londres. A terme (donc pas immédiatement), le chef de l’exécutif de Hong Kong sera élu au suffrage universel. Seulement en matière de politique étrangère et de défense, la Chine a déjà le dernier mot.

Le 1er juillet 1997 marque la fin du bail. Le Royaume-Uni rétrocède les Nouveaux Territoires, Hong Kong et la péninsule de Kowloon à la Chine. Le régime communiste accepte cependant le principe «un pays, deux systèmes», formule créée par Deng Xiaoping en 1997 et devenue un slogan de la propagande chinoise qui s’étend également à Macao et Taïwan; ce dernier pays est démocratique, de facto indépendent et avec une présidente et un peuple qui n’ont aucune intention de se faire annexer par le régime communiste et corrompu du continent.

Les Britanniques n’ont pas tout fait pour établir la démocratie à Hong Kong avant de quitter ce territoire prospère. Dans un entretien en 1999, Emily Lau m’a dit (entretien en anglais à la fin d’un texte en allemand): “The British Government did not try to introduce democratic government in Hong Kong in the final years of colonial rule. Mr Chris Patten proposed a drop of democracy just to show that Britain did make an attempt. You can call that a fig leaf for their conscience. It was woefully inadequate, very little and very late!”

Quant à la Chine, elle applique la « tactique du salami »: l’élimination progressive des libertés accordées à cette région administrative spéciale jusqu’en 2047.

La révolution des parapluies de 2014 voit plus de 100,000 personnes protester contre le projet du gouvernement chinois de limiter la portée du suffrage universel pour l’élection du chef de l’exécutif de Hong Kong en 2017.

En 2019, le mouvement contre l’amendement de la loi d’extradition voulu par le gouvernement de Hong Kong mobilise jusqu’à 2 millions de personnes; Hong Kong avait une population de 7,3 millions! Avec cette loi d’extradition, la Chine communiste manifeste sa volonté d’intervenir dans le système juridique indépendant de Hong Kong.

Dans les élections locales de Hong Kong en novembre 2019 — l’unique occasion de voter dans des élections libres —, avec un participation record de 71%, le camp des candidats en faveur de la démocratie gagne 85% des sièges des conseils de district locaux. Les candidats du camp de Pékin essuient des pertes historiques. Les Hongkongais indiquent ainsi clairement leur attachement à la démocratie.

Un évènement particulièrement choquant arrive le 30 juin 2020 avec l’adoption de la nouvelle loi sur la sécurité nationale par le Comité permanent de l’Assemblée nationale populaire le 1er juillet 2020, qui entre en vigeur le 1er juillet 2020, date anniversaire de la rétrocession de Hong Kong.

Une nouvelle loi à Hong Kong, imposée par Pékin en 2021, stipule que les candidats à l’élections parlementaire doivent être approuvés par un comité, évidemment composé de gens du camp de Pékin. Le nombre de parlementaries directement élu par le peuple est réduit de 50% à 22%. C’est définitivement la fin de la démocratie à Hong Kong.

Le 1er juillet 2022, Xi Jinping et le Parti communiste chinois célèbrent la rétrocession de Hong Kong à la Chine il y a 25 ans. Comme avec le 70ième anniversaire de la création de la Chine communiste (1949-2019; article en allemand), les Hongkongais n’ont aucune raison de célébrer cet évènement.

L’Ouest ne peut pas regarder comment la Chine communiste et corrompue impose sa volonté partout dans le monde. Si le XXIe siècle doit devenir le siècle asiatique, faisons à ce qu’il soit démocratique. Les Chinois peuvent très bien vivre dans un régime démocratique. Taïwan en est la preuve, et pour cette raison une épine dans le pied de Xi Jinping.

A la fin de 1986, des étudiants et des intellectuels demandent plus de libertés politiques et économiques en Chine. L’homme des réformes économiques, Deng Xiaoping, demande au secrétaire général du Parti communiste chinois, Hu Yaobang, d’écraser les manifestations. Hu Yaobang refuse. L’aile dure de son parti le force à la démission en 1987. Hu Yaobang meurt en April 15, 1989. Une semaine après la mort de ce réformateur (potentiel), des manifestants sur la place de Tian’anmen à Pékin demandent des réformes. Le homme fort du régime, le Premier Li Peng, s’y refuse.

Le 4 juin 1989, le massacre de la place Tian’anmen a lieu. Le Parti communiste se décide contre des réformes. Le 2 mai la même année en Europe, le régime communiste hongrois fait un pas dans l’autre direction avec la destruction du rideau de fer. C’est le début de la fin de communisme en Europe. En Chine, le régime comprend que des réformes politiques conduiraient à sa chute. Dorénavant, toute opposition est réprimée, éliminée.

Sous le dictateur à vie, Xi Jinping, le régime durcit le discours et les actions. Non seulement Tibétains et Ouïghours sont menacés, mais toute voix discordante.

A Hong Kong, les libertés ont largement disparu. Dans son classement mondial de la liberté de presse, Reporters sans frontières classe Hong Kong à la 148e place sur 180 pays. Le fondateur du puissant journal Apple Daily, Jimmy Lai, se trouve comme 180 autres journalistes en prison. Son quotidien cesse de paraître. A Hong Kong, plus de 1,000 journalistes perdent leur travail en quelques mois. La censure et l’auto-censure sont omniprésente. La liberté de presse, la liberté d’expression, la justice, la liberté de recherche dans les universités et même les libertés économiques sont menacées.

Pékin de facto désigne le nouveau chef de l’exécutif de Hong Kong. John Lee a été une figure clef dans la lutte du gouvernement contre les manifestants pro-démocratiques, dans la poussée de la loi d’extradition ainsi que de la nouvelle loi sur la sécurité nationale.

Dans son discours à Hong Kong le 1er juillet 2022, le président chinois Xi Jinping dit que la formule «un pays, deux systèmes» a été un succès et qu’il n’y a pas de raison de la changer, qu’il faut même la maintenir à long terme. Il oublie de dire que lui et ses alliés ont vidé l’accord en vigeur depuis 1997 de leur sens. Dans son discours à Hong Kong, Xi Jinping dit également que toute interférence (étrangère) à Hong Kong doit être éliminer. En d’autres mots: c’est la fin des libertés.

Dans les dernières années, l’Ouest a commencé à se réveiller. Obama avait compris que l’ascension de l’Asie étaient inévitable. Trump avait commencé une guerre commerciale contre la Chine, en attaquant en même temps son allié potentiel le plus important: l’Union européenne. En mi-2022, l’Otan finalement compris que: « La République populaire de Chine affiche des ambitions et mène des politiques coercitives qui sont contraires à nos intérêts, à notre sécurité et nos valeurs. »

Avec Deng Xiaoping, le Parti communiste chinois a accepté le capitalisme et la mondialisation. Ainsi, le pays a pu se développer rapidement. Des centaines de millions de chinois ont ainsi pu échapper à la pauvreté. Mais avec le massacre de la place Tian’anmen en 1989 et encore plus sous la présidence du dictateur à vie Xi Jinping, la Chine communiste a abandonné et même inversé le chemin vers plus de libertés politiques, économiques, culturelles et personnelles. L’Internet, le téléphone portable et les caméras de surveillance ont permis d’établir un système à la George Orwell: Big Brother is watching you.

La pandémie est un test pour le régime communiste et pour Xi Jinping. Leurs crédibilité et leurs légitimité sont en danger.

Imaginez Hitler, Mussolini et le régime japonais des années 1926 à 1945 avec un système économique qui fonctionne plus au moins, avec une grande quantité de resources naturelles et d’armes nucléaires. C’est ce que l’Ouest risque de devoir affronter avec une alliance possible entre par exemple la Chine, la Russie et l’Iran.

Quant à la Chine communiste, il y a des limites à sa croissance, à son développement: l’absence d’un Etat de droit, le non-respect de la propriété intellectuelle, la corruption omniprésente. Même Jack Ma, le fondateur de l’entreprise Alibaba et un des hommes les plus riches de Chine, a « disparus » pendant quelques mois, peut-être à cause d’un discours qui n’a pas plus au régime.

Quant au soft power du régime chinois, il est très limité. La politique de l’enfant unique a été abandonnée en 2016, mais les couples chinois n’ont toujours pas plus d’enfants. La démographie chinoise sera donc décroissante pendant un moment. C’est bon pour le climat, mais mauvais pour la croissance, les retraites, etc. en Chine.

Toutefois, même si le PIB chinois par habitant n’arrivera qu’à la moitié de celui d’un citoyen des Etats-Unis, l’économie chinoise aura plus de deux fois la taille de celle des Etats-Unis car la population de la Chine dépasse plus de quatre fois celle des Etats-Unis.

La cupidité de l’Ouest a fait de la Chine un rival systémique.

Literature :

John M. Carroll: A Concise History of Hong Kong. Rowman & Littlefield Publishers, paperback,  2007, 288 pages. Commander ce livre (anglais) chez Amazon.fr, Amazon.com, Amazon.co.uk, Amazon.de.

Desmond Shum: Red Roulette: An Insider’s Story of Wealth, Power, Corruption and Vengeance in Today’s China. Simon & Schuster, 2021, 320 pages. Commandez ce livre (anglais) Amazon.fr, Amazon.com.

Thierry Wolton: Une histoire mondiale du communisme. tempus, 2021, 4 tomes avec plus de 4000 pages. Critique des quatre livres.

2016 photo of Xi Jinping (aka Jingping) from 2016. Cropped from a photo showing Xi Jinping with Narendra Modi. Date 23 June 2016. Photo copyright: Press Information Bureau of the Government of India (via Wikipedia).

Article ajouté le 4 juillet 2022 à 22:38 heure de Paris.