Les hommes de Mussolini

Nov 29, 2022 at 18:29 1004

Dans Les hommes de Mussolini (Amazon.fr), Frédéric Le Moal présente quinze homme – aucune femme – proche du Duce. Dans son avant-propos, il explique que le fascisme, à son origine, ne se confondait pas avec la personne de Mussolini, qui dut, même après la prise du pouvoir, compter avec les ras, ces chefs des bandes de Chemises noires qui surent se construire des sortes de féodalités dans les provinces ou sur des villes. Ainsi Grandi contrôlait-il Bologne, Farinacci Crémone, Balbo Ferrare, tandis que Bottai se fit connaître à Rome.

Le Duce devait tenir compte des différents courants fascistes et des hommes qui les incarnaient. Selon Frédéric Le Moal, rien ne fut plus hétérogène que le fascisme. Il souligne qu’on y retrouvait une extrême gauche attaquant la propriété privée, une tendance néopaïenne aux relents antisémites, des républicains anticléricaux, des monarchistes convaincus, des catholiques fidèles à Sa Sainteté le pape. Tous partageaient néanmoins la conviction qu’une révolution était nécessaire afin de purifier l’Italie des miasmes du parlementarisme libéral, d’achever le processus d’unification de la nation, de forger un homme et un Etat nouveaux.

Parmis les quinze hommes de Mussolini on compte trois membres des forces politiques traditionnelles: Cesare Maria De Vecchi, le monarchiste fasciste et intransigeant, Emilio De Bono, un militaire entré en politique, et Luigi Federzoni, un socialiste patriote et nationaliste fidèle du roi Victor Emmanuel III, décrit comme un monarchiste fasciste. Les autres personnages sont le diplomate et frondeur de 1943 Dino Grandi, le puritain de la révolution Roberto Farinacci, le gendre mondain et renégat du Duce Galeazzo Ciano, la voix de son maître, l’ordonnateur grotesque Achille Starace, l’intellectuel de la révolution fasciste Giuseppe Bottai, le patriot, républicain et socialiste décrit comme « Lindbergh fasciste » Italo Balbo, le révolutionnaire et syndicaliste Michele Bianchi, le hiérarque discret Costanzo Ciano, le normalisateur du fascisme Augusto Turati, le philosophe du fascisme et intellectuel libéral-fasciste (!?) Giovanni Gentile, le maréchal politique au service du régime fasciste, puis conspirateur et successeur Pietro Badoglio, ainsi que le fils de bonne famille et ami de Ciano, l’archange de la République de Salò Alessandro Pavolini.

Ce qui frappe c’est que beaucoup de ses hommes passèrent par la franc-maçonnerie, et une majorité d’entre eux passa par les rangs de la gauche socialiste, souvent modérée, ou du syndicalisme révolutionnaire; ils firent des études, furent avocats et surtout journalistes. Ils étaient donc ni brutes ni incultes et barbares. Frédéric Le Moal conclut qu’ils maniaient le poing, la matraque, l’huile de ricin et la plume avec une identique fougue.

Cependant, l’exercice du pouvoir, la fréquentation des notables traditionnels, le sentiment d’impunité acquis pendant les années de squadrisme firent d’eux des satrapes aux mains sales et aux poches pleines. Affairisme, contrats juteux, achats d’usines, d’immeubles de rapport et de villas élégantes, corruption et clientélisme jalonnèrent bien des montées vers le sommet du fascisme.

Ils avaient du sang sur les mains. Ils étaient coupables de brutalités politiques contre leurs adversaires passés à tabac, répressions étatiques contre les opposants, éliminations coloniales contre les rebelles libyens ou éthiopiens. Mais, selon Frédéric Le Moal, il n’y avait parmi eux pas l’équivalent d’un Himmler ou d’un Heydrich, organisant bureaucratiquement la mise à mort de millions d’individus.

La principale faiblesse de ces hommes de Mussolini résidait dans leur manque total d’unité. Frédéric Le Moal décrit comment chacun cultivait «son» fascisme, épousait les intérêts de son ministère contre le dessein d’hégémonie tentaculaire développé par le parti, surtout à l’époque de Starace. Leur trait d’union était il Duce. De plus, les profondes haines personnelles qui les opposaient poussaient ces petits Fouché à constituer de sulfureux dossiers, riches de pièces compromettantes, de nature à détruire la réputation d’un ennemi, ce qui permettait à Mussolini d’endosser la fonction d’arbitre, de se placer au centre des factions et de trancher.

Tout changea avec la guerre. Selon Frédéric Le Moal, beaucoup de ces fascistes ne pardonnèrent pas à Mussolini leur envoi, sous l’uniforme, sur le front calamiteux ouvert par l’humiliante invasion de la Grèce en octobre 1940.

L’accumulation des défaites, la satellisation de l’Italie au bénéfice des Allemands, la subordination, la servilité, de Mussolini vis-à-vis de Hitler autant que sa décrépitude physique brisèrent l’envoûtement. Frédéric Le Moal explique la chute du Duce, entre autres, par le fait qu’une partie des hiérarques n’avait jamais oublié que le fascisme avait préexisté au mussolinisme et que leur ralliement, voire leur adhésion, reposait sur des convictions idéologiques et non des fidélités personnelles.

Ce ne sont que quelques élements d’un livre qui présente quinze hommes clefs du régime de Mussolini.

Frédéric Le Moal: Les hommes de Mussolini, Editions Perrin, Septembre 2022, 368 pages. Commandez ce livre chez Amazon.fr.

A lire absolument dans ce contexte, également par Frédéric Le Moal: la biographie du roi d’Italie Victor Emmanuel III. Commandez ce livre de 2015 chez Amazon.fr. Téléchargez ce livre en format Kindle chez Amazon.fr.

A lire également: Jean-Christophe Buisson: Le Noir et le Brun. Une histoire illustrée du fascisme et du nazisme 1919-1946. Perrin, Septembre 2022, 354 pages. Commandez ce livre chez Amazon.fr. Critique du livre / book review.

Pour faciliter la lecture, les citations et citations partielles dans cette critique de livre de Les hommes de Mussolini (Amazon.fr) ne se trouvent pas entre guillemets.

Critique de livre ajouté le 29 novembre 2022 à 18:29 heure de Paris.